« Dans quelques semaines les plans d’occupation des sols seront tous caducs. », Vincent Le Grand – Universitaire et consultant en droit de l’urbanisme

Au 1er janvier 2020, il en sera fini de tous les POS, documents d’urbanisme annoncés en voie d’extinction depuis 20 ans mais à la vie particulièrement dure…

Les plans d’occupation des sols (POS) sont des documents d’urbanisme d’un autre temps, chacun en est bien convaincu. Créés par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967, ils ont fait les beaux jours de l’urbanisme des années 80 et 90. La loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) du 13 décembre 2000 a imposé leur remplacement progressif par les plans locaux d’urbanisme (PLU). Le législateur a toutefois pris le parti – pouvait-il faire autrement ? – de laisser aux communes, qu’elles soient déjà couvertes par un POS ou engagées dans son élaboration à l’époque, le choix du moment pour opérer cette « bascule ». Faute de calendrier contraignant, le remplacement des POS s’est avéré finalement bien plus laborieux que prévu.

La conservation des POS : une stratégie d’attentisme

En 2014, 21 % des communes françaises continuaient d’appliquer un POS sur leur territoire nonobstant l’invitation législative. Au 1er janvier 2019, elles étaient encore 1 102 selon le recensement établi par le Ministère de la cohésion des territoires (réponse ministérielle à la question 08788, JO Sénat, 23 mai 2019, p. 2729). Deux raisons principales justifient selon nous cette rétivité communale au changement.

La première provient de ce que leur POS a été rédigé à une époque où la lutte contre l’artificialisation des sols n’était absolument pas une priorité nationale. Contrairement à la nouvelle génération des PLU, leur POS a donc pu prévoir de très nombreuses zones d’extension de l’urbanisation. Bon nombre d’élus ont donc bien compris qu’il pouvait être opportun de consommer l’intégralité de ces zones à urbaniser (les fameuses zones « Na » et « 1Na ») avant de passer en PLU. Faute d’être urbanisées ces réserves foncières sont le plus souvent reclassées en zones agricoles ou naturelles, ce que montrent les deux extraits de plans de zonage ci-dessous.


Règlement graphique d’un POS d’une commune du Calvados (Saint Gabriel Brecy).
La zone 1NA ouverte pour un lotissement en deux phases successives d’est en ouest.

Règlement graphique du PLU de la même commune.

La partie ouest de la zone 1NA qui n’a pas encore été consommée par une opération de lotissement a été reclassée en N dans le PLU

La seconde tient à un effet repoussoir du PLU, lequel connaît depuis vingt ans un régime extrêmement volatile. La version « SRU » du document a du être « grenellisée » en raison de l’entrée en vigueur de la loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010 dite « Grenelle 2 de l’environnement ». La loi ALUR du 24 mars 2014 a ensuite transmis la compétence relative à leur élaboration à toutes les intercommunalités. En règle générale, un PLU établi dans le début des années 2000 a été l’objet de plusieurs procédures de révision ou modification, spontanées ou contraintes. Le PLU souffre donc de la comparaison avec le POS, document immuable résistant aux outrages du temps et des réformes législatives. Rappelons à titre d’exemple que le coefficient d’occupation des sols n’a pas été supprimé pour les POS en 2014.

En conséquence, demeurer en POS a pu être une stratégie d’attente – sinon d’attentisme – mûrement réfléchie et souvent payante pour de nombreuses communes désireuses d’assurer la réalisation de leurs projets urbains. C’est parce qu’il l’a bien compris que le législateur a enclenché en 2014 un mécanisme de caducité automatique pour, serait-on tenté de dire, déloger les élus accrochés à leur POS.

Le mécanisme de caducité progressive des POS établie par la loi ALUR

La loi ALUR du 24 mars 2014 établit le principe d’une caducité automatique des POS au 1er janvier 2016. L’article L. 174-4 du code de l’urbanisme prévoit cependant que si la commune a mis avant cette date en révision son POS afin de le transformer en PLU communal, le POS pourra continuer de s’appliquer sur son territoire jusqu’au troisième anniversaire de l’entrée en vigueur de la loi ALUR, à savoir le 27 mars 2017.

Pour inciter les communes à établir des PLU intercommunaux, la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 dite de simplification de la vie des entreprises a créé un autre régime dérogatoire pour les POS, lequel a depuis lors été retouché par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 égalité-citoyenneté. Il en résulte, selon les termes de l’article L. 174-5 du code de l’urbanisme, que si la mise en élaboration d’un PLU intercommunal a été entreprise pour remplacer un POS avant le 1er janvier 2016, le POS pourra continuer de s’appliquer au plus tard jusqu’au… 31 décembre 2019 !

Au 1er janvier 2020, il en sera fini de tous les  POS, documents d’urbanisme annoncés en voie d’extinction depuis 20 ans mais à la vie particulièrement dure…

Après la caducité, quelle est la situation ?

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en charge de l’élaboration des PLU intercommunaux ont travaillé depuis le début de l’année à marche forcée pour faire en sorte que ceux-ci succèdent sans transition aux derniers POS applicables sur leur territoire. Mais les procédures sont toujours plus longues que prévu… Si le PLU n’est pas opposable au jour fatidique, la caducité du POS emportera le retour au « RNU » (règlement national d’urbanisme). En un mot, la commune sera considérée provisoirement comme n’ayant plus de document d’urbanisme. La règle de la constructibilité limitée fixée à l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme se trouvera applicable. Aucune construction nouvelle ne sera possible, sauf exception, en dehors des « parties urbanisées » du territoire. Matériellement, la localisation des droits à bâtir deviendra très aléatoire. Elle impliquera nécessairement l’obtention d’un certificat d’urbanisme opérationnel (CUb) pour savoir si un terrain est ou non aménageable ou constructible. De même, l’instruction de toutes les demandes d’actes d’urbanisme, permis de construire et déclarations préalables, supposera que l’autorité signataire – à savoir le maire au nom de la commune – obtienne à chaque fois l’avis conforme du préfet (art. L. 422-6 du code de l’urbanisme).

On l’aura bien compris, la stratégie d’attentisme de certains territoires conjuguée à la difficulté d’établir des PLU intercommunaux risque dans quelques semaines d’être suivie de lourdes conséquences pour des communes qui se trouveront fort dépourvues quand la caducité sera venue.

 

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Vincent LE GRAND: Vincent LE GRAND est universitaire et consultant en droit de l'urbanisme et de l'aménagement. Il répond à toutes demandes de consultation et propose aux acteurs de l'immobilier des accompagnements adaptés en assistance juridique (VLG CONSEIL). Vincent LE GRAND a créé et dirige le diplôme d'université "Droit de l'urbanisme" au sein de l'Université de Caen Normandie, seule formation continue ouverte en e-learning dans ce domaine à l'échelle nationale