Le Premier ministre a surpris l’ensemble de la communauté immobilière lorsqu’en pleine crise des gilets jaunes, quelques jours seulement après la promulgation de la loi Élan sur le logement, monument législatif, il signe un décret missionnant le député LREM Mickaël Nogal de Haute-Garonne* pour réfl échir à l’amélioration du marché locatif. Édouard Philippe a surpris parce qu’en pleine crise du pays, alors qu’un texte fondamental venait d’être voté, il ouvrait une nouvelle problématique immobilière. L’enjeu est plus profond qu’il y paraît : faciliter l’accès des ménages au marché locatif et sécuriser les revenus des propriétaires.
Un équilibre de plus en plus difficile à trouver
En première approche, les deux objectifs sont contradictoires. Pourtant, pas de marché sans cet équilibre entre des locations accessibles à la plus large proportion des candidats locataires et des investisseurs qui y trouvent leur compte. Cette équation a de plus en plus de mal à s’équilibrer, en particulier sous l’effet de la désolvabilisation de la demande et de la fragilisation des locataires comme des bailleurs, face à des loyers qui ont augmenté dans les grandes villes plus rapidement que les revenus et ce, dans un climat de délitement du marché du travail depuis vingt ans.
Redonner à la location la place qui lui convient
On doit rendre au gouvernement deux hommages : celui, d’abord, d’avoir pris la mesure de cette réalité, et même d’avoir rouvert sans idéologie un dossier daté et marqué, instruit en leur temps et à leur manière par François Hollande et Cécile Duflot. On parlait alors d’encadrement des loyers d’office dans toutes les agglomérations tendues et de garantie universelle des loyers. Les deux solutions ont été, l’une enterrée, l’autre édulcorée, mais les problèmes persistent.
Une occasion historique pour reprendre la main
Il faut que la communauté des administrateurs de biens et des agents immobiliers saisissent cette occasion historique en faisant des propositions fortes pour reprendre la main. Faut-il qu’ils imaginent un dispositif de garantie contre les impayés sous la forme d’un partenariat public-privé entre les assureurs et Action Logement ? Faut-il qu’ils s’attribuent le rôle de ducroire pour être eux-mêmes garants du paiement des loyers ? Faut-ils qu’ils fassent évoluer les critères de choix des locataires pour rendre les locations privées plus accessibles ? Oui, sans doute. En tout cas, ces professionnels sont à un tournant de leur histoire. Doivent- ils y voir une pression de plus, une tracasserie supplémentaire ? Non, l’inverse : l’estime publique, qui se mérite, en effet, en acceptant une responsabilité majorée.