Veut-on encore creuser l’inégalité des territoires en matière de logement ?

Jean-Jacques Olivié, président de l'Anacofi Immo revient sur le plafonnement de la rémunération des honoraires des distributeurs dans le cadre des ventes immobilières Pinel.

C’est le constat que l’on peut faire à la lecture de l’amendement adopté la semaine dernière par le sénat et déposé par le rapporteur général de la commission des finances, qui avait lui-même introduit l’année dernière les dispositions de l’article 68 venant plafonner la rémunération des honoraires des distributeurs dans le cadre des ventes immobilières Pinel.

Cet amendement, contre lequel le gouvernement ne s’est pas opposé prévoit :

  • que les frais de vente sont bien pris en compte lorsqu’ils sont internalisés par le promoteur, alors même qu’il ne recourt pas à un intermédiaire externe.
  • que les frais et commissions sont ceux versés par le promoteur ou le vendeur, ainsi que les coûts de commercialisation constatés directement par le promoteur ou le vendeur.
  • que le plafonnement s’applique uniquement aux acquisitions de logements neufs ou en état futur d’achèvement pour lesquels les acquéreurs demandent le bénéfice de la réduction d’impôt.
  • qu’une estimation du montant de ces frais et commissions doit être communiquée à l’acquéreur lors de la signature du contrat de réservation du logement, ainsi que dans l’acte authentique, de manière à permettre la vérification effective du respect du plafond relatif aux frais et commissions par rapport au prix de vente.
  • que la sanction, en cas de dépassement du plafond, pèse sur le vendeur, cosignataire de l’acte authentique.

À l’évidence le renforcement de l’article 68 ne peut être que préalable à une sortie imminente de son décret d’application. Force est donc de constater que le gouvernement, malgré l’opposition de tous les corps intermédiaires de la distribution, a la volonté d’appliquer un dispositif qui ne répondra pas à l’objectif initial et louable du législateur.

L’évolution du dispositif est donc de faire peser la transparence sur les distributeurs et non sur les promoteurs. Résultat on indiquera à l’investisseur des montants de commissions qui ne correspondront pas aux coûts réels supportés par celui-ci. Pire, cette approche de la transparence favorisera les forces internes de distribution du promoteur au détriment des forces externes qui présenteront souvent un taux d’honoraires facial plus élevé.
Comme le démontre l’étude sur l’écosystème de l’immobilier neuf, réalisée début 2018 par le cabinet indépendant PrimeView, l’ensemble des promoteurs régionaux et locaux s’appuient essentiellement sur des forces externes de distribution.

Cette étude précise qu’il n’existe pas de relation entre le besoin de logement d’un territoire et la capacité de celui-ci à disposer de l’épargne nécessaire pour assurer le financement des logements construits. Il est en conséquence tout à fait naturel que les projets locaux fassent appel à des épargnants ne se situant pas sur le territoire où l’opération est réalisée. Si des mécanismes n’étaient pas mis en place pour faire se rejoindre le besoin de logement et la demande de projets d’investissement à financer (épargne disponible), il est probable que de nombreux projets ne seraient pas réalisés par manque de financement alors même que le besoin de logement est avéré.

Si tel était le cas cela aurait un caractère pro-cyclique. Seuls les bassins à épargne élevée bénéficieraient de projets de promotion immobilière, renforçant de fait les territoires dynamiques au détriment des territoires déjà moins attractifs. Le problème d’aménagement du territoire et de dislocation territoriale en seront exacerbés.

À l’heure où tous les français s’inquiètent sur le devenir des territoires, sur leur déséquilibre au profit de certaines grandes métropoles, il est incompréhensible que le gouvernement persiste sur le voie de ce déséquilibre.

Nous rappelons une fois encore que l’article 68 par le plafonnement des honoraires de distribution favorisera les majors de la promotion immobilière dont 47% de leurs ventes sont en Ile-de-France et qui ne couvrent que 8% du territoire national. Tout ceci au détriment des promoteurs locaux et régionaux qui n’auront plus les moyens d’accompagner les collectivités locales dans leur politique d’aménagement des territoires.

Enfin, il est regrettable que lors du débat au sénat, certains nous qualifient encore «d’officines commercialisant ces logements se payant trop largement pour le simple fait de les commercialiser». C’est bien peu connaître notre métier.

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