Alors que le logement, est une préoccupation majeure pour beaucoup de Français mais aussi un secteur économique facteur de croissance, pour la première fois depuis 1967, il n’a pas de ministère dédié. Beaucoup de professionnels le déplorent, déconcertés par l’inflation législative sous le quinquennat Hollande. Alors faut-il y voir, comme le pensent certains, un signal négatif, ou faut-il, selon la formule de Laurent Vimont, président de Century 21 France, « laisser sa chance au produit ». Signe encourageant : lors de la passation de pouvoirs, le ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, a précisé « qu’il n’y a aucune hâte à voter de nouvelles lois. Il faut parfaire ce qui a été mis sur les rails « . Une déclaration d’intention qui semble aller dans le bon sens. Alors qu’espèrent réellement les professionnels du nouveau gouvernement et que feraient-ils s’ils étaient à la place du nouveau ministre « Logement » ? Nous leur avons donné la parole.
« Je lance un grenelle du logement » Jean-François BUET, président de la Fnaim.
Alors que l’on dénombre 35 millions de logements en France, on en construit seulement 350 000 par an, soit 1 % du parc. Je pense donc qu’un ministre du Logement digne de ce nom doit rencontrer les acteurs de la construction, bien sûr, mais aussi et surtout les représentants des 99 % autres, ceux du parc existant. Si le nouveau ministre de la cohésion des territoires ne prend pas en considération le parc existant, il fera les mêmes erreurs que par le passé en matière de politique de logement. Pour les éviter, il faut une vision globale et absolument se servir du logement existant (logements vacants dans les zone tendues, logements à rénover…) pour faire avancer les choses. Faire davantage de logement social En France, 4,5 millions de logements locatifs publics sont destinés au social. Cela ne couvre pas la moitié des besoins. Il faut absolument, ici aussi, se servir du logement existant. D’où la proposition d’amortissement de 2, 4, 6 ou 8 % de la Fnaim destinée aux propriétaires/bailleurs pour transformer leur bien en logement social. On pourra ainsi produire du logement social en nombre sans se servir de l’argent public et qui favorise la mixité sociale. Si j’étais ministre de la Cohésion des territoires, la première mesure que je prendrais serait de lancer un Grenelle du logement. Il faut mettre autour d’une table les mondes du neuf et de l’existant, du logement public et privé, pour faire une vraie politique globale. Ça marche en Allemagne, en Grande- Bretagne… À opposer les genres, chacun défend son pré-carré, ce qui aboutit à des hérésies. Il faut tout remettre à plat et essayer de repartir à zéro.
« Je réexamine la loi Alur », Fabrice Abraham, directeur général du réseau Guy Hoquet
J’attends de la stabilité fiscale, réglementaire et juridique de la part du nouveau ministre de la Cohésion des territoires. Il est très difficile pour nos clients comme pour les professionnels de comprendre tous les changements que nous avons connus. Et le marché lui-même s’accommode assez mal des à-coups partisans, idéologiques. J’attends donc une écoute attentive des acteurs de terrain. La première mesure que je souhaite voir prendre c’est un réexamen objectif de la loi Alur de mars 2014 élaborée par un esprit trop partisan pour répondre à un vrai problème de logement en France. Cette loi comprend des centaines de décrets dont 400 ont été publiés juste avant l’entrée en fonctions du nouveau gouvernement, sans aucune concertation avec les professionnels. Tout n’est pas à jeter mais à réexaminer. Certains décrets doivent être abrogés comme l’encadrement des loyers. À l’inverse, d’autres doivent être survitaminés comme le renforcement de l’obligation de formation des professionnels. Faciliter l’accès au crédit pour les primo-accédants Aujourd’hui, 80 % des embauches se font en CDD. Ces personnes n’ont pas accès à la propriété car elles n’ont pas accès au crédit. Il est temps que les banquiers se mettent à la page. Un dispositif de type Visale serait le bienvenu pour garantir le prêt des primo-accédants. Il est également urgent de mettre les honoraires des agents immobiliers à la charge du vendeur. La majorité des acheteurs considèrent que ce sont eux qui les payent, et avec 8 000 euros en moyenne pour trois visites, ils estiment que les professionnels sont très bien payés. Ce qui est mauvais pour l’image de la profession.
