C’est bientôt la fin d’un flou juridique vieux de plusieurs décennies. Dans le cadre de la loi évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan), le texte prévoit la reconnaissance des titres d’agent immobilier, de syndic et d’administrateur de biens. Une excellente nouvelle, selon le président de la Fnaim, Jean Marc Torrollion : « Quelle était la situation avant l’Élan ? Les activités de transaction et de gestion immobilières étaient strictement réglementées, sans que la loi ne reconnaisse celles et ceux qui, répondant à tous les critères, étaient habilités à les exercer. Il était nécessaire et urgent de dénommer dans le texte même qui fixe les obligations et les droits des professionnels, les métiers associés à la vente, la location, la gestion locative et la gestion de copropriété. ».
Rassurer le client
Pour Éric Allouche, directeur exécutif de ERA France, il s’agit là d’une avancée réclamée depuis des décennies par les agents immobiliers : « De même qu’il est nécessaire pour le public de faire la différence entre un médecin et un infirmier, le consommateur doit savoir à qui il a affaire. Lorsque il est en relation avec un agent immobilier local, chef d’entreprise, qui a la compétence, de par sa carte professionnelle, pour lui délivrer des conseils juridiques précieux et rédiger des actes liés à la vente, il ne s’agit pas d’un agent commercial isolé à qui cela est légalement interdit et que l’on dénomme improprement “mandataire”, ce qui est source de confusion. ». Le patron du réseau Century 21, Laurent Vimont, abonde dans le même sens : « Je trouve ça bien que l’on appelle enfin un chat un chat. Un agent immobilier n’est pas un intermittent qui travaille depuis sa chambre, mais un patron d’entreprise, chargé de recruter des gens et disposant de certaines garanties financières. ».
Renforcement des sanctions pour les fraudeurs
Outre la portée symbolique, l’amendement organisant l’instauration de la reconnaissance des titres vise à mieux protéger les agents. Comme le souligne le texte « de nombreux professionnels ne détenant pas cette carte se font passer pour des “agents immobiliers” et trompent ainsi les clients sur leur activité (négociateur salarié ou agent commercial, gestionnaire de copropriété, etc.) ». Or, comme le précise la loi Hoguet, celui qui peut se présenter comme agent immobilier est soumis à de nombreuses règles : « Il doit démontrer par l’expérience ou la formation sa moralité – prouvée par la virginité du casier judiciaire –, et par la souscription d’une garantie pour les fonds détenus et d’une assurance en responsabilité civile professionnelle. A celui qui répond à ces critères, est délivrée par la chambre de commerce et d’industrie locale une carte valant autorisation d’exercer. Le titulaire de cette carte peut désigner des délégataires salariés ou agents commerciaux, mais il reste le seul responsable du service apporté comme des erreurs commises », rappelle Jean Marc Torrollion.
« Il est crucial que le CNTGI dispose d’une faculté de contrôle, en sorte de permettre à l’État de sanctionner les professionnels qui malmènent la loi. « Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim
La reconnaissance des titres va ainsi, « offrir davantage de lisibilité sur les missions de chacun au client, constate Christine Fumagalli, présidente du réseau Orpi. Ces derniers comprendront mieux l’expertise et les garanties auxquelles ils auront droit en passant par un professionnel qui possède sa carte ». La loi évolution du logement, de l’aménagement et du numérique prévoit d’ailleurs une peine de six mois d’emprisonnement associée à une amende de 7 500 euros pour ceux qui prétendraient être des agents immobiliers. « Cela découragera les négociateurs et mandataires qui s’arrogeaient notre titre. Si pour les agents, cela ne changera rien à leur quotidien, pour les autres, ils sauront désormais qu’ils risquent d’être hors la loi en prétendant être ce qu’ils ne sont pas », prédit Fabrice Abraham, patron de Guy Hoquet.
Un combat d’arrière-garde ?
