JDA : Les copropriétés ont jusqu’au 31 décembre 2018 pour récupérer un numéro d’immatriculation. Seront-elles prêtes ?
Christophe Tanay : Au global, non. Car même si 95% des syndics professionnels ont immatriculé les immeubles qu’ils gèrent, cela ne représente que 300.000 immeubles, selon la newsletter de l’Anah. Il en manque donc 400.000 dans le Registre, par rapport aux prévisions (700.000). Beaucoup d’immeubles manquent à l’appel ; ceux qui ne sont pas gérés de manière professionnelle.
JDA : Venons-en à la loi Élan. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une bonne loi ?
CT : Oui, la loi Élan est une bonne loi logement. Je pense par exemple à l’article 210. Il permet au syndic, lorsqu’un copropriétaire ne règle pas un seul appel de fonds dans le mois suivant la réception d’une mise en demeure, de réaliser une procédure en référé pour recouvrer à la fois les charges antérieures et les appels provisionnels à intervenir. Auparavant, il fallait en passer par le juge du fond, ce qui prenait parfois jusqu’à 3 ans. Là, ce sera 3 mois. Il y a également les mesures qui concernent la simplification du fonds de travaux. Le texte nous donne également les moyens de lutter juridiquement contre les marchands de sommeil. Mais nous avons toutefois été surpris de trouver autant d’articles sur la copropriété, dont certains sont assez discutables.
JDA : Lesquels ?
CT : Il y a le recours à la visioconférence lors des assemblées générales de copropriétaires. Qu’une mention juridique sur ce point existe n’est pas une mauvaise chose. Mais à l’heure actuelle, je vois mal comment il serait possible de mettre en place un tel dispositif avec une soixantaine de copropriétaires en visioconférence. Nous sommes également sceptiques au sein de l’Unis sur le vote par correspondance. C’est la fausse bonne idée par excellence. Ce procédé comporte deux problèmes majeurs. D’abord, le formulaire du vote par correspondance qui, s’il ne donne aucun sens précis de vote sur un point précis ou exprime une abstention, sera considéré comme défavorable. Cela n’a aucun sens. Ensuite, la loi Élan indique que les votes seront considérés comme défavorables s’ils portent sur des résolutions qui « à l’issue des débats en assemblée générale, ont évolué de manière substantielle. » Qu’est-ce-que ça veut dire ? A l’Unis, nous serons vigilants sur la rédaction du décret d’application afin d’éclaircir ce point.
JDA : Où en est-on du travail sur les ordonnances visant à revoir l’organisation des copropriétés ?
CT : Nous avons des réunions régulières sous la tutelle de la Chancellerie. Deux ordonnances paraîtront. La première dans 12 mois et la seconde dans 24 mois. Au sein de ces réunions, l’Unis fait de nombreuses propositions comme par exemple la différenciation du régime des copropriétés en fonction de leur taille. Les copropriétés de moins de 10 ou 15 lots devraient être libres de leur mode d’organisation. Quant à celles de plus de 100 lots, elles doivent pouvoir bénéficier d’un conseil syndical renforcé.
JDA : Agissez-vous sur d’autres sujets ?
CT : Oui. Nous aimerions par exemple que l’on cesse de donner du pouvoir aux copropriétaires absents. Aujourd’hui, une décision d’assemblée générale peut être annulée par un copropriétaire qui n’y a pas assisté. S’il ne se présente pas ou ne se fait pas représenter, il doit automatiquement perdre tout pouvoir de décision.
JDA : Faut-il remettre en cause la mise en concurrence systématique des syndics
CT : Comme l’ensemble des professionnels de la gestion et de la rénovation immobilières, Il s’agit d’une mesure que nous contestons depuis longtemps. Pour nous syndics de copropriétés, cette mesure nous semble inappropriée en raison des objectifs fixés par la loi sur la Transition énergétique et solidaire. Je l’avais signalé dès 2014, à Sylvia Pinel, ministre du logement. Nous avons pu réussir à obtenir la possibilité de créer une dérogation à l’issue d’un vote de l’Assemblée générale de cette mise en concurrence systématique. Dans 95 % des cas, la dérogation est votée. Je rappelle également que par le passé, les copropriétés ont toujours pu changer de syndic et qu’il leur suffisait de faire un appel d’offres à la fin du contrat.
JDA : Lors des congrès UNIS et FNAIM, il a été a également annoncé un rapprochement à venir entre les deux entités Pouvez-vous nous en dire plus ?
CT : Nous travaillons déjà ensemble depuis longtemps ; nous avons échangé chaque semaine durant les travaux sur la loi Élan. Aujourd’hui, nous nous voyons fréquemment pour travailler sur les ordonnances sur la copropriété. De ce fait, nous formons une alliance, et il me paraîtrait logique que l’on puisse parler d’une même voix sur des points spécifiques. Parmi nos adhérents, certains sont déjà à double appartenance. Il est trop tôt pour envisager un rapprochement structurel, chacun ayant un ADN spécifique et fort ; affaire à suivre.