Il est temps de regarder les choses en face et d’appeler un chat un chat : la communauté immobilière éprouve le sentiment inédit que le chef de l’État français ne l’aime pas. Certes, de mémoire de femme ou d’homme du secteur, les rapports entre l’exécutif et les acteurs du logement n’ont pas toujours été roses. Pour autant, Si le sujet était indifférent à Nicolas Sarkozy, François Hollande s’y intéressait. Jacques Chirac ou François Mitterrand ont, eux, marqué pour ce dossier une attention réelle, avec quelques grandes lois votées sous leur règne… et parfois moins de bienveillance.
L’immobilier ne crée pas de richesses
Avec notre nouveau Président, rien de semblable, mais l’impression d’un vrai rejet ou d’une suspicion. Un désamour quoi qu’il en soit. Il y a d’abord eu des mots, révélateurs d’une pensée peu affectueuse pour l’immobilier : la « rente » est encore dans tous les esprits, et d’ailleurs Emmanuel Macron n’a pas repris son mot. Pis : lorsqu’il a parlé récemment de réorienter l’épargne des ménages déposée sur le Livret A vers l’entreprise, il a accrédité la thèse que l’immobilier se fait sans création de richesse et sans entreprise. À côté des mots, les actes. Le très discriminant IFI (impôt sur la fortune immobilière) a bel et bien vu le jour. Les aides au secteur, prêt à taux zéro ou encore Pinel, ont été jugées inutiles à force d’être récupérées par les producteurs cupides qui augmentent leurs prix à due proportion. Les investisseurs ? Sans doute des gens aisés et étrangers aux préoccupations de rendement puisque capables de baisser les loyers exigés du montant de la réduction des APL. Les négociateurs qui leur vendent des produits de défiscalisation ? Des parasites dont la loi de finances a jugé urgent de plafonner les honoraires, augmentatifs du prix des biens. Les bailleurs HLM ? Un réseau d’un autre temps accroché à ses privilèges et sans souci de sa performance sociale.
« Investisseurs, négociateurs, bailleurs sociaux… les acteurs du logement se sentent les mal-aimés du Président de la République. »
Inquiétudes sur le projet de loi Élan
Dans le projet de loi Elan, ou plutôt dans l’étude d’impact qui y est jointe, on lit encore des traces de cette étrange mésestime : le bail type numérique ? La France en a besoin parce que les administrateurs de biens ne sont pas capables d’adopter un logiciel unique – sic. La réforme de la copropriété ? À côté de raisons élevées et respectables, on découvre que le gouvernement est mu par des intentions peu amènes envers les syndics : il est question de permettre aux copropriétés de se passer d’eux plus aisément, notamment en favorisant l’intervention de professionnels du chiffre pour établir et certifier les comptes, le nerf de la guerre. Enfin, le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, que les agents immobiliers et les gestionnaires comme le public attendaient renforcé, devient un ectoplasme vain et sans pouvoir.
Ignorance ou inconscience ?
Un faisceau de preuves, voilà comment des enquêteurs policiers nommeraient ces signaux envoyés à la communauté immobilière par le Président Macron depuis sa prise de fonction. Pourquoi ? Quelle est l’origine de ce regard ? Une cicatrice ontologique ? Le Président aurait-il eu une mauvaise expérience immobilière ? Le dégoût culturel d’un grand banquier qui ne jure que par l’argent qui circule ? L’ignorance ou l’inconscience de ce qu’est vraiment l’immobilier ? Ou peut-être toutes ces raisons additionnées ? En tous cas, ni les familles utilisatrices du logement ni les professionnels à leur service ne vivront plus longtemps heureux dans ce contexte singulier. En citoyen, en acteur de la formation de la relève, en amoureux de l’immobilier, j’aimerais parler de cela avec notre Président. Si seulement on pouvait, simplement, avoir avec lui un échange clarificateur, pour dépasser ce malaise, tout irait mieux.
Si seulement…