L’épisode de la prise de pouvoir du président Macron au Louvre, sa posture hiératique, le déplacement à pas comptés de l’homme dans cet espace géométrique, tout cela aurait dû mettre la puce à l’oreille de la communauté immobilière : la France venait d’élire un président avide de perfection. Emmanuel Macron est, sinon parfait, quasi parfait. Il a une intelligence probablement proche du maximum, il est infatigable, il est beau, il a même du talent et un « french flair », pour parler comme les rugbymen.
Cette quasi-perfection conduit à une conception exigeante de la politique : bien sûr la résorption du déficit public pour assainir les finances publiques ou encore la relance de l’activité pour réduire le chômage, mais aussi la traque de toutes les mauvaises utilisations des aides quand on pourrait s’en passer. Le goût de la perfection mène aussi, sans doute, à préférer les formes nouvelles aux formes anciennes : réformer pour contrarier l’obsolescence, la péremption, la vieillesse. La modernité contre l’ancien.
Pas de caricature ni de précipitation
Pour le logement, cette objection de perfection pourrait quand même faire des ravages si l’on n’y prenait garde. L’exécutif s’est assigné pour cap de dépenser mieux, de simplifier pour libérer les énergies et d’innover. Mais, où est l’analyse de ce qui ne va pas ? Assimiler sans discernement l’immobilier à une rente improductive, considérer que les aides ne sont qu’aubaine pour les promoteurs ou pour les propriétaires, que les collectivités locales sont inutilement dépensières et qu’elles peuvent se passer du produit des taxes, tout cela atteste qu’on veut un pays parfait et que pour en arriver là on court le risque de la caricature et de la précipitation. Le mieux peut être l’ennemi du bien. Le dispositif actuel doit avoir quelques vertus pour nous avoir menés à près de 450 000 constructions par an, à un petit million de reventes, à 75 000 investissements locatifs dans le neuf et à une maîtrise des prix correcte. Quarante-deux milliards dépensés annuellement par l’État ? Non, investis puisque le logement lui rapporte près de 70 milliards sous forme de retour fiscal direct, sans parler des créations d’emplois et des retours indirects.
Alors, oui, on peut tout revisiter, mais pas dans la hâte. La dynamique en serait cassée. D’ailleurs le gouvernement multiplie les saccades : on supprime tel dispositif pour le rétablir ou le prolonger finalement.
Le CNTGI menacé
Un autre indice de cette soif de perfection : la loi du 10 juillet 1965 pourrait être refondée par ordonnance au motif que la copropriété ne va pas bien. Mais elle va bien ! Sa loi cadre a été adaptée vingt fois depuis sa promulgation il y a cinquante-deux ans. Il se dit aussi que le futur Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, au motif qu’il serait compliqué de le bâtir avec l’appel de cotisations pour le doter d’un budget et la mise en place d’un organe disciplinaire, ne verrait pas le jour. Des années de combat des plus orthodoxes des professionnels pour en arriver là !
À la perfection de la nouveauté, pourquoi le président et le gouvernement ne préfèreraient- ils pas le pragmatisme ? Est-il nécessaire d’agir sans diagnostic préalable assuré ? Que l’exécutif s’appuie sur les organisations professionnelles et sur les associations pour mesurer vraiment la situation avant de s’égarer ! Un nombre de plus en plus important de voix demande une vaste concertation, un Grenelle, pour utiliser un nom consacré. C’est en effet urgent et indispensable. La concertation, qui repose sur la volonté d’harmoniser les positions et l’envie de concorde, est aussi une recherche de perfection. Celle-là n’ignore pas que, sans tâtonnement expérimental, on ne parviendrait jamais à se rapprocher de la justesse. Encore moins de la perfection. Le pragmatisme comme condition de la perfection, en somme.