Après une forte augmentation depuis 2012, la taxation des plus-values immobilières des non-résidents a depuis deux ans été réduite par un mouvement jurisprudentiel contraire, mouvement qui a en partie détricoté le régime spécifique des non-résidents. Ne s’avouant pas vaincu, Bercy a contre-attaqué fin 2015 afin de récupérer une partie du terrain perdu.
La confusion générée par l’interaction de ces différents mouvements rend nécessaire de faire le point sur l’état du droit en 2016 en matière d’imposition des plus-values immobilières des non-résidents et de donner un aperçu des grandes problématiques encore non résolues.
Sans faire un rappel historique complet, il convient, pour la bonne compréhension de l’état du droit actuel, de partir de la situation qui prévalait en 2011.
- La base de calcul des prélèvements fiscaux des non-résidents était identique à celle des résidents. Toutefois, seuls les non-résidents de l’espace économique européen[1] (EEE) étaient traités comme les résidents (taux de 19 %). Les autres non-résidents[2] étaient soumis à un taux de 33,33 %.
- Les non-résidents n’étaient pas assujettis aux prélèvements sociaux.
- Les non-résidents ne pouvaient pas bénéficier de l’exonération de la résidence principale. Les non-résidents de certains États pouvaient de leur côté bénéficier d’une exonération non plafonnée au titre de la cession d’un logement sis en France s’ils avaient été résidents en France par le passé.
- À la différence des résidents, tous les non-résidents devaient désigner, lors de la cession d’un immeuble en France, un représentant fiscal. Il s’agit d’une sorte de contrôleur fiscal externalisé rémunéré par le cédant et ayant pour fonction de déterminer et payer l’impôt sur la plus-value.
Pour savoir où l’on est aujourd’hui
de la fiscalité immobilière des non-résidents,
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À partir de 2012, un ensemble de mesures a modifié la fiscalité des non-résidents :
- Comme pour les résidents, les non-résidents ont vu l’imposition de leurs plus-values immobilières augmenter du fait de l’allongement de l’abattement pour durée de détention, de l’augmentation du taux d’imposition (16 à 19 %) et de l’instauration d’une contribution d’un maximum de 6 % sur les plus-values supérieures à 50 000 euros.
- Les non-résidents sont dorénavant soumis aux prélèvements sociaux de 15,5 % sur leurs plus-values immobilières, même en l’absence de toute affiliation à la Sécurité sociale française.
- À partir de 2014, l’exonération de l’habitation des non-résidents est limitée à 150 000 euros de base et ne s’applique plus en cas de cession par une SCI.
Les non-résidents ont donc assisté, entre 2012 et 2014, à l’explosion de la taxation de leurs plus-values immobilières, celle-ci passant de 16 % de la plus-value nette imposable à potentiellement 40,5 %, voire à 55 % pour les résidents d’États hors EEE[3].
À la fin de l’année 2014, sous l’impulsion du droit communautaire et du Conseil d’État, le législateur a toutefois mis résidents de l’EEE et d’États tiers à l’EEE sur un pied d’égalité pour ce qui concerne le taux d’imposition des plus-values (19 %). Les résidents d’États de l’EEE ne sont par ailleurs plus contraints de désigner un représentant fiscal lors de la cession d’un immeuble, ce qui facilite leurs transactions.
En février 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu de son côté une décision[4] qui a pour conséquence d’empêcher la France de soumettre les plus-values immobilières des non-résidents[5] aux prélèvements sociaux si ces non-résidents sont affiliés à un régime de Sécurité sociale dans un État de l’EEE hors France ainsi qu’en Suisse. L’administration fiscale estime que cette décision ne concerne pas le prélèvement social de 2 % dû avant le 1er janvier 2015, au motif qu’il ne finançait alors pas une branche de la Sécurité sociale. En suivant cette logique, le législateur a alloué, à compter du 1er janvier 2016, les prélèvements sociaux à des fonds publics versant des prestations sociales sans condition préalable de cotisations. Il espère ainsi mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne.
[1] Il s’agit des pays de l’Union Européenne, de l’Islande et de la Norvège. [2] Hors ceux établis dans certains paradis fiscaux. [3] A l’exception de résidents de certains paradis fiscaux pour lesquels un régime spécifique s’appliquait alors. [4] CJUE, 26 février 2015, aff.C-623/13, Ministre de l’Economie et des Finances / Gérard de Ruyter. [5] La décision de la CJUE s’applique également aux prélèvements sociaux acquittés au titre des revenus fonciers perçus entre 2012 et 2014.