Pour améliorer la transparence et la professionnalisation des activités immobilières, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et pour un urbanisme rénové, dite loi Alur, a renforcé les obligations qui encadrent l’exercice des professions immobilières régies par la loi Hoguet. L’interdiction de discriminer constitue une exigence professionnelle reconnue, expressément inscrite à l’article 3 de l’annexe du décret n° 2015-1090 du 28 août 2015 qui fixe les règles constituant le code de déontologie applicable aux professionnels de l’immobilier. En garantir le respect nécessite toutefois de disposer d’outils pour repérer et prévenir les risques. Le point sur la question avec le Défenseur des droits, institution pour la défense et la promotion des droits de chacun, indépendante de l’État, créée en 2011 et inscrite dans la Constitution.
1- Définir l’engagement à louer sans discriminer
A établir avec la/le propriétaire et le respecter à toutes les étapes de la recherche de la/du futur.e locataire. Il faut se donner le temps de la compréhension de la demande, de sa reformulation pour neutraliser d’éventuels préjugés ou même repérer une demande discriminatoire. L’objectif est de se mettre d’accord avec la personne propriétaire sur les critères objectifs de choix du locataire. Il convient de faire preuve de tact pour neutraliser d’éventuels préjugés. Pour garantir le respect de l’interdiction de discriminer, le Défenseur des droits recommande d’insérer systématiquement une clause de non-discrimination dans le contrat de mandat. L’insertion de cette clause consacre en effet l’engagement concret des parties.
Modèle de clause de non-discrimination à insérer dans le contrat de mandat.
«Aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du Code pénal (article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs). Les parties prennent l’engagement exprès de n’opposer à un ou une candidate à la location des présents biens aucun refus fondé sur un motif discriminatoire au sens de l’article 22-1 du Code pénal. Elles s’engagent en outre à ne pas refuser les personnes se portant caution pour la/le candidate à la location au motif qu’elles ne possèdent pas la nationalité française ou qu’elles ne résident pas sur le territoire métropolitain (article 22, 1 alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989).
Toute discrimination commise à l’égard d’une personne est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article 225-1 du Code pénal). »
2- Définir les conditions de la location
Une fois clairement formalisé l’engagement à ne pas discriminer, peuvent être défi nies les conditions de la location. Il convient tout d’abord de proposer un logement décent. Cette obligation est d’autant plus importante que ce sont les publics en situation de vulnérabilité économique mais aussi les plus exposés aux discriminations qui se voient proposer et souvent contraints d’accepter des logements non décents. *Créer une fiche-type sur les conditions de location afin que les conditions de garantie demandées soient équivalentes pour tous est recommandé.
*Informer le propriétaire des différents types de garantie existants, notamment publiques.
3- Déterminer les garanties nécessaires et justificatifs pouvant être demandés
Il convient de s’assurer que les candidats ne soient plus écartés au motif que leurs garants résident en outremer : l’interdiction de discriminer vaut aussi pour ces derniers. Le professionnel devra remettre une liste type des justificatifs demandés pour constituer le dossier. Cette liste devra être établie conformément au décret du 5 novembre 2015 pour s’assurer que seules des pièces autorisées par la loi sont demandées et que les mêmes informations sont données à tous. tes les candidats.e.s à la location.
4- Prévenir les discriminations en présence d’une pluralité d’acteurs
Veiller également à ce que des acteurs extérieurs au contrat de mandat ne créent pas de discriminations. Des exemples ? L’exigence par une société d’assurance d’une pièce d’identité délivrée par l’administration française à un ressortissant allemand ; une clause illégale d’un règlement de copropriété interdisant la colocation ; des obstacles de la copropriété à des aménagements de l’immeuble pour l’accès des handicapés .
5- Rédiger et publier l’annonce sans discriminer
Vérifier que l’annonce, quelle qu’en soit le support, ne comporte que des conditions strictement indispensables pour la bonne exécution des obligations locatives et qu’aucun.e des candidat.e n’est écarté.e, même involontairement. Sachez que la mention « de préférence fonctionnaire titulaire » écarte les personnes étrangères à l’Union européenne.
6- Garantir l’égalité de traitement à toutes les étapes de la relation avec les candidats
Donner à tous les candidats les mêmes informations, leur demander les documents équivalents et les informer rapidement des suites données à leur demande, même en cas de refus.
7- Choisir la/le locataire sans discriminer
Instruire les dossiers selon une procédure type : retenir uniquement des critères en rapport avec la mise en location et les garanties recherchées pour son bon déroulement, ne défi nir que des conditions indispensables pour la bonne exécution des obligations locatives telles que le paiement régulier du loyer. Exemple : exiger des ressources provenant uniquement d’un salaire est une condition qui tend à écarter systématiquement les personnes handicapées de la location.
8- Etablir un contrat type de location
Rédiger le bail selon un modèle afin que tous les futur.e.s locataires bénéfi cient des mêmes conditions de location et sécuriser la relation locative, en garantissant la conformité des clauses à la loi.
COMMENT REAGIR FACE A DES DEMANDES DISCRIMINATOIRES ?
. Privilégier une attitude de neutralité.
Observer et écouter. Rester neutre dans l’écoute et l’expression du visage. Utiliser des arguments factuels. Responsabiliser l’interlocuteur en adoptant le silence dans un premier temps, afin de l’inciter à prendre conscience de la portée de ses propos.. Considérer le besoin exprimé et reformuler la demande, dans des termes neutres et non discriminatoires.
– Exemple de reformulation face à une demande visant à exclure un.e jeune de la location en raison d’une expérience de dégradation avec un précédent locataire qui présentait cette caractéristique : « Oui, vous avez raison de vouloir garantir les loyers impayés, mais ce qui compte, c’est le dossier du candidat, pas son âge. »
. Ne jamais rester dans l’implicite.
Face à un interlocuteur usant de sousentendus tels que «Vous voyez ce que je veux dire» ou «Je peux vous faire confiance», indiquez clairement dans votre réponse votre refus de comprendre la demande implicite de ne pas louer, par exemple, à des personnes d’origine étrangère : «Non, je ne comprends pas bien. Pouvez-vous préciser?». Centrer le dialogue sur l’intérêt d’une réponse professionnelle dans le respect de la loi.
Face à une demande discriminatoire persistante, recentrez le dialogue sur les besoins et les motivations réels d’une mise en location et démontrez l’intérêt d’une réponse professionnelle, en vous appuyant sur les exemples d’arguments suivants :– Pour prévenir les risques juridiques liés à une recherche sur des critères interdits par la loi : «Nous sélectionnons les candidats avec professionnalisme et ne pas discriminer en fait partie.»
– Pour un aboutissement rapide de la recherche grâce à des conditions de location bien définies : «Compte tenu de votre urgence à louer, en écartant des candidats sur la base de caractéristiques personnelles, vous vous mettez dans l’illégalité et vous diminuez vos chances de louer rapidement votre bien à des personnes ayant par ailleurs de bonnes garanties.»
– Pour une sécurisation de la relation locative dans la durée, grâce à un suivi possible en cas de diffi culté : « Je préfère vous trouver un candidat qui remplit les conditions légales et assurer le suivi en cas de problème. »
– Pour éconstruire les préjugés, par exemple face à la crainte d’impayés de loyers évoquée par un propriétaire visà- vis de la candidature d’une personne d’origine étrangère : « D’expérience, les professionnels de l’immobilier savent que ce ne sont ni les petits dossiers ni les personnes d’origine étrangère qui font de gros sinistres ou de gros impayés. »