Balayons devant notre porte. Depuis qu’il existe des écoles spécialisées en immobilier, depuis que des grandes écoles mêmes se sont intéressées au secteur, on a bien peu encouragé la création d’entreprise. Pour avoir occupé à la tête de ces écoles des fonctions de responsabilité, je bats ma coulpe: on a formé des femmes et des hommes techniquement compétents, mais davantage préparés à servir la cause d’entreprises existantes plutôt que prêts à franchir le pas de fonder une société. Pourquoi? Sans doute parce qu’on a beaucoup entendu qu’il y avait trop d’agences immobilières et de cabinets de gestion, qu’il y avait une dispersion de la valeur ajoutée -pour parler comme les économistes- et qu’il fallait une consolidation. D’ailleurs, elle a eu lieu et elle se poursuit, avec l’émergence de puissantes enseignes nationales. Sans doute aussi parce qu’on a cru que l’aptitude à entreprendre relevait plus de l’inné que de l’acquis… Foutaises que tout cela.
Jusqu’à présent, la création d’entreprise n’a pas été encouragée! On a cru que l’aptitude à entreprendre relevait plus de l’inné que de l’acquis… Foutaises plurielles que tout cela !
Foutaises plurielles. D’abord, la question n’est pas celle du nombre d’entreprises, mais de la pertinence des réponses apportées au consommateur là où il est, avec les désirs dont il est porteur. Et là, le moins qu’on puisse dire est que l’univers de la transaction et de la gestion ne semble pas avoir encore assouvi les attentes des ménages, ni avec les opérateurs indépendants ni avec les groupes. Le public exprime régulièrement son insatisfaction, pour preuve qu’il est disposé à déléguer et à payer le service, à condition d’en voir la valeur ajoutée. Pour preuve qu’il reste à cet égard sur sa faim. Ensuite, si créer revient simplement à ajouter une entreprise au tissu existant sans aucun souci de différenciation, alors en effet on s’égare: on va contribuer à déplacer les parts de marché et dans le meilleur des cas on le fera sans malmener les règles de loyauté qui organisent la concurrence confraternelle. Dans le pire des cas, on s’imposera par le dumping, qui met à bat une communauté professionnelle en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Non, c’est l’innovation et la distinction qui doivent prévaloir lorsqu’on porte un projet d’agence ou de cabinet. Enfin, le spectacle que nous donnent souvent les grandes entreprises en matière de traitement social n’est pas toujours heureux, au point qu’encourager les entrants ou ceux qui ont de l’expérience à bâtir leur petit chez-soi n’est pas inopportun, alternative au grand chez-les-autres.
Le digital facilite la création d’entreprise
En plus, voilà que le digital facilite les choses. Avant, ouvrir une agence immobilière exigeait un emplacement de premier choix: la visibilité physique dans la ville était condition de la réussite commerciale, pour vendre, louer ou gérer. Aujourd’hui, la visibilité obéit à d’autres codes, ceux du numérique, et un site bien conçu et bien référencé vaut cent mille fois mieux qu’une agence à prix d’or. C’est aussi le recours à des sites collectifs qui peut assurer une notoriété optimale et la profession l’a compris, avec des initiatives comme Meilleursagents, qui, parti du concept de réseau de partage a évolué vers le concept de marque, ou comme Bien’ici. Les coûts comparés de la location ou de l’acquisition et de l’équipement d’une agence physique et d’une vitrine virtuelle révèlent combien le numérique est une chance pour la création d’entreprise. Sans compter le lien d’intimité que les terminaux digitaux nomades, téléphones et tablettes, établit entre le professionnel et le prospect ou le client, autrement plus dense et plus efficace.
