Le marché de la location saisonnière se porte bien. Même si le comportement d’Airbnb, d’Abritel et autres Homelidays ne fait pas plaisir à tout le monde il faut au moins reconnaître une chose : ces plateformes ont contribué à élargir, voire à segmenter, le marché de l’activité de vacances et à faire bouger les lignes.
Aujourd’hui, c’est donc un secteur en pleine mutation. Et les agents immobiliers n’ont pas d’autre solution : ils doivent s’adapter pour ne pas en sortir. Forcément, les propriétaires ont le choix : passer par un pro ou par une plateforme. Quant aux clients, ils sont de plus en plus exigeants. Et de moins en moins fidèles. Habitués aux clubs de vacances, ils veulent du service. Vanter les mérites techniques d’un logement ne suffit donc plus. La location de vacances fait partie d’une expérience touristique plus globale. Pour déclencher son achat, le client veut en savoir plus. Et il compte sur l’agent immobilier pour le renseigner sur les activités et les manifestations qui auront lieu durant la période qui l’intéresse. Ce qu’ils cherchent en fait ? Un professionnel de l’immobilier qui soit aussi un agent de voyage !
Anticiper les attentes des clients
« La France est le 1er pays touristique au monde, précise Jean-François Buet, président de la Fnaim. On ne peut pas passer à côté de cette activité noble, à la fois complexe et technique. Il faut la développer. Mais pour cela, il faut s’adapter. Le portefeuille de biens en location saisonnière confiés aux professionnels diminue de 3,4 % par an. L’une des raisons ? De nombreux logements ne collent plus aux attentes des consommateurs. De plus, ceux-ci ne souhaitent plus passer toutes leurs vacances au même endroit.
L’agent immobilier doit savoir, comme dans tout portefeuille, arbitrer, se séparer d’un client qui lui donne un logement en mauvais état avec un mauvais loyer… Mieux vaut qu’il aille chercher les biens que les clients réclament. Il doit aussi convaincre les propriétaires de faire des travaux, de ne pas lui confier que les mauvaises semaines à louer… il y a un vrai travail de fond et de pédagogie à faire sur le portefeuille.
Sans parler des services : le linge, les lits faits, un abonnement à la salle de sport pour l’épouse qui ne skie pas… C’est le seul moyen de fidéliser la clientèle. Il faut en proposer toujours plus et anticiper car une semaine ratée, c’est un client qui ne reviendra pas ! »
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Travelski, le petit franchy qui s’appuie sur les pros
Yariv Abehsera, président de Travelski du groupe Travelfactory, spécialiste de la location de packages à la montagne sur le web, a pris le parti dès le début de ne travailler qu’avec les professionnels pour ne prendre aucun risque. « Mais nous nous sommes rendu compte que, bien que toutes nos clés étaient gérées par des professionnels, il y avait des problèmes récurrents : les horaires d’ouverture, l’accueil, le ménage, la qualité des appartements et de leur descriptif. Finalement, nous avons alors fait le choix de racheter des agences immobilières pour proposer plus de services et mieux maîtriser la qualité des logements et de la diffusion d’annonces. Nous en avons acquis 13 dans les Alpes en dix huit mois, ce qui nous a donné accès à 2 000 mandats en gestion sous la marque «Ski et Soleil». Nous avons lancé plusieurs chantiers : toutes les photos ont été reprises pour les mettre au niveau de cette industrie CtoC qui s’est digitalisée à vitesse grand V. Nous avons proposé aux propriétaires deux modules de travaux. Le premier consiste à rafraîchir le logement. Le second est une rénovation totale qui coûte entre 15 000 et 20 000 euros pour un deux-pièces de 30 m², à la suite de laquelle nous nous engageons à garantir les loyers aux propriétaires pendant trois à six ans. En fait, on lui paye les travaux ! Avoir son réseau d’agences permet de simplifier le parcours client : à la montagne, de nombreux intervenants entrent dans la composition du séjour : parking, clé, location de skis, ski-pass, école de ski, courses… Dans toutes nos agences, il y a un service que nous avons appelé «smile and pass». Le client récupère son skipass avec les clés. Il gagne ainsi une heure. S’il fait -10°C et qu’il neige, c’est appréciable. On apporte une valeur ajoutée. La seule réponse face à Airbnb, c’est d’avoir une meilleure promesse pour le client et un bon remplissage pour le propriétaire !
