Un environnement du marché en demi-teinte
La croissance de l’économie a encore ralenti : + 1.4 % contre 1.7 % en 2018 et 2.4 % en 2017. Mais le taux du chômage a doucement reculé, à 8.7 % de la population active.
Le moral des ménages s’est redressé tout au long de l’année. Leur sentiment sur le pouvoir d’achat et l’emploi s’est progressivement amélioré.
Néanmoins, la dégradation des soutiens publics (Pinel et PTZ) sur les territoires ruraux et intermédiaires et la suppression des aides personnelles à l’accession intervenues en 2018 ont encore pesé sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages.
Mais des conditions de crédit exceptionnelles ont largement soutenu les marchés :
- les taux des crédits immobiliers sont descendus à des niveaux inconnus jusqu’alors : 1.25 % en 2019 contre 1.45 % en 2018. (1.12 % en novembre 2019, pour une inflation à 1.3 %).
- la durée des crédits accordés est restée stable à haut niveau. (20 ans dans le neuf et dans l’ancien). Et surtout, les taux d’apport personnel exigés par les banques ont reculé.
Ainsi, la production de crédits immobiliers aux particuliers s’est établie à 186 Mds d’€ en 2019 (hors rachats, renégociations et crédits relais) en hausse de 8.2 % (172 Mds d’€ en 2018), un record : en faible progression dans le neuf (+ 0.6 %), mais en augmentation rapide dans l’ancien (+ 16.3 %).
Depuis 2018, les prix de l’ancien évolue rapidement
Dès le printemps 2017, le rythme en glissement annuel (GA) de l’évolution des prix mesurée sur leur niveau trimestriel glissant avait ralenti : de 5.3 % en avril 2017 à 2.7 % en août 2018. Néanmoins durant l’été 2018, la hausse s’est faite plus rapide pour culminer à 5.9 % en août 2019. Mais alors que la pression de la demande ne s’est guère relâchée, la tension sur les prix se fait moins vive : avec 4.9 % d’augmentation en novembre, en GA, le ralentissement est notable.
Au cours du printemps 2019, le rythme annuel d’évolution des prix s’est redressé. En dépit de tensions qui s’atténuent depuis l’été, l’année se termine sur une hausse de 4.7 % (+ 3.4 % en mars dernier, après 18 mois de ralentissement), contre + 3.5 % en 2018 (+ 4.0 % en 2017). L’accélération de la hausse a été la plus marquée sur le marché des maisons (+ 5.4 % en 2019 après + 3.4 % en mars). Même si l’augmentation est aussi plus rapide sur le marché des appartements (+ 4.3 % en 2019, après + 3.3 % en mars)
- Prix des appartements 2017 : +3.2% 2018 : +3.5% 2019 : +4.2%
- Prix des maisons 2017 : +4.0% 2018 : +3.6% 2019 : +5.4%
Sur le marché prix du neuf, les prix progressent moins vite
La hausse des prix avait ralenti en 2018 : + 2.2 %, après + 3.0 % en 2017. L’essentiel du ralentissement a alors été porté par le marché des maisons sur lequel la demande avait été fragilisée par la remise en cause des soutiens publics. Le rythme de la hausse s’est alors maintenu à bas niveau durant 6 mois (+ 2.1 % en avril 2019) .
L’évolution s’est faite plus rapide au cours de l’été et 2019 se termine sur un rythme annuel de 2.7 %. Mais si la hausse des prix des maisons ralentit toujours, un regain de tension se constate sur le marché des appartements.
- Prix des appartements 2017 : +2.6% 2018 : +2.2% 2019 : +3.1%
- Prix des maisons 2017 : +5.4% 2018 : +2.1% 2019 : +0.6%
Les tendances régionales des prix
On constate une amplitude des prix au m² prononcée, entre les régions les moins chères et celles où les prix sont les plus élevés : de 1 à 3.4 dans l’ancien et de 1 à 2.3 dans le neuf.
