Quelques petits pourcents de croissance de l’activité mesurée au niveau des compromis ou des crédits accordés, seulement. Mais une augmentation encore (très) rapide des droits de mutation, voire des chiffres d’affaires des grandes enseignes. Et l’année 2018 qui va confirmer le repli du marché, quels que soient les indicateurs utilisés va encore une fois rappeler que l’analyse de la conjoncture ne peut probablement qu’être inefficace si elle se contente de regarder le passé, eusse-t-il été flamboyant.
Faible croissance du marché en 2017
Après une très bonne fin d’année 2016, le marché de l’ancien avait encore bénéficié d’une production de crédits particulièrement dynamique au 1er semestre 2017 : mesurée au niveau des offres acceptées (hors les rachats de créances), donc à peu près au même niveau que la signature des compromis (le marché, en quelque sorte, lorsque se forment les prix et l’activité), la production était alors en progression de 44.7 %, en glissement annuel d’après l’Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers (OPCI).
Mais au cours du printemps, la demande de logements anciens avait présenté les premiers signes d’affaiblissement : la remontée des prix des logements avait commencé à altérer la solvabilité de la demande, comme l’Observatoire Crédit Logement-CSA l’avait alors analysé.
L’atterrissage de la demande s’est donc confirmé durant le 3ème trimestre 2017, d’une douceur encore relative. Et après une contraction des crédits à l’ancien encore plus forte au 4ème trimestre (- 24.4 % en glissement annuel[1], après « seulement » – 13.1 % au 3ème trimestre), la production de crédits immobiliers a finalement reculé (dévissé) de 18.4 % au 2nd semestre, en glissement annuel. Sur l’ensemble de l’année 2017, le total des crédits à l’ancien n’a donc cru que de 7.6 %, d’après l’OPCI : ce qui, compte tenu de l’augmentation du montant moyen des crédits utilisés (la hausse des prix obligeant les acheteurs à « surconsommer » des crédits), est associé à cette augmentation de seulement 2.2 % du nombre des crédits accordés d’après Crédit Logement/CSA … ou encore à l’accroissement de 2.4 % du nombre de compromis signés d’après le Baromètre LPI-SeLoger !
Il est vrai que le marché de l’ancien n’a pas le seul à avoir « atterri », suivant ce qui a encore ressemblé à un « soft landing » et non au « hard landing », celui de 2009 (la crise économique et financière internationale qui s’était abattue sur le marché de l’ancien français) et même celui de 2012 (le contrecoup de la suppression du PTZ dans l’ancien à compter du 1er janvier). La plupart des indicateurs de conjoncture convergent en effet pour décrire des marchés qui demain seront moins vaillants qu’hier.
Il peut alors paraître étonnant, comme certains se sont plu à le souligner, que la plupart des constats présentés en janvier dernier aient décrit 2017 comme une année de progression du marché de l’ancien à 2 chiffres, très loin du constat d’un marché à la traine. En fait, il n’y a rien d’étonnant à cela. Il suffit simplement de savoir si on analyse la conjoncture présente et les perspectives des marchés, ou si on se contente du constat de la situation des marchés six mois auparavant pour donner des conseils aux professionnels. Et bien évidemment, de comprendre ce à quoi correspondent les statistiques utilisées.
Quelques précisions utiles
Les progressions les plus rapides du marché (de 14 à 17 %) se référent en fait à une source qui serait celle des notaires : tel est le cas, par exemple, d’ERA Immobilier[2] ou de la FNAIM. En fait, ces « enseignes » qui ne disposent pas d’un système d’observation de l’ensemble du marché de l’ancien[3] utilisent les estimations de l’activité que le CGEDD (le Ministère du Logement, pour simplifier) propose en partant des droits de mutation que centralise la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP). Ces estimations sont donc par construction, comme d’ailleurs les indices de prix INSEE-notaires, en retard de l’ordre de 4 à 6 mois sur le marché : c’est-à-dire sur la conjoncture du présent vécue par les professionnels lors de la signature des compromis. L’utilisation de « vieux » chiffres ne peut alors que conduire à des diagnostics erronés de la conjoncture. Afin d’illustrer cela (le retard par rapport au marché), on peut remarquer que la production de crédits (OPCI) mesurée en niveau annuel glissant (donc, suivant le « modèle » de présentation du CGEDD) au 2ème trimestre 2017 était encore en augmentation de 22.4 % : ce qui correspond à un accroissement de 14.7 % du nombre de crédits accordés. On rappellera qu’à cette période, le Baromètre LPI-SeLoger annonçait une augmentation du nombre de compromis signés de 12.5 % sur un an[4] !