« J’arrête de taxer l’immobilier » Philippe Godet, directeur exécutif du fichier AMEPI
Le mystère reste entier. Alors que le logement est une préoccupation majeure des ménages et qu’il représente le vrai thermomètre de l’économie française, pour la première fois, il n’a pas de vrai ministère ! Force est de reconnaître qu’aujourd’hui il y a un gros point d’interrogation. Dans le dernier quinquennat, nous avons connu trois ministres du Logement : on a monté, démonté les dispositifs… toujours avec une vision à court terme. L’immobilier a été taxé. Rien n’a été fait sérieusement. Et j’espère que, cette-fois, les choses seront écrites pour durer dans le temps. Nous avons la chance d’avoir en France un patrimoine qui séduit, notamment les étrangers, les touristes. Il faut lui redonner sa vraie valeur, un juste prix. Les Français n’ont plus les moyens d’investir dans l’immobilier de luxe
L’immobilier ne doit pas être simplement ramené à une ligne théorique représentant un impôt, destiné à remplir les caisses de l’État, ou une incitation fiscale. Laissons ce vrai patrimoine prospérer. Malheureusement, entre les taxes sur l’ISF, la CSG/CRDS, les taxes foncières, aujourd’hui, on s’aperçoit que l’immobilier de luxe n’intéresse plus que les étrangers car les Français n’ont plus les moyens ni de l’acheter ni de l’entretenir. La politique du logement doit s’appuyer sur une vision intégrant l’écologie, les énergies, les transports et l’immobilier. Avec un grand ministère consacré à la Cohésion entre les territoires, une véritable politique en faveur d’un aménagement éco-responsable est désormais possible…
« Je m’inscris dans la durée » Bernard Cadeau, Président d’Orpi
Chez Orpi, nous avons toujours considéré qu’il y a une vraie logique à penser le logement dans une réflexion globale sur l’aménagement du territoire. À ce niveau là, nous sommes satisfaits. Ce que j’attends du nouveau ministre de la cohésion des territoires, c’est que nous soyons dans une logique de stabilité et, de ce côté-là, les premiers éléments sont encourageants. Les Français ont besoin de stabilité : il faut que les choses qui seront mises en œuvre durent, au moins pendant le temps du quinquennat, et qu’elles soient simples et compréhensibles pour tout le monde. Permettre aux bailleurs privés de louer dans les conditions du social
Il faut continuer l’effort sur la rénovation et la construction du parc immobilier existant et donner un véritable statut économique et fiscal aux bailleurs privés. Tant qu’il existera une distorsion entre l’offre et la demande, il y aura une pression constante sur les prix. Un bon moyen d’éviter cela, c’est d’inciter les gens à acheter des logements et à les mettre sur le marché. Il faut progressivement passer du concept de logement social au concept de ménage social. Aujourd’hui, 70 % des locataires dans le parc privé sont éligibles au logement social. Plutôt que dire, ne sont uniquement logements sociaux que les logements construits par le biais d’organismes de logements sociaux, on pourrait imaginer demain qu’un bailleur privé loue dans les conditions du logement social. S’il accepte de baisser son loyer, il aura un bonus en tant que bailleur.
« Je discute avec la profession » Eric Allouche, directeur exécutif du réseau ERA
J’espère que le ministre de la Cohésion des territoires sera animé par une volonté de simplification de la réglementation et qu’il aura une attitude réelle de concertation avec les professionnels. C’est ce qui nous a toujours manqué. Et c’est dommage car les professionnels ne sont pas uniquement destinés à faire dépenser de l’argent aux gouvernements successifs. Ils ont toutes les compétences pour les éclairer sur les mesures qui ont un réel impact. Les vrais acteurs du logement, c’est nous ! Variable d’ajustement budgétaire
La première chose à faire, c’est d’entendre nos propositions. Le gouvernement semble vouloir manifester une volonté d’écoute… C’est déjà bien mais une vraie concertation serait un signe marquant. Il faut un débat de fond, analyser ce qui marche et ce qui ne marche pas. On a trop souvent l’impression, professionnels, que nous sommes entendus mais juste pour une question de forme. Si j’étais ministre de la Cohésion des territoires, je dirais aux professionnels : asseyons-nous ensemble autour d’une table, construisons ensemble, voyons ce qu’il est possible de faire, regardons l’impact des mesures que vous pouvez proposer. En clair, je leur dirais : proposez-moi quelque chose et j’examinerai ! Il faut sortir de ce schéma qui consiste à avoir des gouvernements qui considèrent le logement comme une variable d’ajustement budgétaire et des professionnels qui pensent qu’ils ne seront pas entendus !