L’acquéreur non professionnel d’un bien immobilier bénéficie généralement d’un délai de rétractation de 10 jours. Ce point est régulièrement au coeur de l’actualité jurisprudentielle. Plusieurs décisions récentes méritent toute l’attention des professionnels.
Les biens concernés
Pour que l’acquéreur bénéficie du droit de rétractation prévu à l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), la vente doit porter sur un immeuble à usage d’habitation, construit ou à construire, ou sur des parts de société donnant vocation à l’attribution d’un bien d’habitation. La Cour de cassation interprète strictement ce texte. Ainsi, si la promesse ne porte que sur la vente d’un terrain à bâtir, l’acquéreur ne bénéficie pas de la faculté de rétractation, même si l’acheteur a la volonté d’y construire un bâtiment d’habitation et que l’acte le mentionne. Attention, cependant, lorsque le terrain à bâtir est situé dans un lotissement soumis à permis d’aménager, le bénéficiaire de la promesse de vente bénéficie d’un délai de 7 jours pour se rétracter, en application de l’article L 442-8 du Code de l’urbanisme. L’acquéreur exerce son droit dans les mêmes conditions que celles prévues pour un bien à usage d’habitation, seule la durée du délai de rétractation est différente.
Cass. civ. 3, 4 février 2016.
Et en cas de changement d’usage ?
La réglementation ne mentionne, dans son champ d’application, que les biens à usage d’habitation. Ainsi, ses dispositions ne sont pas applicables aux immeubles dont l’usage mixte est destiné à l’habitation et au commerce. De nombreuses questions demeurent en suspens cependant : notamment, lorsque le bien est à usage d’habitation et professionnel.
En revanche, la Cour de cassation a considéré que l’acheteur d’un local à usage commercial, qui s’engage, dans la promesse de vente, à le transformer en habitation, doit bénéficier du délai de rétractation « SRU ». En effet,dans ce cas, l’avant-contrat porte sur la vente d’un immeuble à usage d’habitation : la destination d’habitation, conventionnellement choisie par les parties lors de la signature de la promesse de vente, l’emporte sur l’usage actuel du bien.
Cass. Civ. 3, 30 janvier 2008.
Cass. Civ. 3, 12 octobre 2017.
L’acquéreur protégé
Le droit de rétractation bénéficie à l’acquéreur non professionnel. S’il est aisé d’identifier les professionnels tels que le marchand de biens, qui est exclu de la Protection, la limite entre acheteur professionnel et non professionnel n’est pas toujours certaine, notamment pour les personnes morales, et tout particulièrement les SCI.
Et pour la SCI qui achète un bien ?
Pour la Cour de cassation, il est nécessaire de vérifier l’objet social de la SCI : si l’achat a un rapport direct avec son objet social, la société ne profite pas de la protection légale. Peu importe que la société ait un caractère familial ou qu’elle ne possède qu’un seul bien. Dans les deux décisions rendues par la Cour de cassation, les SCI avaient pour objet social « l’acquisition… de biens immobiliers ». Elles n’ont donc pas été considérées comme des acheteurs non professionnels. En pratique, il peut apparaître utile de mentionner expressément, dans l’avant-contrat, la raison pour laquelle la protection de l’article L 271-1 du CCH est écartée.
Cass. Civ. 3, 24 octobre 2012.
Cass. Civ. 3, 16 septembre 2014.
La notification par lettre recommandée
Pour faire courir le délai de rétractation, l’agent a deux possibilités :
- la notification à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes ;
- la remise en mains propres.
La notification par lettre recommandée fait l’objet de plusieurs jurisprudences récentes.
Et si l’acquéreur ne va pas retirer le recommandé ?
La Cour de cassation a tout récemment confirmé le sens du texte de loi : même si l’acheteur s’abstient d’aller retirer sa lettre recommandée à la poste, le délai de rétraction, qui lui est offert, court, à la condition, bien entendu, que la notification soit effectuée à la bonne adresse. Inutile donc, et risqué envers votre vendeur, de procéder à une seconde notification, dans ce cas. En pratique, gardez, sans l’ouvrir, le courrier que la poste vous restitue à l’issue du délai de conservation de 15 jours. Vous pourrez ainsi justifier que vous avez accompli les démarches nécessaires auprès de l’acheteur.
Cass.Civ. 1, 14 février 2018.
Et si le recommandé n’est pas remis au bon destinataire ?
Cette épineuse question a également fait l’objet d’une décision récente de la Cour de cassation. Lorsque le courrier recommandé n’est pas remis à son destinataire, mais à une autre personne, la notification n’est pas valablement effectuée, à moins que la personne qui a signé l’accusé de réception ne dispose d’une procuration pour recevoir l’acte de notification de la promesse de vente. Cette jurisprudence, conforme aux principes généraux en matière de lettre recommandée, oblige à une vérification scrupuleuse de la signature figurant sur l’accusé de réception, afin de protéger le vendeur.
Cass. Civ. 3, 12 octobre 2017.
La rétractation de l’acheteur
L’acquéreur peut se rétracter dans les mêmes formes que celles prévues pour la notification. L’achat immobilier est fréquemment effectué par plusieurs acquéreurs, notamment en couple. En présence de plusieurs acheteurs, chacun doit bénéficier du délai de rétractation.
Et si un seul acquéreur se rétracte ?
Chaque acheteur a la faculté de se rétracter, alors que le co-acquéreur ne partage pas toujours son intention de mettre fin à la vente. Pour une acquisition effectuée par un couple marié sous le régime de la communauté de biens, et indissociablement désignés comme acquéreurs, la jurisprudence récente précise que la rétractation de l’un des époux emporte celle de l’autre. En conséquence, le vendeur ne pouvait pas obtenir le paiement de la clause pénale de la part de l’époux qui ne s’est pas rétracté.
Pour éviter tout litige, il est possible de prévoir dans l’avant-contrat le sort de la vente en cas de rétractation d’un acquéreur. Chacun des acheteurs s’engage généralement en considérant qu’il n’achète pas seul, il apparaît logique que la vente soit caduque si l’un d’entre eux renonce.
Cass. Civ. 3, 14 septembre 2017.
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