Tandis que les décrets législatifs sont à peine sortis concernant les obligations de formation continue pour les professions de l’Immobilier, qu’on attend de façon imminente ceux issus de l’ordonnance du 25 mars 2016 sur le crédit immobilier, et qu’au-delà des tensions sociales concernant la Loi sur le Travail, la Loi Rebsamen a été votée depuis août 2015, instituant un Compte Personnel Activité (CPA) dès janvier 2017, le sujet de la Formation Professionnelle est, et sera, au cœur des préoccupations pour les prochaines années à venir.
Il y a bien sûr la nécessité de respecter les textes réglementaires et les obligations sociales, mais il y a un enjeu plus fort encore, qui consiste en une hyper professionnalisation des acteurs des services réglementés, car la plupart de ces textes ouvrent aussi grande la porte aux acteurs de l’espace européen. Et la réflexion des chefs d’entreprises, et de chacun des acteurs, doit se tourner sur le retour sur investissement de la formation dans la productivité, la rentabilité, la fidélisation des équipes et la pérennité de son cabinet.
Du coup, la question de savoir à quelle méthode pédagogique recourir pour gérer le dilemme temps/efficacité se pose plus que jamais. D’autant que les offres se sont multipliées avec l’explosion des solutions digitales. Dans ce paysage en pleine effervescence, comment s’y retrouver et comment ne pas se tromper dans ses décisions ?
Formation Intra ou Inter Entreprise ?
Les formations en Intra-entreprise sont des formations réservées et dispensées à des personnes d’une même entreprise ou d’un même groupe. Pratique pour dispenser une formation identique et homogène, cette organisation a aussi l’avantage de limiter les coûts en concentrant les apprenants sur un même lieu, et en ne supportant que les coûts de déplacements du formateur si la session se déroule au sein de l’entreprise. Si les formations doivent se dérouler ailleurs, cela permet de rassembler les équipes sur un lieu central limitant les temps et coûts de déplacement. Idéal pour des mises à niveau, la gestion de stages d’intégration, ou des déploiements de gamme ou de messages nouveaux à l’ensemble ou une catégorie d’effectifs.
Les formations en Inter (raccourci d’Inter-entreprises) sont des formations thématiques communes à des effectifs d’entreprises différentes. Parfaitement adaptées en cas de populations concernées réduites au sein de l’entreprise, cela permet de suivre une formation sans attendre d’avoir un nombre suffisant de participants en interne, ou de répondre à des sujets spécialisés ou à des situations particulières ou isolées. L’opposition mise habituellement en avant est la rencontre avec des profils d’autres entreprises pouvant susciter un souhait de quitter l’entreprise à terme. Les avantages de la situation permettent au contraire d’enrichir l’horizon d’expériences et d’échanges avec des personnes rencontrant les mêmes situations dans d’autres contextes ou entreprises. Autre avantage, ces stages sont généralement programmés à l’avance et permettent une gestion optimisée des disponibilités, avec un coup mutualisé entre les participants. A privilégier pour des formations s’enrichissant de partages d’expériences, de besoins très pointus ou de parcours de formation individualisés qui mobiliseraient un formateur pour un nombre très réduit d’apprenants.
Les formations en présentiel, le nec plus ultra
Considérées comme le nec plus ultra des méthodes pédagogiques, notamment par les professionnels de la Formation, elles ont en effet plusieurs avantages indiscutables. Elles permettent de mesurer mieux que n’importe quelle autre méthode la capacité à mettre en œuvre les acquisitions (jeux de rôles, ateliers, sketchs…). La variation des rythmes ou des exercices la rendent aussi(théoriquement) très interactive. Enfin, au travers l’analyse des comportements et des réactions non verbales des apprenants, le formateur appréhende le non-dit et peut gérer le niveau d’apprentissage à tout moment de chacun des stagiaires. Mais les nécessités économiques et l’apparition d’autres méthodes pédagogiques ont égratigné cette forme d’enseignement. Parce qu’elle reste accaparante en termes de temps consacré, et de coût des intervenants ou des déplacements des stagiaires. Parce qu’elle ne permet pas facilement de gérer la nécessité de rester en contact de son activité pour les apprenants (je renvoie à l’indiscipline des stagiaires lors des pauses pour récupérer ses équipes, partagées entre le téléphone portable, la visite à des services du siège si la formation s’y déroule, l’absence lors du déjeuner pour un rendez-vous client ou collègue qu’on a fixé en profitant de venir sur le site…), ou les impératifs de transports qui obligent à écourter ou à s’adapter aux obligations de chacun. Enfin, la capacité de concentration sur une journée complète, en station assise, de stagiaires habitués à ne pas rester en place, ou à varier leur rythme de travail en fonction des tâches quotidiennes.
