Cela n’a échappé à personne : depuis trois ans, le secteur de l’immobilier est porteur. Le volume de ventes a atteint des records cette année. Très dynamique, l’immobilier séduit, attire, et pas que les acheteurs… Le secteur qui, depuis toujours, est un gros pourvoyeur d’emplois, intéresse ceux qui sont à la recherche d’un job. Informaticien, serveur, sportif, commercial, chef de rayon, banquier, infirmière, instituteur, gendarme… Autant de profils divers et variés qui se reconvertissent, en quête d’épanouissement personnel, et qui, pour certains, n’ont aucune idée du métier. Ce qu’ils apprennent vite ? Que l’image véhiculée par la télé n’est pas la réalité. « Beaucoup viennent à l’immobilier en pensant que c’est un métier facile, explique Laurent Demeure, président du réseau Coldwell Banker, pour qui l’immobilier est une histoire de famille. Ils déchantent vite. C’est un vrai métier, difficile, exigeant, technique, qui nécessite de nombreuses compétences.
En revanche, c’est un métier de passionnés.» Et ce n’est pas le grand patron de Century 21 France, Laurent Vimont, qui dira le contraire. Lui, qui après quelques années passés au bord des bassins en tant que maître-nageur, s’est tourné vers l’immobilier pour « refaire sa vie professionnelle : « Je suis tombé amoureux fou de ce métier, dit-il. L’immobilier, on y vient par hasard et on y reste par amour. Souvent, les gens ne savent pas ce qui les attend. Ils ne soupçonnent pas que c’est autant de travail, ni que réussir à trouver le bon logement pour la bonne personne procure autant d’émotion. »
La capacité à créer du contact humain
La passion de ce métier, c’est ce qui a poussé Julien Doreau, ancien joueur de basket-ball professionnel, à reprendre ses études et à obtenir une licence dans l’immobilier. Aujourd’hui il codirige avec son épouse une agence Stéphane Plaza Immobilier à Mâcon : « Durant les dernières années de ma carrière, tous les étés, pendant que mes coéquipiers partaient en vacances, moi, je travaillais en agence, explique-t-il, heureux. Pendant la dernière année, j’ai été agent commercial. Je jonglais entre les entraînements et mes rendez-vous. C’était épuisant mais j’adorais ça, j’étais (et je reste) tellement passionné parce que je faisais… »
« Etre motivé, travailleur et aimer les gens », Jimmy Marlu, franchisé Stéphan Plaza Immobilier à Biarritz, ancien rugbyman.
« J’ai joué à l’AS Montferrand, puis j’ai rejoint le Biarritz olympique, mais j’ai aussi joué avec le XV de France et, un jour, l’immobilier s’est imposé comme une possible reconversion. Je m’étais toujours dit qu’un jour ou l’autre je ferais ce métier. J’ai commencé par être marchand de biens puis, avec mes deux associés, nous avons ouvert une agence en mai dernier. Je suis très heureux : je retrouve les valeurs humaines que l’on a dans le rugby. J’ai eu beaucoup de chance : aujourd’hui, la reconversion d’un joueur professionnel de rugby est très difficile… L’immobilier, c’est une solution : si on est motivé, travailleur et qu’on aime les gens, il n’y a aucune raison de ne pas y arriver. »
Etonnamment donc, le métier fascine, alors que beaucoup de Français râlent quand il s’agit de payer les honoraires des agences. Ce qui motive les nouveaux venus ? Un peu naïvement, certains répondent, en entretien d’embauche, les vieilles pierres, mais ils se rendent rapidement compte que les agents immobiliers, loin des vieux clichés qui leur collent toujours à la peau, sont des hommes et des femmes qui ont une véritable passion pour autrui. A longueur d’année, ils créent du contact humain, vivent et partagent des émotions avec leurs clients afin de les aider à bâtir leur projet immobilier, leur rêve… « Tous ceux qui réussissent disent la même chose : j’aime les gens, j’ai envie de m’investir, de m’engager pour les autres », reprend Laurent Demeure.