« La Fnaim et les agents immobiliers se félicitent d’avoir emporté une victoire », indique Olivier Colcombet, directeur général du pôle immobilier Digit RE Group et président des réseaux immobiliers OptimHome, Capifrance et Réfleximmo. « Il est toujours intéressant qu’une profession se structure mais, au final, Les clients ne s’en rendront pas compte. Ce qui leur importe avant tout, ce n’est pas le titre de la personne qui va les accompagner dans leur projet immobilier, c’est la qualité du service rendu. Dans les faits, le travail réalisé par nos conseillers diffèrent peu de ce que fait l’agent immobilier. Par exemple, alors qu’il peut, contrairement à nous, rédiger des compromis de vente, l’agent immobilier choisit une fois sur deux de passer par un notaire pour ce type de contrat, tout comme nous. »
Des avis certifiés AFNOR pour les négociateurs
Philippe Buyens, directeur général de Capifrance, va dans le même sens. « Les négociateurs disposent, pour faire leur métier, d’attestations délivrées par la même chambre de commerce et d’industrie que celle des agents immobiliers. Nos négociateurs doivent eux aussi avoir un casier vierge, une formation, et si vous regardez le nombre de contentieux entre clients et professionnels au sein des tribunaux d’instance, vous ne trouverez pas plus d’affaires opposant des particuliers et des mandataires que de litiges entre les acheteurs et leur agent immobilier. sans oublier que, nous, contrairement aux agents, nous avons mis en place depuis deux ans sur nos sites la possibilité pour les particuliers de laisser des avis certifiés par l’Association française de normalisation. »
« Je trouve ça bien que l’on appelle enfin un chat un chat. Un agent immobilier n’est pas un intermittent qui travaille depuis sa chambre […]. « Laurent Vimont, patron de Century 21
Les luttes de demain
Stigmatisés par la mesure, les mandataires minimisent la portée de la décision du gouvernement : « Il y a d’autres combats à mener bien plus importants qu’une reconnaissance de titre pour nos métiers. Par exemple, celui sur le décret visant à encadrer les honoraires des intermédiaires qui interviennent dans le cadre de la vente d’un logement éligible au dispositif Pinel », rappelle Olivier Colcombet, le directeur général de Digit RE Group. Une position qui fait sourire dans le camp adverse. « Je ne vois pas très bien en quoi un tel sujet peut les concerner. Les mandataires ne doivent pas réaliser plus d’une centaine de ventes en Pinel par an. Qui plus est, les patrons de réseaux sont actifs sur bien d’autres sujets qui concernent l’ensemble de la profession, comme le développement du site Bien’ici, qui renouvelle l’expérience client, ou encore faire avancer le Fichier Amepi, une base de données réservée aux professionnels qui rassemble les offres de biens immobiliers », rappelle le patron de Century 21 Laurent Vimont.
« Ce qui compte avant tout c’est la formation du professionnel », Christophe Tanay, président de l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis) Je suis surpris que la mesure ait été adoptée car je n’avais pas l’impression que le gouvernement soit préoccupé par la protection des titres. La loi Hoguet protégeait déjà nos métiers mais je salue le combat de la Fnaim. Il s’agit surtout d’un coup porté aux réseaux de mandataires. Mais dans les faits, les usurpations de titres sont très rares. Je n’ai jamais vu de conseillers ou de négociateurs se faire passer pour des agents immobiliers lorsqu’ils délivraient leurs cartes à des clients. Quant aux particuliers, ils savent bien aujourd’hui faire la différence entre un agent et un mandataire. Sans oublier que ce qui compte avant tout c’est la formation du professionnel. C’est important pour se différencier des nouveaux modèles qui se créent jour après jour sur le digital. D’une certaine manière, cette mesure vient réinsister sur l’importance d’un contact humain dans le cadre d’une transaction immobilière.
La question du contrôle reste posée
Dans cette querelle de clocher un question reste en suspens : qui se chargera de contrôler ceux qui usurperaient le titre d’agent immobilier ? En principe, une telle mission devrait revenir au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), qui a « pour mission de veiller au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités des professionnels de l’immobilier », précisent les textes. Mais, comme l’observe le président de la Fnaim, l’institution est considérablement affaiblie par la loi Élan en perdant tout pouvoir disciplinaire. « Il est crucial que cette instance dispose d’une faculté de contrôle, en sorte de permettre à l’État de sanctionner les professionnels malmenant les obligations réglementaires ou déontologiques », s’émeut Jean Marc Torrollion. Car sans instance de contrôle forte, la reconnaissance des titres n’aurait pas plus d’effet sur la profession qu’un coup d’épée dans l’eau…