Il convient donc de bien maitriser les attentes de cette méthode, en lui réservant la nécessité de faire se rencontrer les personnes, de mettre en jeu et de contrôler davantage le savoir-faire que le seul savoir, et dans un contexte de déroulement très encadré, pour la rendre optimale.
Les formations à distance, le plus économique
C’est le volet de la formation qui a le plus connu d’évolution ces dernières années, grâce à la puissance des technologies. Qu’il s’agisse de MOOC (Massive Open Online Course) mettant en lien une communauté d’apprenants intéressés par un même sujet, de web-conférences s’apparentant à des cours magistraux universitaires suivis sur Internet mais en y insérant une possibilité de poser des questions par un système de tchat en parallèle, de classes virtuelles reconstituant une classe en présentiel mais dont les apprenants ne sont seulement proches que par l’outil informatique (sans web caméra ou avec, c’est mieux), ou encore des plateformes d’e-learning, qu’on peut comparer à une base de données pédagogiques animées et consultable par simple connexion de l’apprenant, avec ou sans traceurs de connexion ou de temps de consultation, les nouveautés ne manquent en rien. Et je vous fais grâce des innovations permettant d’insérer qui telle ou telle option, qui des exercices de contrôle d’acquisition progressive des connaissances.
Les raisons de l’explosion de l’intérêt pour ces méthodes pédagogiques (je parle plus volontiers de supports que de méthodes), sont économiques la plupart du temps. D’une part, il n’y a ni déplacement du formateur ni des apprenants, ni immobilisation d’une salle, ni coût lié à l’hébergement en cas de rassemblement. D’autre part, on peut plus facilement séquencer l’apprentissage, donc aménager le parcours de formation en l’insérant dans le temps de travail. De plus, il n’est pas rare que l’apprenant puisse consulter la plateforme ou revoir les conférences enregistrées non plus seulement de son poste de travail mais aussi de chez lui ou au moyen d’outils connectés à tout moment. Mais également, la possibilité de revenir sur des éléments déjà parcourus assure une grande souplesse d’utilisation et une qualité d’apprentissage à la main et au rythme de l’apprenant. Enfin, et compte tenu de la souplesse et de la faiblesse des dépenses externes afférentes, les coûts sont moindres pour l’entreprise ou le stagiaire. Alors, est-ce la panacée comme le veulent laisser entendre beaucoup d’entreprises ?
La réponse est bien évidemment plus complexe que la seule affirmative sur le plan financier. Ces supports nécessitent une habitude d’apprentissage que n’ont pas toutes les personnes. On peut évoquer les notions de générations, mais aussi de capacités réceptives des personnes où chacun ne retient pas la même quantité de connaissances par écrit, par oral, par visualisation, ou par construction. Par ailleurs, il peut y avoir une familiarité plus ou moins forte avec l’usage et l’ergonomie des supports ou de l’outil informatique. Enfin, le côté précontraint du support unique prive de souplesse d’adaptation à des populations différentes, ou au besoin de raccrocher l’apprentissage à des exemples concrets.
Il conviendra donc de réserver ce type de formation à des nécessité d’apprentissage de notions communes, des seuls éléments touchant au savoir, et en mesurant bien la capacité de mémorisation non immédiate mais dans le temps.
