Beaucoup pensent que l’immobilier sera la prochaine victime d’une rupture, ou plutôt d’une disruption, pour reprendre un mot à la mode. Deux ruptures possibles sont généralement mises en avant – la généralisation de la vente entre particuliers et l’ubérisation – toutes deux conduisant à la disparition des professionnels tels qu’ils existent aujourd’hui.
Bien d’autres ruptures sont possibles pour peu que l’on regarde ailleurs, quitte à faire de la science-fiction. Tour d’horizon de ce qui pourrait arriver dans les vingt ans à venir et qui bouleverserait l’immobilier : climat, déflation, transport et travail à distance, fin de la propriété, blockchain.
Le changement de climat, c’est le réchauffement, mais aussi une fréquence beaucoup plus élevée de phénomènes extrêmes : tempêtes, inondations, sécheresses. Les agents immobiliers et les propriétaires de la Nouvelle-Orléans, après Katerina, ou de Fort McMurray, après les incendies, ont connu une sacrée rupture. Moins dramatique, de nombreux biens immobiliers peuvent devenir inhabitables et invendables s’il est impossible de les réchauffer ou de les rafraîchir.
Les nouveaux modes de transport et le travail à distance peuvent être plus disruptifs qu’une plate-forme Internet.
La déflation, annoncée par certains sur une période longue, aura un effet dévastateur sur l’immobilier. Depuis un demi-siècle, nos comportements reposent sur trois anticipations : croissance de l’économie, inflation et hausse des prix de l’immobilier sur le long terme. Qu’adviendra-t-il si les certitudes sont inversées : croissance très faible, inflation proche de zéro voire négative et prévision de baisse des prix immobiliers sur le long terme ? Qui achètera en pensant que les prix vont baisser de 1 % par an pour les vingt ans à venir ? Quelle banque prêtera à un taux proche de zéro, sans gagner d’argent, alors que la valeur du bien va s’éroder durablement ?
De nouveaux modes de transport et la généralisation du travail à distance peuvent être bien plus disruptifs qu’une nouvelle plate-forme Internet. La carte des prix immobiliers peut radicalement changer si la durée du trajet domicile-travail n’existe plus. La voiture sans chauffeur, la fameuse Google car, abolit la distance car elle remplace une heure d’embouteillage au volant par une heure de repos, télé, Internet, téléphone, lecture… Dans cette perspective, habiter loin devient un meilleur choix de vie. L’ hyperloop, projet pas si farfelu (la SNCF y a investi des dizaines de millions d’euros), annonce une vitesse de 1 700 km/h : la Méditerranée à une demi-heure de Paris ! Voilà qui bouleversera la géographie de l’immobilier. La généralisation du travail à distance est encore plus radicale. Si l’on vient au bureau un seul jour par semaine, quel est l’intérêt de payer cher un appartement de centre-ville ?
La fin de la propriété n’est pas un fantasme de vieil anarchiste, c’est une évolution sociologique de fond dont les prémisses sont bien visibles dans certains comportements de la génération des 20-30 ans qui roule en Vélib, n’a pas de voiture et vit en colocation. Quand 80 % des nouvelles embauchent se font en CDD, les nouveaux propriétaires se font rares et on ne peut pas exclure que, volontairement ou pas, cette génération renoncera à devenir propriétaire.
La blockchain, plate-forme de transactions qui permet des échanges totalement sécurisés, est un sujet à la mode, surtout chez les banquiers qui prennent très au sérieux cette menace sur leur métier. Pour l’immobilier, la Blockchain permettrait de réaliser une transaction entre particuliers sans aucune intervention de tiers : agent, notaire, banque, Etat. Les gains en coût et rapidité sont considérables. Il est probable que rien de tout cela n’arrivera, du moins sous cette forme, car les vraies révolutions sont toujours imprévisibles. Mais on peut parier que l’immobilier, qui fonctionne aujourd’hui comme il y a cinquante ans, sera très différent dans vingt-cinq ans.