Si l’obtention d’un certificat d’urbanisme (CU) est fortement conseillée, elle n’est jamais imposée par les articles L410-1 et R410-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Il ne s’agit en somme que d’une sage précaution. Le CU constitue le moyen de mettre le terrain « à l’abri » pendant dix-huit mois, le temps suffisant pour vendre ou faire déposer une demande d’autorisation qui pourra être instruite sous l’empire des règles et de la fiscalité ayant été «cristallisées» au jour de sa délivrance.
La référence au cristal – laquelle peut paraître curieuse de prime abord – est une évocation du gel et des cristaux qu’il provoque. Au cours des dixhuit mois durant lesquels le CU produit ses effets, les dispositions d’urbanisme, les limites administratives au droit de propriété et la liste des taxes d’urbanisme se trouvent bel et bien gelées. Cette cristallisation ne peut être remise en cause qu’à la condition qu’un motif impérieux de sécurité publique ou de salubrité publique l’exige.
Un droit immédiat à la stabilité juridique
Selon la jurisprudence administrative, le CU a pour effet de garantir à son titulaire un « droit à voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certifi cat » (Conseil d’État, 11/10/2017, n° 401878, M. et Mme A. c/commune du Pallet). Ce droit à la stabilité juridique n’a d’abord été reconnu qu’aux seuls certificats d’urbanisme d’information (CUa) et aux certificats d’urbanisme opérationnels (CUb) positifs certifiant réalisable l’opération présentée dans la demande déposée par le pétitionnaire. Un doute subsistait néanmoins sur la valeur du CUb négatif par lequel l’autorité compétente informe ledit pétitionnaire que son projet n’est pas réalisable. Il a été levé récemment par le Conseil d’État (CE). Selon ce dernier, un CUb, même s’il est négatif, a bien les mêmes effets qu’un CUa (CE, 18/12/2017, n° 380438, A. B. c/commune de Lambres-lez-Douai). La garantie offerte par le CU est d’application immédiate. Celui-ci produit ses effets dès le jour de sa délivrance, qu’il ait été accordé de manière explicite – par une notification dans le délai d’instruction de la demande – ou de manière tacite – par le silence conservé par l’autorité compétente. Une absence de réponse à une demande valablement adressée à l’autorité compétente fera ainsi naître en toute hypothèse, au terme d’un délai d’un ou deux mois selon les cas, un CUa tacite dont le délai de validité de dix huit mois commencera immédiatement.
En définitive, tout demandeur d’un CU a l’assurance de bénéficier de ce gel de la réglementation pourvu qu’il ait déposé un dossier de demande complet au guichet unique. Une fois saisie, l’autorité compétente ne dispose d’aucun moyen de différer sa réponse : ni par une demande de pièces complémentaire, laquelle n’est pas prévue ; ni en ayant recours au sursis à statuer qui ne peut être valablement opposé qu’à une demande d’autorisation et non à une demande d’information.
Un droit à la stabilité largement invocable
Le bénéfi ce de la stabilisation offert par le CU est très largement invocable selon la jurisprudence administrative (CE, 15/12/2015, n° 374026, commune de Saint-Cergues). Il n’est nul besoin d’être le demandeur – ou le titulaire – d’un CU pour faire état de son existence lors du dépôt ultérieur d’une demande d’autorisation d’urbanisme.
Dès lors, toute personne venant à détenir les qualités exigées par l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme pour déposer une déclaration préalable de travaux ou une demande de permis de construire pendant la durée de validité d’un certificat d’urbanisme peut invoquer à son bénéfice le droit à la cristallisation. Mieux, ce pétitionnaire peut se voir appliquer le bénéfice du droit à la cristallisation sans même l’avoir sollicité, faute notamment d’avoir connaissance de l’existence d’un CU en cours de validité. C’est en conséquence à l’autorité compétente en matière d’urbanisme, et au service instructeur censé préparer sa décision, qu’il appartient de déterminer si le terrain sur lequel la demande d’autorisation est déposée est soumis à un CU en cours de validité.
On peut en conclure que le droit à la stabilité ne connaît dès lors pas de bénéficiaire précis dont l’identité serait déterminée de façon définitive au jour de la délivrance du CU puisqu’un tiers peut tout à fait en bénéficier sans même le demander. En définitive, le CU ne connaît à tout prendre qu’un bénéficiaire : le terrain.
Une stabilité susceptible d’être prolongée à trente mois
Le CU peut être prorogé par période de douze mois, et sans limite, si les prescriptions d’urbanisme, les servitudes administratives de tous ordres et le régime des taxes et participations d’urbanisme applicables au terrain n’ont pas évolué (art. R. 410-17 du Code de l’urbanisme). C’est là une différence de taille avec le régime du permis de construire dont la prorogation ne peut être sollicitée que deux fois seulement pour un an (art. R. 424-21).
Formellement, la demande de prorogation du CU doit, selon les termes du code, être présentée au moins deux mois avant son expiration. Ce délai équivaut en réalité au délai d’instruction de ladite demande que l’article R. 410-17-1 du Code de l’urbanisme établit à deux mois. Au terme de ce délai, le silence conservé par l’administration est constitutif d’une décision tacite de prorogation. En toute hypothèse, la prorogation prendra effet au terme de la validité de la décision initiale.
Cette rédaction n’interdit pas que ladite demande soit anticipée par le titulaire. Par l’absurde, il lui est même loisible de la présenter dès le lendemain de l’obtention du CU. Bien informé, il peut s’organiser pour faire en sorte que celui-ci soit valable non plus seulement dix-huit mois mais trente mois. Tout l’incite à agir de la sorte puisqu’en provoquant très tôt l’examen de sa demande de prorogation, il coupe court à tout risque d’évolution de la réglementation et de la fiscalité. C’est là une faille ou un avantage du dispositif. Tout dépend du point de vue où l’on se place…