Avez-vous lu ou entendu dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle quelque chose d’intéressant et d’original sur le logement ? Moi non. Deux enseignements : le premier, nos décideurs publics n’estiment pas que leurs « chers concitoyens » les attendent sur ce sujet ; le second – qu’on aurait pu prévoir – le débat pour l’accession à la magistrature suprême, prélude aux législatives, se déroule sur fond d’annonces heureuses pour le marché du logement.
Dans ce contexte exceptionnel, même la très influente Fondation Abbé-Pierre a du mal à être audible, même les drames liés aux sans-abris n’ont pas l’écho qu’ils méritent.
Il faut s’attaquer aux problèmes de fond
C’est, à plus d’un titre, alarmant, mais il faut avoir le courage de constater et de traiter le mal. Car le préjudice est là : les questions de fond, éminemment politiques restent pendantes. Le marché va bien, certes : d’abord il pourrait aller bien mieux, avec plus de transactions, les projets des ménages satisfaits en plus grand nombre… ; ensuite, les taux d’intérêt exceptionnellement bas sont venus atténuer les effets néfastes de la cherté de la production des logements, de la fiscalité à tous les stades, des blocages liés à l’urbanisme en particulier.
De tout cela, on ne parle pas. L’insuffisance des terrains disponibles et constructibles à cause d’un régime fiscal qui favorise la conservation ? Silence. La TVA à 20 % sur un bien de première nécessité ? Tabou. Le poids insupportable des droits de mutation à titre onéreux ? Black out, ou démagogie sans explication quand un candidat de premier plan affirme vouloir les supprimer. Les droits de succession qui conduisent à céder tant ils sont lourds ? L’imposition confiscatoire sur la plus-value des biens locatifs et des résidences secondaires ? Nada. L’inflation des normes ? Rien de précis sur celles qu’il faut d’urgence supprimer. La hausse tendancielle des taxes foncière et d’habitation ? Omerta. Un patrimoine HLM trop abondant ici et insuffisant là ? L’immobilier de l’État ? Chut ! Quelques cessions tonitruantes de joyaux parisiens tiennent lieu de bilan et de cap. L’aménagement du territoire et la fracture territoriale ? Pas un mot ou presque.
.
« Tout se passe comme si, structurellement et conjoncturellement, il n’y avait pas besoin de parler du logement. »
.
Parler d’une seule voix
Les corps intermédiaires ont-ils échoué dans leur mission de sensibiliser les politiques ? Oui, malgré leur travail. Les discours des acteurs du neuf, de l’existant, du privé, du social, du très social, des professionnels et des consommateurs s’entrechoquent plus qu’ils ne se consolident. Une initiative en 2012, emmenée par la présidente du SNAL, avait fédéré toutes les organisations professionnelles ou presque, qui avaient parlé d’une seule voix ou en tout cas avec des voix concordantes devant tous les candidats, à la faveur d’un colloque géant à Paris. Trop rare.
On en redemande.
Et puis les politiques eux-mêmes doivent faire leur partie du chemin. Ils ne peuvent se contenter de s’exprimer lors des congrès auxquels on les convie et négliger ensuite les familles professionnelles. Quiconque a été maire doit considérer qu’il détient les codes et les logiques. Si seulement ! Comment ignorer que le logement soit le souci majeur des Français ? Pas de travail sans adresse, pas de santé, pas de sécurité sans logement, enfin, pas de paix sociale sans possibilité pour la Nation de se loger dignement.
On rêve que la communauté politique et la question du logement forment un couple soudé et fertile. Ils sont aujourd’hui dans une union de circonstance, sans passion, sans enfant. D’ailleurs, on compte les ministres qui auront aimé ce secteur et ils marquent les mémoires : ce n’est pas la moindre récompense qu’offrent les Français à ceux-là que de les faire entrer dans le patrimoine collectif. Vouloir passer à la postérité et laisser une trace plus qu’être élu ou plus qu’entrer au gouvernement.