Les formations mixtes, un compromis efficace
Après l’explosion des formations à distance, les entreprises et les formateurs se retrouvent de plus en plus sur un terrain de concessions réciproques, en panachant les méthodes et supports pédagogiques. On couplera ainsi un apprentissage en e-learning, qu’on renforcera par des étapes en présentiel pour valider les acquis en les mettant en scène, ou par des classes virtuelles permettant aux apprenants d’interroger des formateurs afin de lever des doutes sur la compréhension, ou en posant des questions transférant l’apprentissage sur des situations concrètes. Sur le plan financier, on renchérit le coût d’une formation totalement à distance, mais on garantit un apprentissage plus solide par la répétition au travers de méthodes différentes, ou ne laissant pas isolé l’apprenant face à sa seule compréhension de la lecture.
C’est une voie qui se développe à présent, du fait des limites constatées des méthodes exclusivement à distance. Attention toutefois au risque possible de voir les apprenants survoler l’apprentissage individuel pour se rattraper lors des échanges avec le formateur, qui transforme cette rencontre non plus en lieu de validation, mais en lieu de rattrapage des savoirs.
Le coaching, un accompagnement sur mesure
Longtemps considéré comme une forme d’accompagnement individuel réservé à des postes à responsabilité ou à forte valeur ajoutée, cette méthode pédagogique n’est pas une formation comme mes autres. D’ailleurs certains ne la considèrent pas comme de la formation. Et pourtant, il s’agit bien d’un apprentissage pour le bénéficiaire. La vulgarisation du coaching est aussi une conséquence de la responsabilisation et de l’autonomie de plus en plus forte demandées aux personnes dans leurs missions. Le degré d’accompagnement peut être plus ou moins fort, soit en matière managériale, mais aussi en matière commerciale, de gestion des risques, de modification de comportement ou de transfert de compétences.
Il est lourd dans sa mise en œuvre, et plus coûteux compte tenu de la mobilisation du coach. Le développement des technologies est néanmoins passé par là aussi, et désormais il est courant de ne voir son coach en présentiel qu’à un rythme plus espacé, entrecoupé de rencontres en visioconférences ou en entretiens téléphoniques. Autre avantage, le coach peut suivre une population élargie, en répartissant son temps de présence et sa disponibilité sur plusieurs bénéficiaires. Ainsi, certaines entreprises, utilise le même coach pour accompagner tous les commerciaux d’une équipe, et non plus seulement le responsable de l’équipe.
Le tutorat, le plus aléatoire
C’est sans doute le sujet le plus fort de l’actualité de la formation, au moins du point de vue des professionnels de la formation. En effet, le tuteur tel qu’il était appréhendé jusque ces dernières années était comparé au compagnon en charge de former sous sa coupe un nombre réduit d’apprenants en leur dispensant autant un savoir qu’un savoir-faire. Cette situation perdure, et notamment dans les formations liées à des diplômes. Mais, abus de langage ou changement de mœurs, le tutorat s’entend aussi de nos jours comme un relais de connaissances et de compétences, déclinés plus ou moins profondément dans l’entreprise. On peut donc avoir des tuteurs, parfois aussi nommés référents ou experts ou séniors (l’imagination est sans limite), à chaque strate de l’entreprise ou de la structure. Le développement et les succès des organisations en marketing de réseau sont d’ailleurs une preuve évidente de leur réussite potentielle. Mais le degré pédagogique ne peut être décrété, ni dupliquable à l’infini. Et si le projet est louable, il convient de convenir d’une détection en amont des qualités du tuteur, de prévoir un accompagnement de celui-ci pour l’aider dans sa mission d’assistance et de pédagogie, et de mesurer sa capacité d’adaptation, de transmission et l’actualisation de ses propres connaissances, pour éviter toute dérive.
L’avantage de l’idée est de valoriser les personnes disposant du savoir et du savoir-faire, de rendre la transmission de ces savoirs en lien très étroits avec les besoins de l’entreprise, de limiter les coûts en générant ou en augmentant immédiatement la productivité de l’apprenant sans immobiliser le tuteur. Ce principe ne vit que sous réserve d’un accompagnement régulier des tuteurs, d’une formation pédagogique de ceux-ci, et d’un transfert limité aux connaissances actuelles. Attention à l’absence de créativité, au phénomène de clan, et à la mise à niveau des tuteurs. C’est aussi un frein à l’innovation et à l’initiative, notamment des nouveaux arrivants dans l’entreprises qui se verront enfermés dans une duplication des process et des habitudes.
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