Dans le neuf, les tensions sur les prix au m² ont été moins prononcées que dans l’ancien :
- les prix ont d’ailleurs baissé en Auvergne, en Basse Normandie et dans le Limousin ;
- ils n’ont que faiblement augmenté (autour de 1 %) en Alsace, en Franche Comté, en Haute Normandie, en Lorraine, dans le Nord-Pas de Calais, en Picardie ;
- ils ont cru modérément (autour de 2 %) en Aquitaine, en Bretagne, en Champagne-Ardenne, en Midi-Pyrénées et en PACA ;
- l’augmentation s’est faite dans la moyenne du marché (autour de 3 %) en Bourgogne, en Île-de-France et en Rhône-Alpes ;
- ailleurs, la hausse a été la plus rapide (au moins 4 %) dans le Centre, en Languedoc-Roussillon, dans les Pays de la Loire et en Poitou-Charentes.
Dans l’ancien, les prix des logements ont augmenté dans la plupart des régions en 2019 :
- la hausse a été la plus rapide (7 à 8 %) en Bretagne et dans les Pays de la Loire,
- elle a été rapide (5 à 6 %) en Alsace, en Île-de-France, en Lorraine, en Midi-Pyrénées, dans le Nord-Pas de Calais et en Rhône-Alpes ;
- elle a été un peu moins rapide que l’ensemble du marché (3 à 4 %) en Aquitaine, en Bourgogne, dans le Centre, en Franche Comté, en Haute Normandie, en Languedoc-Roussillon, en Picardie et en Poitou-Charentes ;
- elle a été modérée (2 %) en Auvergne, en Basse Normandie et en PACA ;
- alors que les prix ont stagné en Champagne-Ardenne et doucement reculé dans le Limousin.
Les prix en région moins élevés le long de la « diagonale des faibles densités »
L’amplitude des prix du lot (maison ou appartement) est un peu moins prononcée que celle qui se constate sur les prix au m², entre les régions les moins chères et celles où les prix sont les plus élevés : de 1 à 2.6 dans l’ancien (avec 141.2 K€ dans le Limousin contre 373.4 K€ en Île-de-France) et de 1 à 1.8 dans le neuf (avec 158.0 K€ dans le Limousin contre 288.9 K€ en Île-de-France). Les différences constatées entre les surfaces des biens acquis expliquent notamment cette moindre amplitude.
En outre, les prix de l’ancien sont toujours les plus faibles le long d’une quasi-diagonale : Champagne-Ardenne, Lorraine, Bourgogne, Franche Comté, Auvergne et Limousin… épousant pratiquement la « diagonale des faibles densités » (démographie et développement économique).
… en cause : les écarts de revenus
Les différences de prix au lot s’expliquent aussi par les écarts de revenus qui s’observent entre les régions. Avec par exemple, en Ile de France, un revenu moyen des acheteurs de logements (neufs ou anciens) de 58 % supérieur à celui constaté en Lorraine ou dans le Limousin ; de 50 % à celui constaté en Basse Normandie ou en Poitou-Charentes ; …
Aussi les différences de prix constatées entre les régions s’atténuent-elles lorsque les prix sont rapportés aux revenus des ménages qui ont réalisé les achats immobiliers. Les écarts de prix relatifs exprimés en années de revenus vont de 1 à 2 dans l’ancien : mises à part l’Île-de-France et PACA, les écarts ne sont plus que de 60 %.
Dans le neuf, mise à part l’Alsace, les écarts n’excèdent pas 30 % entre les régions les moins chères (Bretagne, Centre, Champagne-Ardenne, Limousin, Nord-Pas de Calais, Picardie et Haute Normandie) et les plus chères (Île-de-France, Lorraine, Poitou-Charentes et PACA).
