Le parc immobilier français pèse plus de onze mille milliards d’euros. Compte tenu des considérables enjeux économiques et financiers sous-jacents pour les ménages, les entreprises et les acteurs publics, sa bonne estimation est donc primordiale. Et il est essentiel que ce travail d’évaluation s’appuie sur une analyse pointue et objective des marchés immobiliers.
Or, résultat d’un important mouvement de concentration, l’activité d’évaluation est désormais en bonne partie contrôlée par quelques puissants « ensembliers » (brokers, sociétés d’audit et de conseil notamment), multinationales étrangères pour l’essentiel. Les conséquences s’avèrent néfastes pour le marché immobilier et l’appréhension de ses risques. Le cumul des activités d’évaluation, d’études, de conseil, de gestion et de transactions est, en effet, source de multiples conflits d’intérêt, les activités de conseil et de transaction étant, de très loin, les plus rémunératrices.
Des conséquences dommageables avérées
Depuis plus d’une décennie, le fonctionnement du marché immobilier, notamment l’immobilier d’entreprise, est soumis aux impératifs commerciaux et financiers de certains grands « ensembliers », étrangers plus particulièrement. La maîtrise de l’information leur a permis de développer un discours commercial souvent résolument optimiste faisant fi de la réalité et bien entendu non conforme à l’intérêt général.
L’analyse de nombreux décideurs privés (investisseurs, entreprises) et publics (collectivités locales, Etat) a ainsi été faussée. La manipulation des données a empêché nombre d’entreprises de pouvoir capter à leur profit du pouvoir d’achat et d’investissement. Elle a conduit des maires, dans les grandes métropoles régionales, à développer bien plus que de raison le parc d’immobilier d’entreprise sur leur commune au détriment d’autres destinations, dont le logement devenu un produit financier banalisé et décrié.
Ce discours a contribué à amoindrir l’attractivité et la compétitivité de l’Ile de France, 1ère économie régionale européenne, et à obérer son avenir social, économique, immobilier et démographique. Le coût est très élevé pour la Collectivité, fruit de deux crises immobilières majeures qui se juxtaposent désormais :
– en immobilier d’entreprise et notamment en bureaux, avec une offre désormais structurellement surabondante et une bulle se chiffrant en dizaines de milliards d’euros que la mauvaise conjoncture économique alimente;
– en immobilier résidentiel, par une pénurie catastrophique de logements résultant principalement d’un détournement spéculatif de plusieurs millions de m² de droits à construire au profit de l’immobilier d’entreprise. Cette pénurie fait fuir sociétés et ménages souffrant d’un mal vivre immobilier croissant.
Par ailleurs, l’évaluation et la gestion des actifs immobiliers détenus par les sociétés soumises à des normes règlementaires, plus particulièrement celles faisant appel public à l’épargne, sont contrôlées, dans la grande majorité des cas, par quelques « ensembliers », avec parfois la complicité de commissaires aux comptes. Ceci n’est pas très sain d’autant qu’en important en France et en y imposant leur approche de valorisation purement financière dématérialisant l’immobilier, la plupart d’entre eux ont exclu les fondamentaux économiques de l’analyse.
Un indispensable retour à l’éthique
Dans l’intérêt de l’économie nationale et des territoires, les sociétés françaises et indépendantes d’évaluation immobilière regroupées au sein de l’Association VALIEW, exigent un assainissement éthique profond qui passe notamment par :
1. L’imposition d’une stricte indépendance juridique entre les sociétés pratiquant l’activité d’expertise en évaluation immobilière et les sociétés exerçant les activités de transaction/gestion ou les groupes intégrant ces activités. Cette indépendance doit être plus particulièrement imposée par les organes de contrôle que sont l’Autorité des Marchés Financiers et l’Autorité de Contrôle des Assurances ou en tout état de cause par les Pouvoirs Publics, aux sociétés soumises à des normes règlementaires strictes, notamment dans le cadre de l’épargne immobilière règlementée, dans l’intérêt des épargnants et investisseurs.
2. Le contrôle de la règlementation des métiers de l’immobilier exercés sur notre sol, plus particulièrement celui des experts en évaluation (comme l’y invite d’ailleurs la directive européenne n° 2014/17/UE), et de la labellisation de ses acteurs.
3. L’instauration par les Pouvoirs Publics de la transparence de l’information, gage d’une relance forte de l’économie immobilière. Cette transparence doit s’accompagner de l’imposition de la publication des baux commerciaux et d’habitation ainsi que d’un libre accès aux transactions locatives et à la vente.
4. La nécessité de confier à une Institution publique nationale indépendante la réalisation d’analyses critiques et objectives des marchés immobiliers.©byBazikPress