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Deux poids deux mesures
Mais les attentes des consommateurs ne sont pas la seule évolution à gérer. L’arrivée de plateformes a considérablement bouleversé le paysage. Aujourd’hui, ce sont 250 000 biens qui sont loués par Airbnb. Le problème, c’est que le géant échappe à la loi Hoguet. À Paris, la maire, Anne Hidalgo, s’est emparée du problème car la ville souffre d’une perte de 20 000 logements. Elle a décidé de limiter à 120 le nombre de jours durant lesquels un propriétaire peut louer son logement à Airbnb. « Il y a un manque à gagner évident pour les agents immobiliers : il est difficile toutefois à quantifier, précise Alain Millet, président adjoint de l’Unis.
Forcément, il y a deux poids deux mesures. Est-ce qu’un avocat sans diplôme peut plaider dans un tribunal ? C’est ce qui nous arrive : est-ce qu’on peut faire le même métier que nous, sans avoir de garantie, sans proposer de services… ? Nous voulons que les lois de la République soient respectées par tous. » Les raisons du succès de ces plateformes ? Les propriétaires gagnent davantage ; les clients apprécient leur souplesse… « Le consommateur n’a pas conscience qu’il prend des risques, reprend Alain Millet. Airbnb ne vérifie pas l’état des logements. L’agent immobilier, lui, le fait. D’ailleurs, Airbnb le dit clairement : ce n’est pas son problème. Et pour les voisins, c’est insupportable : les arrivées et les sorties sont bruyantes. Imaginez lorsqu’elles ont lieu trois fois dans la semaine.
La résistance s’organise
Heureusement, la profession a bien compris toutes ces nouvelles contraintes et elle s’organise. Le groupe Foncia, qui a souhaité harmoniser l’activité de vacances il y a cinq ans afin de favoriser la synergie entre ses différents métiers et qui a donc réservé celle-ci à des destinations et des agences qui pouvaient être rentables (minimum 100 lots), a eu une idée : trouver une clé d’entrée sur le marché des particuliers. Il lance, dans les prochaines semaines, sur son site www.foncialocationvacances.com , un module de « cogestion locative », actuellement en test, qui permettra une gestion partagée des plannings entre le propriétaire et l’agence et offrira plus de souplesse. « Aujourd’hui, la France compte 3,2 millions de résidences secondaires, explique Vincent Mosneron, responsable de l’activité location vacances du groupe. Seules, 600 000 sont louées (20 %). La marge de progression est énorme. Mais surtout, 500 000 biens sont loués de particuliers à particuliers. Et 100 000 par des professionnels. Sous l’impulsion d’Abritel, d’Airbnb et d’autres, le marché se développe mais pas suffisamment à l’avantage des professionnels de l’immobilier.
Il faut donc trouver d’autres pistes, notamment en partant à la conquête du marché des particuliers afin de les amener vers celui des agences. D’autant que tout le monde sait qu’il y a un effet de lassitude : répondre aux mails dans les 24 heures, c’est un » full time job » . Et il y a du potentiel car, en résidence secondaire, le propriétaire est confronté à certaines contraintes. S’il est loin, il a du mal à accueillir son locataire. Nous pensons que c’est justement sur la conciergerie qu’il y a une carte à jouer : nous avons les équipes sur place. Nous pouvons donc proposer ce service aux particuliers qui mettent en location sur Airbnb et, d’une manière générale, prendre le relais quand ils en ont besoin. »
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La qualité avant tout, pour Sylviane Garrot-Philip
Sylviane Garrot-Philip fait de la location de vacances, à Sanary-sur-Mer, dans le sud de la France, depuis trente ans. Pour se démarquer de la concurrence, elle a fait le choix de ne commercialiser que des biens de qualité (pieds dans l’eau, vue sur mer…). Pas question pour elle de proposer des biens avec des défauts. « Moi, j’ai répondu à une demande de ma clientèle qui, en bordure de mer, demandait une petite rentabilité locative. Je ne gère qu’une soixantaine de lots. C’est un métier atypique. Il faut que le service soit impeccable. Cela s’apparente plus à de l’hôtellerie. La législation impose, désormais, de très nombreuses contraintes sur les logements (état, propreté, mobilier, aménagement…). Je ne veux pas mettre en péril la réputation de l’agence avec un logement qui n’est pas aux normes ou mal aménagé. Et pour cause : les clients sont exigeants et souvent ils ne retiennent que les points négatifs.»