Les prix n’ont reculé que dans moins de 15 % des villes de plus de 100 000 habitants
Sur un marché qui a fait preuve d’une vitalité certaine en 2019, les prix n’ont reculé que dans moins de 15 % des villes de plus de 100 000 habitants, contre 25 % en 2018. Alors qu’en général les prix ont progressé, parfois à un rythme très soutenu.
Cependant, dans 38 % des grandes villes, les tensions sur les prix se sont atténuées en 2019. Dans les villes où les prix ont baissé, bien sûr : surtout lorsque la baisse s’est constatée pour la deuxième année consécutive (Nîmes, Reims et Toulon) ou lorsque la hausse constatée en 2018 ne paraissait guère en phase avec les fondamentaux « locaux » de la demande (Limoges). Ailleurs, l’affaiblissement des tensions exprime souvent un simple ralentissement d’une hausse qui est restée modérée, par le passé (Caen et Reims). Les tensions se sont allégées sur Orléans qui pourtant bénéficie du dynamisme économique et de la proximité avec le marché parisien : mais les prix n’y ont que faiblement cru au cours de dernières années. La hausse a aussi faibli sur Paris et surtout sur Bordeaux avec une hausse de 0.2 % en 2019, après + 9,6 % en 2018.
Mais dans 12 % des grandes villes, l’évolution des prix a été un peu plus rapide en 2019. Parfois sur un marché local où les prix restent faibles (Perpignan) ou modérés au regard de l’attractivité de la ville (Montpellier). Mais aussi dans des métropoles régionales (Lyon et Nice) où le niveau actuel des prix limite les capacités d’expression de la demande, en dépit de la rareté des biens disponibles sur le marché.
Dans 50 % des grandes villes l’évolution des prix s’est faite (beaucoup) plus rapide en 2019
Enfin, dans 50 % des grandes villes l’évolution des prix s’est faite (beaucoup) plus rapide en 2019. Dans la plupart des cas, l’année 2018 avait connu un recul des prix dans ce villes : la baisse avait d’ailleurs pu y être rapide (Amiens, Le Mans, Metz, voire Dijon), l’année 2019 étant alors celle d’un rattrapage, après plus d’une année de baisse des valeurs et d’atonie de la demande. Mais dans toute ces villes, 2019 a connu un renforcement de la pression de la demande encouragée par le dynamisme de l’offre de crédits et/ou par des déséquilibres locaux parfois sensibles comme, par exemple, à Angers, Brest ou Villeurbanne qui ont enregistré des hausses à 2 chiffres.
Mais au total, 2019 a été l’année d’un ralentissement notable de la hausse des prix des logements anciens dans des villes emblématiques (Bordeaux, Lille, Paris voire Rennes), compte tenu de leur importance économique et de leur poids dans le marché national.
Dès le printemps 2018, les conditions de crédit se sont rapidement améliorées
Jamais par le passé les taux d’intérêt n’avaient été inférieurs à l’inflation durant aussi longtemps et les durées des prêts accordés se sont allongées. De plus, les établissements bancaires ont fortement allégé leurs exigences concernant l’apport personnel des emprunteurs : ainsi, à la fin de 2019, le taux d’apport personnel moyen était de 15 % dans l’ancien, contre 25 % en 2014 (et même 30 % au début de 2012).
Mais en 2018, la hausse des prix de l’immobilier et la suppression des aides personnelles à l’accession avaient pesé sur la solvabilité de la demande des particuliers, contrariant la réalisation des projets des ménages modestes. Le nombre de compromis signés avait reculé de 4.7 %, en dépit du rebond de l’activité constaté dès le début de l’été.
L’année 2019 a pleinement bénéficié du dynamisme de l’offre bancaire avec un nombre de prêts à l’ancien en progression de 9.5 % (après – 4.0 % en 2018), sur un marché où la pression de la demande ne s’est pas relâchée. Ainsi le nombre de logements anciens achetés par les ménages a augmenté de 8.1 % en 2019.