Tout le monde a sa chance
Et s’ils sont si nombreux à se tourner vers l’immobilier en seconde partie de vie professionnelle, passé 35 ans, c’est qu’actuellement le secteur recrute à plein régime, que le développement du travail indépendant leur permet de le faire mais, qu’en plus, il n’y pas besoin de refaire cinq années d’études pour devenir négociateur, conseiller ou consultant (selon le jargon des uns ou des autres). Dans l’immobilier, on peut partir de zéro et réussir. Et c’est d’autant plus possible qu’aujourd’hui, tous les réseaux mettent l’accent sur la formation et l’accompagnement de leurs collaborateurs.
« On m’a laissé ma chance », Christian Marques, franchisé Guy Hoquet à Saint-Maur-des-Fossés.
« En 2001, j’ai changé de vie. J’étais menuisier, je suis devenu négociateur immobilier. A l’époque, j’ai acheté un logement et, en rencontrant des professionnels, je me suis rendu compte que c’était un métier sympa. Toutefois, j’avais constaté que certains agents immobiliers n’étaient pas très compétents : dès que les questions devenaient un peu techniques, ils étaient perdus. Moi, j’avais quelques connaissances en BTP, je me suis dit pourquoi ne pas m’en servir ? On m’a laissé ma chance et j’y suis allé. Depuis, je suis toujours dans l’immobilier, j’ai trouvé ma voie ! L’avantage, c’est que dans ce métier on nous donne les moyens d’y arriver. Et depuis, j’adore recruter des profils qui viennent de tous horizons. »
« L’immobilier offre sa chance à toutes catégories de personnes, quelles que soient leurs origines sociales, ethniques, culturelles, explique Fabrice Abraham, ancien militaire, aujourd’hui directeur du réseau Guy Hoquet. Assez peu de secteurs offrent de telles opportunités sans barrière à l’entrée. Et nous avons raison de le faire : 80 % de nos 50 meilleurs commerciaux chez Guy Hoquet ont un niveau de formation scolaire basique (bac ou moins), 95 % n’avaient jamais fait d’immobilier et une majorité n’avait même pas fait de commercial. En revanche, ils ont souvent exercé un premier métier difficile où on ne compte pas ses heures et où on est au service du client. Certains ont été militaires, sportifs, d’autres ont travaillé dans la grande distribution, la restauration, l’hôtellerie… » Et s’il n’y a pas d’ascenseur social, il y a un escalier social : chacun peut y arriver par sa volonté et son travail. Chez Century 21, 380 patrons d’agence ont démarré dans le réseau en tant qu’assistant(e) ou négociateurs.
De plus en plus de cadres sup et d’anciens dirigeants
Les profils des agents immobiliers sont donc très variés. Encore plus qu’il y a vingt ans. La profession a toujours recruté des personnes d’horizons différents mais, autrefois, il était plutôt question de gens sans formation qui arrivaient un peu par hasard. Aujourd’hui, ceux qui rejoignent l’immobilier savent où ils mettent les pieds. Et pour la profession, c’est une chance. Cette diversité l’enrichit. Ils arrivent avec un bagage, une expérience, une richesse. Le niveau s’élève. «Beaucoup de cadres, de cadres sup et d’anciens dirigeants se reconvertissent pour reprendre la direction de leur vie, explique Frédéric Simon, président de Keymex, réseau d’indépendants installé dans l’Oise depuis dix-huit mois et qui compte déjà 60 collaborateurs. Ce sont des gens responsables qui font un vrai choix : l’immobilier. » Et Laurent Demeure de l’assurer : « Il y en aura de plus en plus car, aujourd’hui, un cadre qui perd son job après 40- 45 ans a beaucoup de mal à retrouver du travail. Il est obligé de se créer son propre emploi ».