Maintenir un dialogue permanent avec ses clients et ses collaborateurs grâce au web
Avant, ouvrir une entreprise de transaction était aussi synonyme de risque attaché aux charges salariales. Certes, le statut d’agent commercial a toujours eu ses adeptes, mais il était plus un statut juridique avantageux qu’un statut commercial taillé pour la performance. Les réseaux d’agents mandataires démontrent que ce statut n’est pas un pis-aller social. Il existe un nombre croissant de femmes et d’hommes qui préfèrent l’indépendance, pour la souplesse qu’elle apporte, au demeurant adaptée à la nécessaire flexibilité du service, en termes horaires et en termes spatiaux. Aller chez le client un dimanche, procéder à une visite du bien convoité en-dehors des heures normales, sont des atouts. Surtout, l’Internet offre la possibilité d’un dialogue permanent avec les vendeurs, les acquéreurs, les bailleurs ou les locataires, ainsi qu’avec l’agent immobilier qui vous mandate ou les autres agents commerciaux avec qui vous partagez le territoire d’action.
Profiter des données des logiciels de gestion pour se constituer un portefeuille de gestion
Avant, constituer ex nihilo un portefeuille de gestion était difficile. Aujourd’hui, grâce à l’exploitation des données à laquelle le moindre logiciel de transaction permet de procéder, un agent immobilier peut identifier les profils d’investisseurs mieux que par le passé et proposer des biens dédiés, dont il assurera la gestion consécutive. Il peut identifier les lots autogérés par les clients pour qui il a déjà assuré une vente et les convertir à la délégation de gestion. Le spécialiste de transaction, désormais responsable de l’information de ses acquéreurs de lots sur la copropriété elle-même, a les moyens de bien connaître les immeubles collectifs et de s’engager dans l’activité de syndic. C’est en conscience de ces évolutions que les deux premiers réseaux de France, ORPI et Century 21, ont conduit leurs membres à se diversifier en direction de l’administration de biens.
Se différentier grâce à une panoplie de services digitaux
Avant, se différencier était une opération quasi impossible, dans un univers où le dépôt de brevet est impossible et dans des métiers patrimoniaux règlementés, qui font la part belle à la rigueur et ne privilégient pas l’originalité. Le digital ouvre la voie à des services qu’on aurait pu croire interstitiels, anecdotiques, en outre lourds à apporter par des interventions physiques et pas rentables au bout du compte. Au rang de ces services, l’information et la transparence: un syndic qui propose un extranet convivial et complet tisse une relation exceptionnelle avec ses copropriétaires. Le traitement de la réclamation et du dysfonctionnement est aussi infiniment plus aisé grâce aux échanges digitaux, en permettant une réactivité majorée. L’Internet est également le moyen d’assister le client immobilier selon des logiques inexistantes par le passé: la synergie entre les services fournis, la transaction, la gestion y afférent, l’assurance, le financement, l’accompagnement au déménagement et aux formalités administratives, les travaux…
Profiter des atouts du numérique pour installer son entreprise immobilière
Le virtuel permet en outre d’augmenter la réalité et d’en simuler les évolutions: reportage à 360 degrés, plans en 3 dimensions, home staging constituent des atouts pour commercialiser efficacement. Au demeurant, l’innovation digitale n’a pas de limite: le Salon RENT (Real estate and new technologies), qui rapproche chaque année professionnels de l’immobilier et apporteurs de solutions digitales, révèle de jeunes talents. Ils traquent les besoins de la population pour enrichir les prestations des agents immobiliers et des administrateurs de biens, avec l’acuité visuelle de ceux qui ont un regard neuf et une audace libérée des a priori. Un seul exemple? Be Prems aide le candidat locataire à constituer son dossier de demande de location en rassemblant par voie numérique les pièces nécessaires et en réalise une première étude à destination du gestionnaire. Gain de temps, sécurité et orthodoxie juridique à la clé. Enfin, ces start-up façonnent des solutions peu onéreuses, qui mettent les indépendants qui y recourent à parité avec des enseignes de première importance, qui les développent en leur sein.
Bref, créer une agence ou un cabinet est plus que jamais à la portée des professionnels. Le numérique a rendu plus simple et plus abordable l’installation d’une entreprise immobilière, mais a surtout replacé l’innovation et l’intelligence au cœur de l’entrepreneuriat. La concurrence pour la valeur ajoutée ne fait que commencer, et c’est tant mieux.