Plus de quatre ans après la loi Alur, la loi Élan portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a été pensée pour déréguler le secteur. Avec 270 articles et plusieurs ordonnances d’application prévues, c’est un texte de bonne taille, avec lequel les professionnels vont devoir se familiariser rapidement. Elle touche à de multiples secteurs du logement, qu’il s’agisse de la construction proprement dite ou de la caution Visale, en passant par les logements HLM. Voici un point sur les principales mesures. Celles qui concernent l’encadrement des loyers et les relations bailleurs locataires sont abordées dans l’article «Les nouveautés pour le bail d’habitation », Anne-Claude Poncet Expert immobilier BusinessFil
Simplifier les normes pour construire davantage et plus vite
Comment ? En faisant une pause normative durant le quinquennat (sauf pour les mesures déjà voté es ou relatives à la sécurité ). En réécrivant le Code de la construction pour libérer l’innovation. En rendant le logement évolutif pour qu’il puisse s’adapter plus facilement aux besoins de ses occupants.
Le constat : 60 nouvelles normes pendant le quinquennat précédent, générant des surcoûts. Des réglementations rédigées comme des modes d’emploi obligatoires qui freinent l’innovation.
#LOIELAN Pas de nouvelle norme pendant ce quinquennat (sauf exigences de sécurité ). La norme fixera des résultats à atteindre, ce qui facilitera l’émergence de solutions plus efficaces et moins coûteuses.
Réinventer des projets d’urbanisme partagés et collaboratifs
Comment ? En passant d’un urbanisme de procédure à un urbanisme négocié et en libérant l’innovation. En contractualisant des projets partenariaux d’aménagement (PPA) entre l’État et les collectivités. En créant un nouvel outil d’aménagement, des grandes opérations d’urbanisme (GOU), afin de libérer l’innovation. En facilitant la mobilisation du foncier public. En encourageant la capacité d’innovation par le permis d’innover pour déroger à certaines normes et faciliter les projets. En simplifiant l’urbanisme. En dé matérialisant les autorisations d’urbanisme d’ici 2022. En accompagnant les petites collectivité s territoriales. En limitant le nombre de pièces à fournir. En simplifiant l’enchevêtrement des différents documents d’urbanisme.
#LOIELAN Les projets d’urbanisme s’inscrivent dans une démarche partenariale qui rassemble l’ensemble des acteurs, l’État et les collectivités, pour plus de dynamisme et de partage des objectifs.
En pratique : Les PPA pourront par exemple être mobilisés pour assurer la reconversion d’une ancienne caserne ou d’une emprise hospitalière et l’intégrer dans un large projet de rénovation du centre d’une grande ville. L’État et les collectivités concernées prévoiront ensemble le programme de logements, commerces, équipements, espaces verts et voiries et la cession des terrains publics sera réalisé e sur la base de ce projet d’aménagement.
Stop aux recours abusifs
Comment ? En encadrant les procédures de recours et en évitant celles dilatoires sans fin qui découragent les acteurs de terrain. En fluidifiant le traitement des contentieux. En limitant les délais de jugement à 10 mois pour lutter contre les recours qui n’en finissent plus. En renforçant les sanctions contre les procédures abusives. Le constat : 30 000 constructions aujourd’hui bloquées à cause de recours abusifs, selon la Fédération de la promotion immobilière.
#LOIELAN L’objectif est de passer de vingt-quatre mois de procédure, en moyenne, à dix mois.
En pratique : Un promoteur immobilier ou un bailleur social pourra développer plus sereinement son projet d’immeuble répondant aux besoins locaux. Il saura que si son permis de construire est attaqué, le contentieux sera traité plus efficacement et le projet pourra ainsi être corrigé plus rapidement, si nécessaire. Du fait de ces délais resserrés et de sanctions plus fortes, les recours abusifs seront dissuadés.
Transformer les bureaux vides en logements
Comment ? En conduisant les propriétaires de bureaux à rénover leurs locaux pour améliorer la performance énergétique des bâtiments. En ajustant les normes techniques pour faciliter les opérations de reconversion de bureaux en logements. En introduisant un bonus de constructibilité pour assurer l’équilibre économique de l’opération. En réquisitionnant des bureaux durablement vacants pour héberger les plus démunis.
