Même l’amélioration (spectaculaire) des conditions de crédit, l’assouplissement (exceptionnel) des modalités d’octroi des prêts et une adaptation remarquable de l’offre bancaire à la situation créée par la dégradation/disparition des soutiens publics à la demande n’ont pu contrecarrer les tendances récessives des marchés. C’est dans ce paysage que le resserrement des conditions d’octroi des prêts qui se renforce maintenant va amplifier les tendances récessives des marchés.
Des taux d’intérêt inférieurs à l’inflation
En outre, les établissements bancaires ont assoupli les conditions d’octroi des prêts accordés et, ce faisant, ils sont amenés à servir des clientèles de plus en plus modestes, faiblement dotées en apport personnel : depuis le début de l’année, les banques s’efforcent ainsi d’éviter une chute rapide de la production de crédits, donc de leur activité. Aussi n’est-il pas étonnant de constater, comme l’a fait récemment Crédit Logement/CSA, que les emprunteurs modestes puissent obtenir des crédits sur 20 ans (voire sur 25 ans)… et (très) très rarement sur 30 ans et plus. On remarquera d’ailleurs à ce sujet que les prêts sur plus de 30 ans représentent en France moins de 0,05 % de la production de crédits immobiliers (d’après l’Observatoire du financement du logement de CSA qui analyse chaque année plus de 10 % de l’ensemble des opérations immobilières financées à crédit) : ce qui représente un peu moins de 600 opérations immobilières chaque année. Il s’agit donc d’un micromarché que seuls des acteurs dont les parts de marchés excèdent les 20 % peuvent sérieusement observer.
Cependant l’amélioration des conditions de crédit n’est plus suffisante depuis près d’une année pour faire rebondir la demande : elle n’a pas permis de compenser la détérioration de la solvabilité de la demande provoquée par la hausse des prix de l’immobilier et la dégradation des soutiens publics. Et derrière une situation qui aurait pu en d’autres circonstances inciter à l’optimisme, des signes ne manquent pas d’attirer l’attention. Depuis le printemps déjà, les autorités monétaires ont commencé à exprimer leurs inquiétudes : sur des taux d’intérêt trop bas pour assurer des marges de rentabilité suffisantes aux établissements de crédit, sur des conditions d’octroi des prêts trop souples et sur des durées qui paraissent trop longues étant maintenant revenues à leur niveau de 2007, lorsque le « risque de crédit » était qualifié d’élevé. L’ACPR et la Banque de France souhaitent donc que les établissements bancaires freinent leur production de crédits immobiliers et durcissent les conditions d’octroi des prêts. D’ailleurs, le gouverneur de la Banque de France déclarait récemment : « Il faut s’assurer que ce cycle du crédit est et restera équilibré à l’avenir ». Le niveau de l’endettement privé qui a sensiblement progressé au cours de la période récente avait déjà conduit, en juin dernier, le Haut Conseil de stabilité financière à relever les exigences de capital réglementaire minimum imposées aux banques !
Dégradation du marché des crédits à l’ancien
Aussi n’est-il pas étonnant de constater qu’après un 1er semestre 2017 « euphorique », à la suite d’un 4e trimestre 2016 tout aussi « exceptionnel », la pression de la demande se soit émoussée : d’ailleurs, l’enquête mensuelle de la Banque de France auprès des établissements de crédit notait que pour le 15e mois consécutif, la demande de crédits à l’habitat des ménages était en repli en octobre dernier, en dépit des conditions de crédit qui lui sont proposées. La montée des incertitudes qui accompagnent la hausse des prix de l’immobilier résidentiel et la remise En cause des soutiens publics, mais aussi la dégradation du moral des ménages sont à l’origine de l’affaiblissement de la demande de crédits. Et la rechute de cette demande, observée depuis septembre dernier, résume à elle seule les tendances récentes des marchés immobiliers. Et dans un paysage dominé par les inquiétudes des agents économiques et par les incertitudes de l’environnement des marchés, la production de crédits immobiliers aux particuliers s’est caractérisée par un affaiblissement, un recul qui, jusqu’à présent, a tout de même été sensible. Après le décrochage brutal du 1er trimestre 2018 (- 22,7 %, en glissement annuel), les évolutions de la production de crédits à l’ancien constatées au 2e puis au 3e trimestre par l’OPCI ont confirmé le retournement de la conjoncture : alors que souvent, à partir du printemps, l’activité se redresse pour culminer durant l’été, la production a encore reculé au 2e trimestre, pour ne se ressaisir que modérément durant l’été. Ainsi pour les onze premiers mois de 2018, la production de crédits a été de 5 % inférieure à ce qu’elle était en 2017 pour la même période : ce qui correspond, en tenant compte de la hausse des montants moyens empruntés (de 4,8 % sur un an, d’après l’Observatoire Crédit Logement/ CSA), à une diminution de 9,6 % du nombre d’opérations immobilières financées.
Dans le contexte d’un affaiblissement général de la demande, et donc d’un retournement de conjoncture qui s’apparente maintenant sur la plupart des marchés à une entrée en récession, le marché de l’ancien souffre donc aussi d’une dégradation (rapide) de son activité, à la mesure du recul des crédits qui lui sont destinés. Le constat qui se dégage de l’examen des statistiques publiées par le CGEDD permet de confirmer que le marché de l’ancien s’est retourné dès l’automne 2017 : l’activité des huit premiers mois de 2018 était ainsi en recul de 1,9 % en glissement annuel et les chiffres des prochains mois devraient confirmer une accélération de la dégradation du marché, l’année 2018 finissant sur un recul de plusieurs pourcents.
Il n’est donc pas surprenant que l’activité du marché appréciée au niveau des signatures de compromis (Baromètre LPI-SeLoger) recule plus fortement. A fin septembre 2018, le nombre de compromis signés s’inscrivait sur une nette tendance baissière : mesurée en niveau annuel glissant, – 5,7 % en glissement annuel. Mais comme la détérioration du marché se renforce au fil des mois, l’activité mesurée sur les neuf premiers mois de 2018 était en recul de 7,3 % en glissement annuel ! Il ne s’agit donc plus d’hésitations du marché, ni d’un atterrissage en douceur. D’ailleurs le 3e trimestre 2018 n’a pas été un « trimestre record en termes de ventes » et 2018 ne sera pas » une année record en termes de volumes de ventes ».
Nouveau ralentissement de la hausse des prix
L’essoufflement de la hausse des prix des logements anciens qui s’était amorcée au printemps 2015 est donc logique. Aussi bien le Baromètre LPI-SeLoger qui analyse les compromis signés que l’indice Insee-notaires qui s’attache aux prix enregistrés lors de la signature des actes définitifs confirment le ralentissement de la hausse des prix. Bien sûr, le Baromètre LPI-SeLoger décrivant la réalité du marché observé « presque » en temps réel (les compromis signés sont intégrés en fin de chaque semaine), le ralentissement a été identifié durant l’automne 2017, alors que l’indice Insee-notaires n’a commencé à ralentir qu’au printemps 2018. Le rythme d’augmentation des prix signés mesuré sur un an était ainsi de 3,8 % en septembre dernier, après avoir culminé à 4,7 % à la fin de l’été 2017. Et le ralentissement concerne aussi bien les appartements que les maisons.
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MÉTHODE DE L’ENQUÊTE
Cet article synthétise les principaux résultats du baromètre LPI-SeLoger, de l’Observatoire du Financement des Marchés Résidentiels (Crédit Logement/CSA) et de l’OPCI, l’Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers (Université Paris Ouest).
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