Une fois encore, il aura fallu un drame et des morts pour qu’on s’émeuve publiquement, jusqu’au sommet de l’État, du problème de ces immeubles en copropriété qui menacent de s’écrouler et tuer chaque instant. Il aura fallu qu’à Marseille, troisième ville de France -au coude à coude avec la deuxième, Lyon-, le numéro 63 et le numéro 65 de la rue d’Aumale disparaissent en quelques minutes, ensevelissant des habitants et des visiteurs, pour qu’on braque le projecteur sur ce cancer urbain. On le connaissait pourtant, et voilà qu’on exhume des rapports d’élus et d’experts, qui se sont multipliés depuis dix ans, pour diagnostiquer et prescrire. Voilà que tous se mobilisent plus que jamais, décrivant et dénonçant à tout-va.
La tristesse restera, mais elle ne doit ni nous conduire aux polémiques stériles ni nous dispenser d’analyser.
Quelques chiffres sur les copropriétés dégradées
Certes, les difficultés de milliers de copropriétés sont bien connues, au point que le gouvernement, quelque dix jours avant la chute des immeubles à Marseille, avait annoncé un plan curatif doté de 3 milliards d’euros sur dix ans, portant sur plus de 600 immeubles dans plusieurs villes du pays. On sait que le nombre de copropriétés en situation de grande précarité est bien plus important: sans doute 5% au moins des quelque 670 000 que compte la France si on ne prend en compte que les plus atteintes, et jusqu’au triple si l’on considère celles qui peuvent basculer.
L’immatriculation des copropriétés, un outil qui tarde à se mettre en place
L’appréciation fine des situations au coeur de nos villes et de nos campagnes -dont on ne parle jamais et dont la fragilisation du parc est pourtant préoccupante- dispose d’un outil, qui tarde à se mettre en place: l’immatriculation des copropriétés. La loi ALUR avait rendu obligatoire que chaque immeuble en copropriété, par l’intermédiaire du syndic, fasse l’objet d’une inscription à un registre central tenu par l’Agence nationale pour l’habitat, le référencement se doublant d’une description précise de la réalité financière et technique. Les plus importantes copropriétés ont ouvert le feu, les moins de cinquante lots fermant le ban avant le 31 décembre de cette année.
Des outils juridiques suffisants, mais sont-ils utilisés ?
L’arsenal est là, de la procédure d’alerte que les syndics doivent utiliser quand une copropriété est en situation d’impayés lourds empêchant notamment l’entretien et les travaux nécessaires, à l’arrêté de péril et jusqu’à la faculté de substitution de la mairie si les copropriétaires sont défaillants, de bonne ou de mauvaise foi. En revanche, la question de leur utilisation se pose, notamment par les municipalités. À Marseille, il est probable que la justice doive étudier ce point et estimer les responsabilités.
La mission primordiale et variée des syndics
Quant aux syndics, qui sont dans 90% des immeubles français de professionnels, quelle est leur mission? De prévenir et de traiter, justement en faisant le meilleur usage du droit et de l’ingénierie financière, mais surtout en ayant les bons réflexes au bon moment, en particulier de mobilisation des compétences et des moyens externes. Cela passe par la sensibilisation, par la formation et par la codification des pratiques. Une certification vient de voir le jour, sous le label QualiSR, comme « syndic de redressement », à laquelle la FNAIM s’est associée. Elle permet aux cabinets qui veulent acquérir ce savoir-faire spécifique d’acquérir les compétences, d’organiser leurs process en conséquence et de rendre visible leur spécialité aux yeux des parties prenantes, élus et conseils syndicaux.
En amont de cette spécialisation, les syndics professionnels sont aujourd’hui face à une responsabilité majorée depuis une génération: maîtriser et optimiser les charges de fonctionnement et de modernisation des immeubles. Leur mission est compliquée par le besoin de travaux de mises aux normes, énergétiques ou de sécurité, par la hausse des taxes locales, de l’énergie, face à des copropriétaires majoritairement accédants à la propriété et endettés lourdement. Les gestionnaires n’abdiquent pas : à l’inverse, ils se battent pour leurs mandants. Ils n’ont pas de prise en revanche contre les ruptures, licenciements, séparations, accidents de la vie, qui peuvent en quelques semaines compromettre l’équilibre de la communauté de fait et de droit qu’est la copropriété. Aux côtés des élus locaux, de l’État, des associations actives dans l’univers des immeubles collectifs, la FNAIM, qui en rassemble le plus grand nombre, s’engagera de plus en plus pour guérir les plaies ouvertes de la copropriété.