Le constat : De nombreux bureaux anciens sont vides, et les procédures pour les transformer en logement complexes.
#LOIELAN D’ici fin 2020, 500 000 mètres carrés de bureaux vides seront transformés en logements.
En pratique : En Île-de-France, les professionnels estiment que près de 700 000 mètres carrés de bureaux obsolètes, durablement vacants, ne conviennent plus aux attentes des entreprises. Il est urgent de les rénover pour leur donner une nouvelle attractivité ou de les reconvertir en logements ou en résidences : soit un gisement potentiel de 10 000 à 20 000 logements !
Inciter à la vente de terrains
La loi de finances a inversé la fiscalité sur le foncier pour encourager la libération des terrains sous condition de construire des logements dans les trois ans.
Le constat : Les propriétaires ont intérêt à attendre 22 ans pour annuler l’imposition sur leurs plus-values : on encourage la rétention foncière.
#LOIELAN L’imposition de la plus-value immobilière sur les terrains à bâtir est inversée sur les trois prochaines années. L’abattement fiscal sera proportionné à la nature des logements qu’il est envisagé d’y construire.
En pratique : Pour celui qui vend, l’abattement fiscal est de 70 % si des logements privés sont rapidement construits sur son terrain et même de 100 % si ce sont des logements sociaux ! Les entreprises aussi sont concernées, l’impôt sur les sociétés étant réduit de moitié .
Aider l’accession à la propriété dans le privé
Le prêt à taux zéro (PTZ) et le dispositif Pinel d’aide à l’investissement locatif ont été recentrés et prolongés pour quatre ans, une duré e inédite, pour accompagner les Français dans leur projet d’accession là où il y en a besoin.
Le constat : Les dispositifs de prêt à 0 % et Pinel devaient s’arrêter au 31 décembre 2017. Pourtant, les besoins en construction comme en rénovation de logements sont toujours prégnants.
#LOIELAN Les dispositifs PTZ et Pinel ont été reconduits, ce qui offre de la visibilité à tous les acteurs pour engager des projets de construction et de rénovation.
En pratique : Dans les zones les plus tendues, le PTZ et le Pinel sont reconduits pour quatre ans. Dans les autres zones, ces dispositifs sont adaptés : ils sont reconduits pour quatre ans pour les projets ciblés sur l’ancien, pour encourager la rénovation de l’existant et favoriser le renouvellement des centres des villes moyennes et des villages. Les dispositifs perdurent pendant deux ans dans le neuf pour finaliser les projets en cours.
Favoriser l’accession à la propriété pour les locataires HLM
Comment ? En facilitant la vente de logements HLM à leurs occupants.
Le constat : L’acquisition d’un logement HLM est possible depuis 1965, mais seule une très petite fraction est vendue chaque année aux occupants, en raison notamment de la complexité de la procédure.
#LOIELAN L’objectif est de permettre aux bailleurs sociaux de vendre plus facilement une partie de leur patrimoine aux occupants HLM. Cela permettra de développer l’accession sociale à la propriété , de stabiliser les classes moyennes dans certains quartiers pour plus de mixité sociale et donner plus de moyens aux bailleurs pour construire de nouveaux logements et rénover leur parc.
En pratique : Seuls 8 000 logements sont vendus chaque année sur un parc de plus de 4,5 millions. La perspective à terme est de vendre jusqu’à 40 000 logements par an, soit moins de 1 % du parc et trois fois moins que le nombre de nouveaux logements produits. Le produit de ces ventes est réinvesti pour le logement social : chaque logement vendu permet de financer 2 à 3 logements neufs ou la rénovation de 3 à 4 logements existants.
Un bail mobilité pour favoriser la mobilité professionnelle
Comment ? En créant un contrat de location d’une durée de un à dix mois non renouvelable et sans dépôt de garantie pour les logements meublé s. En sécurisant les propriétaires bailleurs par la garantie Visale pour garantir les impayé s de loyers et la remise en état des lieux.
Le constat : De nombreux logements ne sont pas utilisés toute l’année par leurs propriétaires, qui ne le mettent pas pour autant en location. Dans le même temps, des personnes en stage ou en mobilité professionnelle peinent à trouver un logement sur des durées courtes, d’autant qu’elles doivent avancer le dépôt de garantie.