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Le Choix du portail
Le réseau Carmen, implanté au Pays basque, a choisi, lui, une autre option : il a lancé fin 2011 une solution de multidiffusion des biens à louer par des professionnels baptisée Pop Connect. « Le marché a changé, explique Daniel Hiribarren, son président. Jusque dans les années 2000, l’agent immobilier était la solution alternative pour louer un logement de vacances car faire paraître une petite annonce pour un particulier était très compliqué. Avec l’émergence du web, le marché a grossi mais, revers de la médaille, le téléphone ne sonnait plus dans les agences et les propriétaires s’inquiétaient. On s’est posé la question : est-ce qu’il faut arrêter ou continuer ? ». Et si Daniel Hiribarren a cherché des solutions, c’est qu’il y a une raison évidente : la location de vacances est une grosse activité additionnelle. Un mandat bien géré à l’année en saisonnier ou en syndic tombe dans l’escarcelle de l’agence lorsqu’il est à vendre. « L’intérêt, c’est de détenir les clés ! ».
Ne pas travailler seul dans son coin
Et pour Daniel Hiribarren, il n’y avait pas d’autre solution pour sauver l’activité que de « passer la seconde ». En clair, trouver un moyen pour proposer un remplissage optimal aux propriétaires. « Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus aucun autre canal de diffusion pour la location de vacances que le web, explique-t-il. L’agent immobilier, s’il reste dans son coin, doit gérer les plannings sur chacun des portails. Ça prend du temps. Et si ça ne marche pas, sa saison est ratée. Avec Pop connect, nous négocions avec tous les acteurs une multidiffusion des produits pour le compte de l’ensemble de nos agents. Le professionnel ne signe qu’un seul contrat. Nous répondons aux demandes de renseignements à sa place, dans toutes les langues, par mail, téléphone, 7 j/7. »
Et il se félicite du succès de son portail. Aujourd’hui, Pop connect travaille avec près de 300 agents immobiliers en France, recense près de 40 000 biens à louer pour un week-end, une semaine ou plus, en appartement ou en villa, au bord de la mer, à la campagne ou à la montagne, partout en France, et atteint un volume d’affaires de plus de 20 millions d’euros. « Ceux qui l’ont goûté ne peuvent plus s’en passer, lance-t-il. La commercialisation, c’est très polluant. Il y a beaucoup de choses à faire. Nous nous occupons de toutes les tâches à faible valeur ajoutée et l’agent immobilier conserve celles de qualité : la conciergerie, conquérir du mandat, améliorer la qualité des biens qu’il a en location. Mon ambition : devenir l’incontournable pour la location de vacances, comme l’est «bien’ici» dans le domaine de la transaction. Plus nous nous regrouperons, plus nous serons forts face à des portails, certes très performants, mais qui ne cherchent qu’à diviser pour mieux régner », martèle Daniel Hiribarren.
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Seloger refonde son site dédié aux vacances.
Seloger vient de revoir son site dédié aux vacances SeLoger Vacances. Il abritera bientôt toutes les marques du Groupe dédiées à cette activité : A-Gîtes, Vacances. com, Amivac. La première étape vers l’unification fin 2017. « Nous avons beaucoup investi sur cette activité ces dernières années, explique Mael Thomas, directeur de l’activité vacances. Avec cette refonte technique du site, nous souhaitions améliorer la performance et apporter plus de simplicité pour les clients. Courant 2017, nous franchirons une nouvelle étape : les clients pourront réserver en ligne.»
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Toujours besoin des professionnels
Heureusement, de nombreux propriétaires déçus reviennent vers les agents immobiliers. Ils réalisent qu’un client est un client. La capacité à gérer des réclamations, du relogement, un réceptif, reste le savoir-faire des professionnels, sans parler de ceux qui ont une résidence secondaire et qui ne sont donc pas sur place…
OliviaDelage/ByBazikPress