Après une année 2018 exceptionnelle et un 4e trimestre d’anthologie, le marché de l’investissement en immobilier d’entreprise a commencé 2019 sur un rythme moins soutenu. Si un ralentissement était attendu, le résultat de ce début d’année est tout à fait honorable. Ainsi, 3,8 milliards d’euros ont été investis en France au 1er trimestre 2019, soit une baisse de 8 % sur un an mais une hausse de 35 % par rapport à la moyenne de chaque 1er trimestre depuis dix ans.
« Les volumes investis n’ont pas encore décollé, indique Vincent Bollaert, Directeur du département Investissement chez Knight Frank France. Mais le contexte demeure favorable au compartiment immobilier et la forte présence des investisseurs étrangers ainsi que le rôle moteur des grandes transactions laissent penser que le marché français devrait conserver une très bonne dynamique en 2019. » En ce début d’année 2019, le poids des grandes opérations s’est accru : tous types d’actifs confondus, 14 transactions supérieures à 100 millions d’euros ont été recensées au 1er trimestre (contre 11 au 1er trimestre 2018), pour un volume de 2,3 milliards d’euros représentant 61 % de l’ensemble des montants engagés en France. Le segment des transactions de taille intermédiaire, celles comprises entre 50 et 100 millions d’euros, est en revanche à la peine, avec un volume en baisse de 78 % sur un an.
Bureaux : la périphérie se distingue
2,45 milliards d’euros ont été investis sur le marché français des bureaux au 1er trimestre 2019, soit une baisse de 20 % par rapport à la même période l’an passé et 65 % de l’ensemble des montants engagés depuis janvier. Contrairement au 1er trimestre 2018, et en dépit d’une légère augmentation du nombre de transactions de plus de 100 millions d’euros (11, contre 10 au 1er trimestre 2018), aucun méga-deal n’a été enregistré. Les résultats du marché de Paris intra-muros s’en ressentent : malgré quelques belles opérations (le « 40 rue du Louvre » acquis par UNION INVESTMENT, le « 37-39 avenue Trudaine » cédé à AMUNDI, etc.), seuls 800 millions d’euros ont été investis dans la capitale au 1er trimestre 2019 contre 1,85 milliard un an auparavant. Le recul devrait être moins prononcé à la fin du 2e trimestre en raison de la finalisation attendue de la cession à SWISS LIFE, pour 1,7 milliard d’euros, d’un portefeuille de 28 actifs appartenant à TERREÏS.
« Les plus beaux immeubles parisiens restent très prisés, explique Vincent Bollaert. Mais si les volumes sont ponctuellement gonflés par de grandes transactions, le niveau élevé des valeurs, l’allongement des durées de détention et l’assèchement de l’offre prime pourraient limiter l’activité en 2019 dans la capitale. » Un contexte auquel s’adapte le marché, comme le montrent la progression des opérations offmarket, la généralisation des stratégies de création de valeur et la bonne tenue de l’activité en périphérie. D’ailleurs, c’est hors de Paris que l’activité a été la plus soutenue au 1er trimestre 2019. Trois secteurs de 1ère couronne – le Sud, l’Est et Péri-Défense – y ont concentré la majorité des volumes investis grâce à la réalisation de 7 opérations supérieures à 100 millions d’euros (cession à PRIMONIAL REIM de « Sakura » à Fontenay-sous-Bois, acquisition par LIBERTY MANAGEMENT de « Spazio » à Nanterre, etc.). A La Défense, aucune grande transaction n’a encore été enregistrée, mais les négociations en cours indiquent que l’activité devrait nettement accélérer au fil des mois.
Commerces : meilleur démarrage depuis 2016
Si les bureaux ont moins bien démarré l’année qu’en 2018, tel n’est pas l’état du marché de l’immobilier industriel, dont les volumes ont progressé de 24 % sur un an au 1er trimestre 2019. Ce dynamisme prolonge une fin d’année 2018 déjà très animée et marquée par plusieurs grandes transactions, comme la cession à COLONY CAPITAL d’un portefeuille EDF ou l’acquisition par MORGAN STANLEY du portefeuille LOG’S.