L’activité en régions repart en 2019
Après une année 2018 durant laquelle l’activité avait reculé dans la plupart des régions, 2019 a connu un regain du marché de l’ancien partout sur le territoire.
Les ventes de logements anciens ont augmenté rapidement (au moins 15 % sur un an) dans des régions où l’accession à la propriété a pleinement bénéficié de l’amélioration des conditions de crédit et de la baisse des taux d’apport personnel exigés. Ces marchés (Basse Normandie, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche Comté et NordPas de Calais) étaient souvent en panne depuis plusieurs années et les prix n’avaient cru que lentement.
Dans d’autres régions (Alsace, Haute Normandie, Pays de la Loire et Rhône-Alpes), l’activité a augmenté un peu moins rapidement (10 % sur un an). Dans ces régions, la demande avait nettement reculé en 2018 : le rebond de 2019 ne fait que compenser cette perte d’activité.
Souvent l’activité a progressé un peu moins rapidement que l’ensemble du marché, en dépit du dynamisme de l’offre bancaire : en raison du niveau des prix constatés (Île-deFrance ou PACA, voire Midi-Pyrénées) ou de leur progression récente (Bretagne), mais aussi du fait d’une demande affaiblie depuis de nombreuses années (Auvergne, Lorraine et Picardie).
Mais parfois la reprise du marché ne parvient pas à s’affirmer (Aquitaine, Centre, Languedoc-Roussillon, Limousin et Poitou-Charentes). Les hausses de prix constatées sur de nombreux territoires ont nettement pesé sur la demande. Alors que son pouvoir d’achat a été malmené par la conjoncture économique locale et/ou par la remise en cause des soutiens publics à l’accession à la propriété (aides personnelles, par exemple).
Que retenir de 2019 ?
L’année 2019 a pleinement bénéficié du dynamisme de l’offre bancaire, sur un marché où la pression de la demande ne s’est pas relâchée. Le nombre de logements anciens achetés par les ménages a augmenté de 8.1 % en 2019.
En dépit de l’atténuation des tensions sur les prix des logements anciens constatée depuis l’été, l’année se termine sur une hausse de 4.7 %, contre + 3.5 % en 2018 (+ 4.0 % en 2017).
2019 a été l’année d’un ralentissement notable de la hausse des prix des logements anciens dans certaines grandes villes emblématiques (Bordeaux, Lille, Paris), alors que dans d’autres (Angers, Brest, Rennes, Villeurbanne), des augmentations à 2 chiffres ont commencé à impacter le marché.
La hausse des prix des logements neufs s’est faite plus rapide à partir de l’été. Et 2019 se termine sur une augmentation de 2.7 %, contre + 2.2 % en 2018 (+ 3.0 % en 2017). Mais si la hausse des prix des maisons ralentit toujours, un regain de tension se constate sur la marché des appartements.
Ralentissement de la hausse des prix de l’ancien attendu en 2020
Toutefois, les inégalités entre les villes vont encore se renforcer. Avec dans la plupart d’entre elles, le renforcement du mouvement de gentrification en cours, compte tenu des niveaux de prix actuellement atteints. En revanche, la hausse des prix des logements neufs devrait être un peu plus rapide, en réponse à une progression plus soutenue des prix des appartements.
Après une année 2019 qui a pleinement bénéficié du dynamisme de l’offre de crédits bancaires, 2020 devrait être affectée par la dégradation des conditions d’octroi des prêts. Alors que les dispositifs de soutien à la demande ne vont plus s’améliorer, l’activité des marchés va reculer en 2020. D’autant que même si elle ralentit, la hausse des prix des logements continuera à peser sur la demande des ménages.
Après une année 2019 excellente (du fait de l’amélioration des conditions de crédit), le marché de l’ancien connaîtra une diminution des ventes de 5 % à 8 %, selon la rapidité de l’ajustement de l’offre des banques aux contraintes imposées par les autorités de contrôle bancaire. Et la construction ou l’achat de logements neufs par des ménages va encore reculer.