#LOIELAN Le bail mobilité offre un cadre nouveau adapté, sécurisé pour le propriétaire comme pour le locataire, ce qui permet de mobiliser une offre de logements supplémentaire.
En pratique : Ce nouveau bail n’a pas vocation à remplacer les baux meublés classiques, d’une durée d’un an. Il veut répondre à des besoins différents, tant du côté des propriétaires que des locataires. Le propriétaire d’une résidence secondaire ou d’un pied-à -terre peut souhaiter louer sa maison ou son appartement pendant les mois où il ne l’utilise pas, ou encore le louer seulement pour six mois, en s’assurant que ce logement sera bien libéré pour la rentré e, lorsque l’un de ses enfants viendra faire ses études dans cette ville. Pour les locataires en mobilité , c’est aussi la possibilité d’avoir une offre supplémentaire sur le marché , et donc plus de solutions, pour une formation professionnelle, par exemple !
Faciliter l’accès au logement avec la caution Visale
Visale est une caution locative simple, gratuite et dématérialisée, financée dans le cadre d’un partenariat avec Action logement. Pour pouvoir en bénéficier, le locataire doit effectuer une demande en ligne avant la signature du bail. S’il remplit les conditions, Action logement lui délivre un visa à remettre au bailleur qui doit à son tour faire sa demande de cautionnement sur le même site. En cas d’impayés de loyer, et dans les conditions prévues dans le contrat de cautionnement Visale, Action logement les prend en charge sur une durée maximale de trois ans. Action Logement agira auprès du locataire en recouvrement des loyers impayé s par la délivrance d’un commandement de payer et pourra éventuellement poursuivre une action judiciaire en résolution du bail. Ainsi, le paiement des loyers est sécurisé pour les propriétaires et les locataires n’ont plus besoin de garant ni de caution à verser.
Le constat : Prendre un logement en location est compliqué, en particulier lorsque l’on n’a pas des garants solides et que son CDI n’est pas encore confirmé.
#LOIELAN Visale facilite l’accès au logement, en offrant une garantie locative rassurante pour les propriétaires.
En pratique : Le dispositif s’adresse désormais à un large public :
- tous les jeunes de moins de 30 ans, étudiants, en apprentissage, jeunes actifs…
- les salarié s de plus de 30 ans ne bénéficiant pas encore d’un CDI confirmé ou signant un bail mobilité ;
- les ménages en intermédiation locative.
La garantie couvre jusqu’à trois ans d’impayés, soit largement le temps des procédures en cas de problème.
JACQUELINE GOURAULT, MINISTRE CHARGÉE DE LA LOI ÉLAN
Le 16 octobre dernier, Jacqueline Gourault a été nommée ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, en remplacement de Jacques Mézard. La nouvelle ministre a été sénatrice pendant dix-sept ans, ancienne présidente de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et ministre auprès de Gérard Collomb chargée plus spécialement du dossier Corse. Lors de sa prise de fonctions, Jacqueline Gourault a tweeté être « très honorée d’assumer […] un ministère au service même de l’amélioration du cadre de vie des Français. La tâche est exigeante mais passionnante. À pied d’oeuvre, dès aujourd’hui, pour incarner la réconciliation des territoires ». Nul doute que la mise en application de la loi Élan sera pour elle l’occasion de montrer ses connaissances en la matière…
La FNAIM regrette la décision du conseil constitutionnel
Plusieurs articles importants pour le monde de l’immobilier ont été censurés sur la forme.
Le Conseil des Sages a censuré une vingtaine d’articles pour des raisons de forme, estimant que la plupart étaient des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire des amendements déposés par les parlementaires sans lien avec le projet de loi initial.
Des articles importants censurés sur la forme…
La Fnaim prend acte de cette décision, mais regrette vivement que certains articles essentiels au monde de l’immobilier aient ainsi été rejetés. Pourtant, plusieurs de ces articles apportaient des réponses concrètes, et attendues, par les professionnels. Au premier rang desquels, l’article 200 qui instaurait la gratuité de la demande d’autorisation de mise en location d’un logement. « L’annulation de la gratuité du permis
de louer par le Conseil constitutionnel offre aux collectivités la possibilité de fixer des prix totalement arbitraires, laissant la porte ouverte à de futurs abus sur les montants choisis. Pour cette raison, nous nous opposerons systématiquement à toute taxation déguisée sur cette autorisation lors d’une mise en location. De plus, les professionnels ont déjà l’obligation légale d’effectuer les diagnostics et vérifications relatifs à la décence des biens mis en location par leur intermédiaire. Il est donc injuste que le bailleur passant par une agence soit obligé de payer cette taxe », précise Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l’immobilier.