La tendance est également positive pour les commerces
« 710 millions d’euros ont été investis sur le marché français des commerces au 1er trimestre 2019. En hausse de 31 % sur un an, ce volume représente 19 % de l’ensemble des sommes engagées dans l’Hexagone depuis janvier », annonce Antoine Grignon, directeur du département Commerces chez Knight Frank France. Ce bon démarrage doit néanmoins être relativisé, s’appuyant sur la vente à FORTRESS d’un portefeuille de 26 murs d’hypermarchés et de supermarchés CASINO pour près de 400 millions d’euros. Cette transaction a également gonflé la part des régions, de même que celle des centres commerciaux et des galeries (74 % au 1er trimestre 2019 contre 9 % sur l’ensemble de 2018). Animé par quelques autres opérations de moindre envergure, ce segment de marché pourrait connaître un surcroît d’activité en 2019 en raison de la correction des prix et de l’intérêt ciblé de certains investisseurs pour des zones ou actifs recelant un potentiel de revalorisation.
Si les actifs de pied d’immeuble n’ont rassemblé que 10 % des volumes investis en commerces au 1er trimestre 2019, leur part augmentera fortement au cours des prochains mois. De fait, l’aversion au risque des investisseurs et les exigences de rentabilité et de visibilité des enseignes continuent de jouer en faveur des meilleurs emplacements. A Paris, plusieurs grandes opérations sont notamment attendues sur les Champs-Elysées (le futur flagship NIKE du n°79, bientôt cédé par GROUPAMA à NORGES BANK) et sur quelques-unes des artères les plus haut de gamme de la capitale. Après une très bonne année 2018, le marché des parcs d’activités commerciales, pénalisé par la rareté de l’offre prime, a également marqué un coup d’arrêt. Dans ce contexte, ce sont les portefeuilles de « boîtes » et d’enseignes de périphérie qui, comme l’an passé, devraient soutenir l’activité en 2019.
Investisseurs étrangers : part en hausse, mais volume équivalent
Les sommes engagées en France par des investisseurs étrangers totalisent 1,7 milliard d’euros depuis janvier. Stable sur un an, ce volume représente 45 % des montants investis dans l’Hexagone au 1er trimestre 2019 contre 41 % à la même période l’an passé. La répartition géographique de ces investissements est assez proche de celle constatée au début de 2018. Présents sur toutes les typologies d’actifs, les Nord-Américains arrivent légèrement en tête (38 % des sommes investies par des étrangers) devant les Européens (34 %). Ces derniers sont majoritairement représentés par les Allemands. La part des Asiatiques reste modeste (9 %) mais devrait nettement augmenter ces prochains mois en raison du positionnement d’investisseurs coréens sur de très grandes opérations de bureaux franciliens. Quant aux Français, leur part est de 55 % au 1er trimestre 2019 contre 59 % un an auparavant. Majoritairement représentés par des SCPI / OPCI, ils ont été particulièrement discrets sur le segment des commerces.
Quelles perspectives ?
Les vents contraires soufflant sur l’économie mondiale (Brexit, tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, etc.) ne pèsent pas pour l’instant sur les performances du marché français de l’investissement. Ce dernier continue de tirer parti du surcroît d’intérêt des investisseurs étrangers et de l’afflux de capitaux privilégiant les destinations les plus sécurisées de la planète. Cette prudence se lit dans la répartition de l’activité par profil de risque : les actifs core ont encore représenté plus de la moitié des volumes investis au 1er trimestre 2019, et l’appétit très ciblé des investisseurs pourrait encore ponctuellement pousser les taux de rendement prime à la baisse sur le segment des bureaux et de la logistique.
Déjà observée l’an passé, la tendance des investisseurs à diversifier leur patrimoine et à chercher du rendement ne s’est pas pour autant démentie. « Encouragés par la résilience de l’économie française, la solidité du marché locatif et l’adaptation de l’immobilier aux nouveaux usages, les investisseurs se positionnent davantage sur des biens à valoriser et offrant des rendements potentiellement plus élevés. Si les volumes investis en 2019 devraient être moins élevés que l’an passé, les stratégies core + et value-added pourraient ainsi compenser la rareté des actifs prime et contribuer au « soft landing » du marché français » conclut Vincent Bollaert.