Vous êtes beaucoup intervenu ces dernières semaines pour rappeler les professionnels de l’immobilier à l’ordre ?
Jean-Marc Torrollion : Ce sont les circonstances qui ont fait que j’ai été amené à intervenir. Dans un premier temps concernant une agence en Bretagne, l’agence Pilori, qui a eu la malencontreuse idée d’instaurer une forme de partenariat ouvert à l’égard d’infirmiers et de médecins en maison de retraite, avec une rétribution par rapport à des renseignements qui auraient été donnés sur des intentions de vente, et je pense que ce genre de chose est déontologiquement inacceptable, du côté du personnel médical, comme du côté des agents immobiliers, car il n’est pas question qu’on exploite la faiblesse des gens, pour obtenir des renseignements ou un flux d’affaires. J’ai donc été amené à rappeler cela, en interne et auprès de mon confrère, ainsi qu’auprès de mes interlocuteurs.
Vous avez sorti le carton rouge ?
Jean-Marc Torrollion : En effet, car ce confrère va passer au comité d’éthique, et nous prendrons une sanction appropriée.
On vous a entendu aussi sur l’enquête SOS Racisme qui pointe des pratiques discriminatoires…
J.M.T. : Tout à fait, je me suis d’ailleurs rendu à l’invitation de SOS Racisme à la restitution de cette enquête, où j’étais la seule fédération présente, et nous sortons d’un comité interministériel au ministère du logement ce matin*, où étaient présentes toutes les fédérations, et l’UNPI également pour les propriétaires, ainsi que SOS Racisme. J’en déduis d’abord que le logement est au centre de la crispation actuelle de la société sur certains sujets, et il ne peut pas y échapper, c’est une valeur affective et importante pour les français, et au travers de cette valeur ils peuvent véhiculer un certain nombre d’idées fausses ou d’exigences propres à la situation actuelle. Ce que j’ai pu constater malgré tout lors de cette enquête, c’est que les agences étaient un filtre contre la discrimination, et un bien meilleur filtre que le secteur non-intermédié.
Pouvez-vous nous rappeler les résultats de l’enquête ?
J.M.T. : 49% des agences ont refusé cette discrimination, qui, je le rappelle, était à partir d’une sollicitation de la part d’un propriétaire de mettre en location un bien, mais d’exclure telle ou telle catégorie de locataires. Les 51% restantes, se divisent en deux « camps » à peu près équitables. Le premier qui a rappelé que la discrimination n’était pas autorisée en laissant toutefois le choix définitif aux propriétaires d’opérer cette discrimination. Le deuxième camp quant à lui n’a rien rappelé du tout, et s’est associé pleinement à cette discrimination. Bien entendu ce n’est pas satisfaisant, car nous nous devons de respecter la loi, de respecter une éthique, et de ce point de vue là, j’ai rappelé au ministre nos engagements, car nous sommes très engagés au sein du défenseur des droits. Nous avons publié un certain nombre de choses, j’ai pris un certain nombre d’engagements très nets. D’abord, dans le cadre de la formation obligatoire de l’éthique et de la déontologie d’avoir un module spécifique co-construit avec SOS Racisme, sur la non-discrimination, ainsi qu’un module pour répondre à cette objection, c’est-à-dire comment un agent immobilier répond au fait qu’il est directement sollicité pour de la discrimination.
Quelle est la question que SOS Racisme a posé aux agents immobiliers, et est-elle courante ?
J.M.T. : Ce n’est pas une question courante, mais elle n’est pas exceptionnelle. La question c’est un propriétaire qui appelle une agence pour la solliciter afin de mettre une maison en location, en ayant un discours très affectif sur cette maison, et ayant une exigence sur le locataire, excluant un certain nombre de locataires. Face à cette exigence, nous avons eu tout types de réponses. Face à cette exigence-là, comment armer nos agents immobiliers pour y répondre ? Répondre que dans un premier temps, la loi n’autorise pas ce genre de discriminations, proposer de rencontrer ce propriétaires, le rassurer, et lui expliquer qu’on peut trouver des bons locataires partout, qu’on ne se trompe pas dans notre choix de locataires, et que ce choix ne dépend pas d’une catégorie, mais bien d’un choix objectif que l’on sait faire, et qu’il nous laisse le faire. Au travers de toute une série de réflexion et d’argumentaire, on peut corriger et mettre les professionnels en situation de filtre positif par rapport à ce genre de démarche.
C’est à dire développer le rôle sociétal de l’agent immobilier ?
J.M.T. : Oui, le fait de respecter la loi, d’être le filtre utile contre la discrimination, et être les promoteurs d’une relation apaisée entre secteur privé locatif, locataire, et propriétaire.
Quelles sont les requêtes les plus farfelues que les gens immobilier ont à traiter ?
J.M.T : Contrairement à ce que l’on peut penser, nous avons tous à un moment un comportement un peu discriminant, c’est le fruit de notre culture et notre éducation. Ainsi, on peut voir des locataires qui manifestent un choix en nous posant des questions. « Pas trop de .. ? Pas de tel et tel type ? », ou une locataire asiatique que j’ai rencontré, qui a vérifié tous les noms des boites aux lettres, car elle ne voulait pas trouver tel type de nom, ou un président de conseil syndical qui m’appelait lorsqu’un appartement se libérait, pour me demander de ne pas relouer à tel ou tel type de locataires, alors que tout s’était très bien passé. Ou bien des propriétaires qui ont manifesté ouvertement le fait que nous ne devions pas louer à tel ou tel type de locataires. Voilà les demandes que nous pouvons avoir, qui sont le reflet d’une crispation réelle de la société actuelle sur ces sujets-là, et nous sommes en pivot de ces crispations. A l’impossible nul n’est tenu, mais nous avons un rôle à jouer et nous et nous sommes prêts à l’assumer.
Concrètement, qu’allez vous faire ?
J.M.T. : Nous allons développer un module déontologie un module déontologie et éthique en collaboration avec SOS Racisme, ainsi qu’un module-tutoriel « réponse à l’objection » pour les agents immobilier et nos collaborateurs. Nous allons remettre en avant dans tous nos documents contractuels, notamment nos mandats et contrats de travail, des dispositions particulières rappelant cette interdiction et les sanctions qui y sont associées. Et concernant l’outre-mer, comme nous avons beaucoup d’adhérents en outre-mer, nous allons les associer pour que quand nous avons des cautionnements personnels à demander, d’être le tiers de confiance pour, à distance, faire signer les actes de cautionnement, et qu’ainsi ils soient traités sur un pied d’égalité, par rapport aux métropolitains.
Quelles sont les prochaines échéances de ce comité interministériel ?
J.M.T : Au regard des propositions que nous avons faites et que le ministre a noté, nous devons revenir vers lui d’ici le 30 juin.
(*) interview réalisée le 14 mai à la FNAIM.