Deux autres articles censurés apparaissent comme essentiels :
• L’article 147 qui exemptait les propriétaires pratiquant la location saisonnière de fournir certains diagnostics. Il s’agit d’une occasion manquée de simplification, beaucoup de propriétaires ne connaissant pas ces obligations se mettent dans une position de fraude involontaire. Surtout, cette obligation crée une inégalité de plus face aux plateformes de locations.
• L’article 155 qui instaurait une révision tous les cinq ans de la liste des charges récupérables par le bailleur auprès de son locataire. Ces charges étaient listées par les mêmes décrets depuis trente ans. Ces règles ne sont donc plus adaptées aux conditions de vie et aux équipements modernes.
… mais l’essentiel du texte est validé sur le fond.
La Fnaim se félicite cependant que le comité des Sages ait validé l’essentiel de la loi logement, estimant qu’elle apportait suffisamment de garanties en matière d’environnement et d’accessibilité aux personnes handicapées, les deux points majeurs sur lesquels le Conseil avait été saisi. Sur le premier point relatif aux règles de construction dans les zones littorales, le Conseil a estimé suffisantes les garanties apportées par la loi, qui continue à limiter étroitement le type des bâtiments possibles. Concernant le second point, il a estimé que la loi, qui impose que les 80 % des logements restants soient évolutifs et donc facilement aménageables pour les handicapés, offrait suffisamment de garanties pour éviter une inégalité de fait pour les personnes à mobilité réduite.
La Fnaim reste ouverte au dialogue
La Fnaim entend se rapprocher de Julien Denormandie afin de travailler avec lui pour permettre qu’un véhicule législatif puisse faire aboutir rapidement ces dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat. « Ces articles avaient été adoptés par le Parlement et sont nécessaires pour l’ensemble des acteurs de l’immobilier, il faut rapidement les introduire dans notre droit », déclare Jean-Marc Torrollion.
Conseil Constitutionnel
Comme pour la plupart des imposants textes de loi, Élan a dû passer par le Conseil constitutionnel une fois validée son adoption par le Parlement. Une soixantaine de députés, issus majoritairement des rangs de la gauche ont saisi les Sages, dernier recours avant la promulgation de la loi. Ils contestaient deux points en particulier : le seuil d’accessibilité des logements neufs pour les personnes handicapées, ainsi que la possibilité de combler les « dents creuses » sur la façade maritime. Dans le détail, le Conseil juge conformes à la loi Littoral les articles de la loi Elan qui permettent de bâtir de nouvelles constructions entre deux constructions préexistantes. Les articles 42, 43 et 45 sont donc validés.
Quant à l’accessibilité des logements, les Sages peuvent difficilement être plus explicites : « Le législateur, qui a entendu maintenir l’accessibilité des personnes handicapées aux logements situés dans les bâtiments d’habitation collectifs neufs tout en assurant l’adaptation de ces logements pour prendre en compte la diversité et l’évolution des besoins des individus et des familles, a retenu des critères qui ne sont pas manifestement inappropriés au but poursuivi. » Soit, dit dans un langage moins technique : le texte prend suffisamment en compte les besoins des personnes handicapées, et le fait d’exiger, en plus du seuil de 20 %, que les logements neufs soient rapidement adaptables aux besoins de ces éventuels occupants est un critère suffisant pour valider le texte en l’état. En revanche, le Conseil constitutionnel a été impitoyable avec les « cavaliers législatifs » : ces amendements, ajoutés en première lecture par des députés, n’ont aucun rapport avec l’esprit initial de la loi. Il s’agit de glisser au milieu d’un épais projet de loi des dispositions incongrues, en espérant que le texte soit suffisamment touffu pour que les éventuels opposants à l’amendement ne le remarquent pas et que la disposition soit ainsi adoptée. C’était sans compter l’acuité des Sages, qui ont relevé vingt amendements qui n’avaient rien à faire dans le texte et qui en ont donc été expurgés.