Pour autant, si les profils sont variés, les traits de caractère sont souvent identiques. Les quatre qualités principales de l’agent immobilier sont l’empathie, l’enthousiasme, l’envie d’apprendre et la ténacité. Et les professionnels le savent : si la profession donne sa chance à tous, tous ne sont pas faits pour ce métier. Ce n’est ni une question d’âge, ni de diplôme, ni de sexe, ni d’expérience. Il n’y a pas de règle. De 18 à 65 ans, tout le monde peut réussir, à quelques exceptions près : premièrement, il faut savoir ce que « bosser » veut dire ! « Ce qui est formidable, c’est qu’il n’y a pas de contre-indication par rapport à une formation ou un parcours initial pour réussir dans ce métier, à condition d’avoir envie et les “bonnes aptitudes“, souligne Philippe Buyens, directeur général de Capifrance qui compte près de 2 000 conseillers indépendants.
Mieux vaut être organisé, rigoureux, pro-actif. Il faut en effet être capable de créer du mouvement, d’impulser de l’énergie chaque matin. Et savoir gérer son stress, la rémunération n’étant pas récurrente. » En revanche, si on aime ça, on y reste à vie. Les agents immobiliers qui ont ouvert une structure après avoir été négociateurs font en général ce métier depuis dix, voire vingt ans. « C’est un métier riche en rencontres, en émotion, en diversité, poursuit Laurent Demeure. La palette de savoir- faire est extrêmement variée : toutes les fonctions d’une entreprise se retrouvent en une seule et même personne. »
Femmes et hommes réussissent aussi bien
Courageux l’agent immobilier ? Sur ce point, les professionnels sont tous d’accord. Un métier facile ? Certainement pas ! Et les jeunes ont parfois plus de mal : il faut répéter les efforts, ils s’usent vite. Le dernier rendez-vous à 20h, ils n’ont pas envie… Les meilleurs ? Ceux qui se forment (la formation a un impact immédiat) et ceux qui ont entre 35 et 50 ans, avec plus de maturité, de volonté. C’est d’ailleurs cette tranche d’âge qui constitue le gros des troupes dans les réseaux… Et si, selon les résultats de l’étude de La Boîte Immo « Qui est l’agent immobilier d’aujourd’hui ? », qu’ils soient négociateurs, managers ou assistants, les hommes et les femmes sont presqu’aussi nombreux à exercer ce métier. Et tous réussissent aussi bien.
« L’immobilier a été une révélation. » Nathalie Demaret, franchisée Cimm Immobilier à Montargis.
« Je suis rentrée chez Cimm Immobilier en tant que négociatrice en 2005 et j’ai repris la gérance de l’agence en 2008. Je me suis battue pour remettre l’agence à flot. Aujourd’hui, c’est une belle réussite. J’en suis très fière. Et des années après, j’aime toujours autant mon métier. J’avais exercé d’autres métiers auparavant mais l’immobilier a été une révélation. Je suis d’une nature ouverte, j’aime les gens, j’aime les accompagner dans leur projet, comprendre leurs problématiques afin que la vente d’un logement fasse plaisir aussi bien aux vendeurs qu’aux acquéreurs. »
D’après une autre étude réalisée par le réseau Guy Hoquet en novembre sur le profil de ses 50 champions, il ressort que s’ils ont en moyenne cinq ans d’ancienneté, ils n’ont pas le même âge : les hommes ont la trentaine et les femmes plutôt 45 ans. « Peut-être sont-elles moins nombreuses à penser à l’immobilier quand elles sont plus jeunes ? s’interroge Fabrice Abraham. En tout cas, elles ont une excellente qualité d’écoute et parfois le besoin de prendre une revanche sur « un mari“. Beaucoup en effet sont divorcées. » Les jeunes femmes rencontrent, elles, plus de difficulté. Pour les clients, elles sont moins crédibles. « Dans ce métier, on est vite jugé sur notre apparence, commente Cyril Decoux, gérant de l’agence Avenir Immobilier du réseau ERA à Tours. Les enjeux sont tellement importants qu’un client préfère avoir affaire à un homme de 50 ans plutôt qu’à une jeune diplômée. Et pourtant, l’âge ne fait pas la compétence. »
Le plus compliqué dans le recrutement ? Détecter les talents.