La fraîcheur de l’information est donc bien essentielle s’il s’agit vraiment de parler de conjoncture. Mais on peut aussi craindre que parfois, cela s’accompagne d’une mauvaise maitrise des outils statistiques utilisés.
D’autres ont en revanche présentés des chiffres de la croissance du marché de l’ancien plus modestes, de 6 à 7 % pour 2017 : comme par exemple Century 21 ou ORPI. Leur estimation se fonde (presque toujours) sur la mesure de l’évolution de leur chiffre d’affaires réalisé sur des transactions. La démarche est compréhensible, dès lors qu’il s’agit de rendre compte de l’évolution de leur marché. Comme celui-ci est apprécié lors du versement des commissions d’agences, il va décrire l’état du marché tel qu’observé (à peu près) 3 mois auparavant : afin d’illustrer cela, on rappellera que la production de crédits (OPCI) mesurée en niveau annuel glissant était de 18.1 % au 3ème trimestre 2017, soit de + 10.7 % pour le nombre de crédits associés. Et à cette période, le nombre de compromis (LPI-SeLoger) progressait de l’ordre de 7.5 % sur un an !
Les différentes sources disponibles ne livrent donc pas des chiffres fantaisistes, elles révèlent en fait l’état du marché … à chacune des étapes d’une vente ! Si on veut décrire l’état des recettes fiscales (ou faute d’observatoire), on choisira les chiffres du CGEDD : + 12 à 13 % en 2017, mais de toute façon certainement pas une estimation fantaisiste de plus de 16 %, et on se souviendra qu’il s’agissait de l’état du marché 6 mois auparavant. Si on souhaite décrire l’activité des professionnels (mais qui n’est pas toujours comparable à celle qui est associée aux ventes de particuliers à particuliers), on préfèrera plutôt un chiffre de croissance de l’ordre de 7 à 8 % : on parlerait alors de l’activité de la rentrée de septembre pour décrire la conjoncture de l’année, par exemple. Mais si on s’intéresse à ce qui est en train de se passer, au marché en quelque sorte, on préfèrera 2 à 3 % et on fera référence aux compromis ou aux offres de crédit …
Et pour l’avenir ?
Pour l’heure, on peut se demander où va aller le marché de l’ancien en 2018. D’autant que les dispositifs publics de soutien de la demande ont été fortement dégradés : les aides personnelles en faveur de l’accession sont quasiment supprimées et le PTZ n’est intact que dans les zones A et B1. Aussi, compte tenu de la dynamique de la production de crédits actuellement en cours (comme, par exemple l’Observatoire Crédit Logement/CSA en a rendu compte pour le mois de janvier), on doit s’attendre à un recul de l’ordre de 10 % des offres acceptées (hors rachats de créances) sur l’année : voire peut-être même de 12 à 13 %. Cela signifie que le nombre des compromis signés va reculer de plus de 10 % en 2018, et celui des actes définitifs de 5 à 6 %.
[1] En glissement annuel : donc en comparant par exemple le 4ème trimestre 2017 au 4ème trimestre 2016 (ou le 2nd semestre 2017 au 2nd semestre 2016). [2] Bien qu’en décembre 2017, ERA Immobilier annonçait une progression de son « volume des transactions » de 9.2 % sur 12 mois glissants. [3] Ni les notaires d’ailleurs qui eux aussi prennent comme référence le chiffrage de l’activité proposé par le CGEDD. [4] Cette évaluation se fonde sur un Observatoire qui couvre 50 % de l’ensemble du marché de l’ancien : que les affaires aient été réalisées par des professionnels ou de particuliers à particuliers ; et que les achats aient été financés à crédit ou au comptant.