La France comme la plupart des pays en Europe ne subordonne pas l’exercice du métier d’expert immobilier à l’obtention d’une carte ou à la détention d’une garantie par une autorité de régulation. Les professionnels de l’évaluation en valeur vénale s’autorégulent, notamment à travers la Charte de l’expertise dont la version de mars 2017 est maintenant disponible. La Charte de l’expertise en évaluation immobilière, qui est signée par 15 associations ou organisations professionnelles dont la RICS, précise les conditions générales d’exercice de l’expertise, les méthodologies d’évaluation, les missions et les diligences, ainsi que les principes déontologiques qui s’appliquent aux experts en évaluation immobilière.
Un guide synthétique des bonnes pratiques
L’expertise en évaluation immobilière consiste à déterminer la valeur vénale ou la valeur locative de droits immobiliers après analyse de toutes les pièces communiquées par le client. La mission de l’expert en évaluation immobilière implique la rédaction d’un document d’expertise dans lequel les facteurs juridiques, économiques, techniques et fiscaux de la valeur du bien immobilier sont pris en compte conformément à un contrat d’expertise. L’expert peut utiliser différentes approches de la valeur comme la valeur vénale, la juste valeur ou la valeur locative de marché.
Cette charte n’est pas un document pratique pour faire les expertises mais un guide synthétique des bonnes pratiques. Le terme d’évaluation doit être réservé au professionnel formé et bénéficiant d’une expérience en expertise, avec une assurance dédiée à cette activité et, le cas échéant, une société distincte pour éviter les conflits d’intérêts entre les autres activités. A défaut de ces éléments d’expérience, de formation et d’assurance, on parlera d’avis de valeur comme une activité accessoire à ses missions de transactions ou de location.
Une formation bien encadrée
Les conditions de formation initiale dans lesquelles les expertises en évaluation immobilière résidentielle doivent être conduites ont été reprises dans le décret du 13 mai 2016 modifiant l’article R.312-0-9 du Code de la construction, transposant en droit français la directive du 4 février 2014 dite « sur le crédit hypothécaire » de l’Union européenne. L’expert doit au minimum :
- soit avoir acquis les connaissances nécessaires par un enseignement supérieur spécifique, sanctionné par un diplôme de second cycle de l’enseignement supérieur, et justifier de trois années continues d’expérience professionnelle au minimum auprès d’un expert en évaluation immobilière ou d’une société d’expertise en évaluation immobilière ;
- soit être titulaire d’un diplôme d’enseignement supérieur et avoir reçu un complément de formation immobilière spécifique, sanctionnée par un diplôme, et avoir acquis une expérience professionnelle continue de deux années minimum ;
- soit avoir acquis une expérience professionnelle au cours de sept années continues de pratique des disciplines immobilières, dont au moins quatre dans l’activité d’expertise en évaluation immobilière auprès d’un expert en évaluation immobilière ou d’une société d’expertise immobilière.
L’expert est par ailleurs soumis à une obligation de formation continue et assure l’actualisation des connaissances utiles à l’évaluation dans les domaines techniques, économiques, juridiques, fiscaux et comptables, de façon à maintenir sa compétence et à garantir aux utilisateurs la qualité des travaux pour lesquels il est commis. Il suit une formation permanente adaptée à sa profession d’au minimum 20 heures par an.
Connaître ses obligations
Selon la charte, l’expert peut refuser une mission mais, s’il l’accepte, il doit être indépendant tant vis-à-vis du bien ou des droits expertisés, que de son client ou donneur d’ordre. Cette indépendance impose l’absence de tout lien de subordination ou familial avec les clients, l’absence de lien capitalistique significatif, l’absence d’intérêt économique personnel, en particulier vis-à-vis du ou des droits et biens immobiliers évalués et du client.
En outre, l’expert en évaluation immobilière doit, dans l’exercice de sa profession, procéder à ses opérations dans l’honneur, la dignité et la correction, accomplir ses tâches en toute impartialité, déclarer et gérer tout conflit d’intérêt à l’occasion de chaque mission, conserver son intégrité, son indépendance en excluant de céder à toute pression ou influence directe ou indirecte, conclure en toute conscience et bonne foi et déposer ses documents d’expertise dans les délais convenus et conformément à la mission définie dans le contrat d’expertise. L’expert ne doit pas accepter une mission dépassant le cadre de ses compétences (exemples : des questions ayant trait à la géologie, l’environnement, les minéraux, la comptabilité, des aspects juridiques…). En cas de besoin, il doit avertir le client en début ou en cours de mission et, le cas échéant, demander de l’aide à un professionnel spécialisé pour mener à bien sa mission Il doit en outre mettre en œuvre tous les moyens d’investigation nécessaires à l’accomplissement de sa mission, tenir à jour sa documentation, être en mesure de justifier ses conclusions, rédiger un document d’expertise clair et précis, remettre son évaluation sous forme écrite, de façon professionnelle, et suivre en toute transparence les instructions, l’objet, le cadre de la mission, la ou les méthodes, la conclusion et la finalité de l’évaluation.
