Si le futur plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises voulu par le Gouvernement sous forme de la loi PACTE introduit le droit au rebond des entreprises en cas de difficultés, il n’intègre pas la problématique du crédit inter-entreprises. Autrement appelé délai de paiement, ce crédit financier que s’accordent les entreprises entre elles, dans le cadre de leurs relations commerciales d’achats et de ventes pèse 635 milliards d’euros par an dans l’économie française. Outre qu’il est une composante essentielle du besoin en fonds de roulement, il est aussi l’une des raisons essentielles des liquidations des entreprises en France. En effet, plus de 15000 défaillances sont encore constatées chaque année. 90% étant des PME dont la disparition est provoquée par un défaut de paiement de la part des grands groupes.
Les PME plus fragiles
En effet, contrairement aux banques, les PME ont des capacités faibles pour mesurer la solvabilité de leurs clients et leurs fournisseurs. Structurellement, elles ont aussi besoin d’une trésorerie plutôt importante. De plus, celles qui interviennent ou sont déjà présentes dans les secteurs fournisseurs ont généralement une exposition assez élevée aux risques, donc une possibilité importante de défaillance.
Conscients que notre tissu économique national est composé au trois quart de PME produisant 60% de la valeur ajoutée et représentant 60% des emplois, les pouvoirs publics ont introduit des délais de paiement entre professionnels. Ils sont plafonnés par l’article L441-6 du code de commerce, dans le cadre de la loi de Modernisation de l’Économie (LME). Ainsi et sauf dispositions contraires, le délai de règlement est fixé au trentième jour suivant la date de réception ou d’exécution de la prestation et ne peut dépasser soixante jours, sauf accord des parties. Par dérogation, il peut s’établir à quarante-cinq jours fin de mois.
En août 2015, la Loi Macron a institué un délai de paiement unique pour l’ensemble des entreprises françaises, en l’occurrence 60 jours. En 2018, les défaillances semblent reculer pour l’ensemble des PME (-6,1 %). D’ailleurs la Banque de France observe que depuis 2012, deux tiers des entreprises règlent désormais sans retard. 43,4% des grandes entreprises honorent leurs factures à temps. Les retards constatés sont désormais de 11 jours.
Sanctions et “name and shame”
Théoriquement, le non-respect des délais de paiement entraîne une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 2 millions d’euros pour une personne morale, avec publication de la sanction suivant les circonstances. Mais la Loi n’a pas suffit, il a fallu punir. En 2017, la DGCCRF a lancé 228 procédures dont l’encours total représentait 10,9 millions d’euros. Et le législateur a durci le ton, estimant l’été dernier, que ces retards coûtaient 16 milliards d’euros de trésorerie par an aux PME. Parallèlement, s’est développé le « name and shame » consistant à nommer publiquement les entreprises aux pratiques critiquables en ce domaine notamment. Mais, effet boomerang, l’Etat s’est retrouvé au coeur d’une polémique, pour ses retards conséquents de paiement, notamment dûs à la lenteur d’exécution de son Administration.
Améliorations à venir
Pour que “la France soit réellement de retour”, des solutions résident dans le développement de l’équipement numérique et informatique des PME. L’Etat doit à ce titre, les inciter à devenir des “power users”. En effet, il faut encore 14 jours à une entreprise pour traiter une facture format papier et toutes sont loin d’avoir adopté la dématérialisation. Elle est pourtant essentielle dans l’optimisation du délai de traitement des factures. D’ici à 2 ans, toutes les entreprises devront d’ailleurs s’y conformer, comme le prévoit la loi Macron. Les grandes entreprises l’ont adopté en 2017 et les ETI depuis cette année. A l’horizon 2020, les TPE-PME en auront l’obligation.
En conclusion, la réduction des crédits inter-entreprises est fondamentale à l’économie française qui manque d’ETI en comparaison de ses voisins européens (Angleterre, Allemagne). Aussi, permettre aux PME de restaurer leur trésorerie favoriserait leur passage à la taille intermédiaire, pour laquelle elles ont besoin d’investir (innovation, stratégie commerciale, marketing, etc) . Une opportunité pour elles et notre pays lorsque l’on sait que les ETI françaises sont compétitives, favorisent l’emploi et sont solidement présentes à l’international. Seul frein, la législation fiscale et sociale. Un futur chantier pour le Gouvernement ? Le débat est lancé !