La plupart des agences ressemblent donc à une auberge espagnole. Mais, c’est plutôt une richesse. Aucun intérêt que tout le monde ait les mêmes qualités et les mêmes défauts. « Sur 10 collaborateurs, aucun n’avait fait de l’immobilier avant, reprend Cyril Decoux. Ce n’est pas facile d’évaluer un candidat lorsque le CV n’est pas l’élément déterminant. Il faut savoir détecter les talents. Ce que je regarde lorsque je recrute : les valeurs du candidat, et je suis extrêmement vigilant sur sa motivation et son aptitude au travail. Ceux qui démarrent sans avoir vraiment pris la vraie mesure de ce métier abandonnent au bout de neuf mois. »
Pour détecter les talents, Sylvain de Munter, directeur exécutif de Keller Williams (8 000 conseillers en France en 2025 répartis sur 140 points de vente), a une astuce. L’enseigne, qui a ouvert l’année dernière, a une personne issue des RH dédiée à cette activité dans chaque market center. Son nom ? Un team leader : il est chargé de sélectionner et de recruter de 10 à 15 nouveaux collaborateurs par point de vente chaque mois. « On ne cherche pas forcément des gens qui connaissent le métier. Nous voulons des personnes qui s’épanouissent. Et nous nous engageons à les faire réussir. Nous prenons le temps de les recruter, de les accompagner, de les former. Notre turn-over est inférieur à 20 %. Après tout, le premier service que l’on rend aux clients, c’est d’avoir des collaborateurs qui sont formés, passionnés par leur métier et qui gagnent leur vie. »
AVANT j’étais …
Pilote de projet en informatique, juriste dans un cabinet d’expertise comptable, commercial, gérante d’une entreprise de taxi, professeur de karaté… la reconversion, c’est cet axe de communication qu’utilise le réseau Cimm Immobilier (190 points de vente en France) pour recruter ses agents commerciaux et ses négociateurs. Le réseau fondé en 1979 et dont le siège est à Grenoble a lancé une grande campagne de témoignages sur son site, baptisée « Avant j’étais… ». « Depuis toujours, nous offrons aux candidats qui souhaitent nous rejoindre une formation de trois jours, préalable à la signature de tout contrat et sans engagement, explique Aurélie Miribel, la Directrice du réseau. Et lorsqu’on fait un tour de table, on entend souvent : je ne viens pas du tout de l’immobilier. C’est un domaine qui m’intéresse depuis longtemps. D’ailleurs, dans nos campagnes de recrutement, on dit souvent : “Vous voulez changer de carrière ? Tentez l’immobilier“. Plus de la moitié de nos collaborateurs ne sont pas issus de ce secteur. Ils découvrent le métier durant ces journées de formation. Nous testons leur motivation : pour nous, c’est le plus important. »
Une filière en voie de professionnalisation
De plus en plus de jeunes arrivent par le biais d’un BTS. Ce métier s’est professionnalisé par l’inter-médiaire de la loi Alur qui impose de la formation continue. Beaucoup pensent aujourd’hui à faire carrière dans ce secteur. Ils savent aussi qu’ici, à la différence d’autres secteurs, ils trouveront tous ou presque du travail à l’issue de leur formation. Pour preuve : l’IMSI (Institut du management des services immobiliers) accueille de plus en plus d’étudiants chaque année. « Certains parents ont encore du mal à envisager l’immobilier pour leurs enfants, précise Françoise Sgarbozza, directrice de l’école. Si les étudiants et leurs parents connaissaient mieux les métiers de l’immobilier et les possibilités d’évolution professionnelle, nous aurions encore plus de jeunes. »
Olivia Delage/ByBazikPress