L’expert en évaluation immobilière est tenu au secret professionnel pour toute information dont il aurait connaissance au cours de sa mission. Cette règle peut être matérialisée par une lettre de confidentialité renforcée engageant la responsabilité de l’expert. Il est responsable de tous documents ou pièces qui lui sont confiés.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les évaluations dans le cas d’un crédit immobilier relatif à un bien résidentiel
La directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010, précise que « les États membres devraient donc veiller à la mise au point de normes d’évaluation fiables. Pour être considérées comme fiables, les normes d’évaluation devraient tenir compte de normes reconnues au niveau international, comme celles définies par le Comité international des normes d’évaluation (IVSC), l’Association européenne d’expertise immobilière (TEGoVA) ou la Royale Institution des Chartered Surveyor (RICS) ». La transposition en droit français de cette directive s’est effectuée au travers de l’ordonnance du 26 mars 2016 et du décret du 15 mai 2016. La notion d’indépendance de l’expert en évaluation immobilière a été défi nie par le décret du 15 mai 2016 qui est codifié à présent à l’article R. 312-0-8 du Code de la consommation. S’il l’expert est une personne physique externe à l’établissement financier : il doit être « sans lien avec le prêteur, qu’il soit de subordination, familiale ou capitalistique, et ne présentant aucun intérêt économique personnel vis-à-vis du bien évalué. »
S’il est un évaluateur interne, personne physique ou morale, l’évaluation doit être indépendante, sur le plan fonctionnel et hiérarchique, du processus de prise de décision en matière de crédit et le prêteur doit adopter des mesures garantissant l’absence de conflit d’intérêt et d’influence sur l’évaluateur. Par ailleurs, l’article R. 312-0-10 précise que «l’évaluateur doit mettre à jour ses connaissances utiles à l’évaluation dans les domaines techniques, juridiques, fiscaux, comptables, par une formation professionnelle adaptée ».
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Tenir compte des nouvelles normes IPMS
La dernière édition de la charte avait apporté une vraie référence sur les pondérations de surfaces notamment commerciales. Dans cette nouvelle édition, il est indiqué l’arrivée des normes IPMS (International Property Measurement Standard for Offices) qui viennent depuis 2016 pressentir des normes pour les surfaces bâties de manière plus exhaustive. Elles reprennent 8 catégories qui sont définies pour les bureaux et 10 catégories en matière d’habitat résidentiel. Ces normes, avant tout utilisées par les professionnels de la mesure, pourraient selon la charte «avantageusement inspirer les évaluateurs sans forcément avoir à en appréhender toute l’exhaustivité». Ces nouvelles normes « mondiales » figurent en annexe de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière. Par exemple, la notion d’embrasure de porte de fenêtres y serait désormais prise en compte selon que cette embrasure dépasse en surface 50% de la face ou que la hauteur de l’ouverture dépasse 50% de la hauteur de la face. Il s’agirait d’une évolution notable de la notion d’embrasure en matière de calcul de la surface habitable, de la superficie loi Carrez, de la surface utile ou copropriété.
Intégrer l’incidence du développement durable
La nouvelle charte publie la grille CIBE (cotation des immeubles) en annexe et consacre un nouveau chapitre au développement durable. L’expert prend en compte comme critères de valorisation des paramètres environnementaux et des normes émergentes de développement durable. Il apparaît que les bâtiments les plus performants, eu égard aux normes, labels et certifications, permettent un positionnement dans une catégorie avec les valeurs les plus élevées. Comme le souligne la charte, « la démarche relative au développement durable induit également une plus-value immatérielle des actifs immobiliers qui répondent à ces nouveaux critères d’appréciation ». L’expert prendra en compte la construction et ses performances environnementales mais également le bien-être des personnes qui y travaillent. Il existe de nombreuses certifications (HQE, LEED, BREEAM…) ou des labels (BBC, BBCA, Biodiver- City,…) qui permettent de reconnaître à un bâtiment une qualité de construction supérieure aux exigences de la réglementation.
Les certifications peuvent concerner la construction/rénovation (HQE, LEED, BREEAM…) ou l’exploitation (HQE Exploitation, BREEAM In-Use, LEED EB-OM…). Certains labels sont définis par décret (anciennement BBC, HPE, THPE et le label Energie Carbone ou « E+C-»), tandis que d’autres sont issus de démarches associatives (HQE, BBCA, BiodiverCity, Effi nergie+…).
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CE QU’IL FAUT RETENIR
La certification VR (Valuer Registration) de la RICS
Le statut de membre de la Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS), obtenu après une période de stage et un examen final devant un jury, est obligatoire mais n’est pas suffisant pour réaliser des expertises conformes au Red Book. En effet, le membre doit également pratiquer la profession d’expertise en évaluation immobilière, être qualifié et enregistré auprès de la RICS comme expert certifié (Registered Valuer). Il s’agit d’un programme de certification, de monitoring et de contrôle. La certification doit être renouvelée annuellement et les membres sont également assujettis à des cycles de formation réguliers. Tous les experts certifiés sont en outre soumis à un contrôle régulier du département Régulation de la RICS afin de s’assurer que leurs évaluations soit conformes aux différentes normes internationales et locales.
Ce plan vise à :
– fournir au client et aux utilisateurs des expertises le moyen d’identifier clairement les professionnels de qualité, répondant à des exigences importantes en matière de compétence, de déontologie, d’objectivité et de transparence, grâce à la mention « RICS Registered Valuer » ou «évaluateur certifié RICS» ;
– renforcer la crédibilité des experts en évaluation immobilière et minimiser le risque associé à l’évaluation des biens immobiliers ;
– garantir la qualité des évaluations et l’application des standards internationaux : International Valuation Standards et RICS Valuation – Professional Standards (Red Book).
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