Vous vous demandez si c’est à vous de vérifier la solvabilité de votre client ? Disons les choses simplement, vous n’en avez pas le droit, vous en avez l’obligation.
La solvabilité du locataire
La Cour de cassation vient de le rappeler, concernant la solvabilité d’un locataire : « L’agent immobilier (…) est tenu, quelle que soit l’étendue de sa mission, de s’assurer de la solvabilité des candidats à la location à l’aide de vérifications sérieuses, réalisées dans les limites de l’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 » Cass.1re civ, 16 nov. 2016, n° 15-23790.
C’est une jurisprudence constante. En ce sens également, Cass. 1re civ, 19 mars 2009, n° 06- 20983. Naturellement, il ne s’agit pas de se contenter des déclarations du locataire mais de faire des « vérifications sérieuses ». Ainsi a été jugé que demander les trois derniers bulletins de salaire, sans réclamer les précédentes quittances de loyers était insuffisant (CA Bordeaux, 6 sept. 2012, n° 11-02340 et n° 00-186) et que la responsabilité de l’agent immobilier était engagée. Depuis, et dans la lignée de ces décisions, la liste des pièces pouvant être exigées du locataire et de sa caution a été fixée par décret (n° 2015-1437 du 5 nov. 2015 ). Il convient donc de s’y référer et de les demander pour chaque catégorie (justificatifs d’identité, de domicile, d’activités professionnelles et de ressources).
Pour finir, vérifier la solvabilité d’un locataire (ou d’un acquéreur, cf. ciaprès) est une obligation de moyen. Si vous n’avez pas pu faire les diligences nécessaires, il convient d’en informer, par écrit, le bailleur et de le mettre en garde au titre de votre devoir de conseil.
La solvabilité de l’acquéreur
En matière de vente, l’agent immobilier est également tenu de vérifier la solvabilité de l’acquéreur. Étonnamment, et bien qu’il s’agisse de sommes plus importantes, dans la pratique, la solvabilité de l’acquéreur est souvent moins vérifiée que celle du locataire. L’agent immobilier doit s’assurer de la solvabilité du candidat acquéreur (Cass. 1re civ., 19 janvier 1988, n° 86-11829). Ce n’est pas exclusivement à la banque de le faire. En effet, à la signature du compromis, le vendeur immobilise son bien et si l’agent immobilier n’a pas vérifi é la solvabilité de l’acheteur, il lui reprochera, à juste titre, d’avoir immobilisé inutilement son bien. (CA Rouen, 1re ch., 13 juin 2001). Une déclaration de l’acquéreur de ses revenus et de son apport personnel n’est pas suffisante pour décharger l’agent immobilier de sa responsabilité. L’agent immobilier doit vérifier les déclarations de l’acquéreur. Pour ce faire, il demandera et gardera les copies les deux dernières déclarations de revenus, les trois derniers justificatifs de revenus (bulletins de paye et/ou bilans) et le justificatif de l’apport personnel (relevés de banque ou attestation de la banque). La liste des pièces sera complétée et adaptée en fonction des spécificités du dossier. Enfin, l’agent immobilier demandera, le paiement effectif d’un séquestre.
Rappelons, qu’en général, le mandat le prévoit. Il n’existe pas de texte fixant le pourcentage du séquestre. Pour autant le montant doit être suffisant et effectif pour constituer une garantie en faveur du vendeur. Ainsi, faire signer au vendeur un compromis sans séquestre effectif ou avec un séquestre dérisoire expose la responsabilité de l’agence (CA Paris, 2e ch., sect. B, 25 nov. 1994, CA Paris, 27 février 2008, RG n° 06-19540). Précisons qu’un séquestre effectif est un séquestre encaissé et non un chèque « gardé au dossier ». Si le séquestre n’est pas réglé par chèque de banque, il conviendra de prévoir une clause de caducité au compromis en cas de chèque sans provision.
Obligations envers Tracfin
Demander, obtenir et conserver les justificatifs de la solvabilité de l’acquéreur est une obligation de l’agent immobilier à l’égard du vendeur mais également au regard de ses obligations envers Tracfin. En effet, les professionnels de l’immobilier doivent faire une déclaration de soupçon pour toutes sommes ou opérations dont ils « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction (…) ou participent au financement du terrorisme » (L 561-15 du Code monétaire et financier). Or cela nécessite forcement d’avoir les justificatifs de la solvabilité de l’acquéreur et de la provenance des fonds.
Assumer et en faire un bénéfice client
Enfin, j’entends souvent les agents immobiliers me dire : « Les clients ne veulent pas nous donner les justificatifs de leur solvabilité car nous ne sommes pas banquier. ». Encore faut-il les demander sans s’excuser : c’est normal. Il faut également expliquer clairement les règles : le vendeur souhaite s’engager avec des acquéreurs dont le projet est sérieux et qui ont des chances d’obtenir leur financement. En outre, l’agence doit vérifier la solvabilité des acquéreurs pour présenter efficacement l’offre au vendeur. Les acquéreurs vous opposent toujours un refus : rappelez-leur que, si en tant qu’acquéreurs ils ont besoin d’être rassurés sur le bien (production des diagnostics, mesurage, information copropriété etc.), les vendeurs, de leur côté, ont besoin d’être tranquillisés sur leur solvabilité. Ils persistent dans leur refus ? Mettez-les à la place du vendeur : « Si vous étiez vendeur, que diriez-vous si l’agence vous demandait de vous engager sans avoir vérifié les justificatifs des revenus de vos acquéreurs ? Vous trouveriez cela anormal ? Vous auriez raison. ». Les acquéreurs campent sur leur position ? Vous n’avez pas d’autre choix que de dire au vendeur que vous n’avez pas pu obtenir les justificatifs demandés et de le mettre en garde.
Pour conclure, une telle démarche peut apparaître comme une contrainte administrative supplémentaire. Mais pourquoi perdre du temps sur une vente qui risque de ne pas aboutir faute de solvabilité ? Comme quoi le droit et le bon sens économique peuvent faire cause commune.