Le gouvernement a introduit dans le projet de budget pour 2016 en cours de vote définitif au Parlement une réforme puissante du prêt à taux zéro. Elle comporte des mesures d’assouplissement pour l’achat de logements neufs, avec un relèvement des plafonds de revenus, une majoration des différés de remboursement et des durées de prêt, enfin une augmentation de la quotité, portée à 40 % du montant de l’opération.
C’est néanmoins pour l’achat de logements anciens que la réforme est la plus ambitieuse : le PTZ sera ouvert à tous les logements existants, sous conditions de travaux, partout en France. Auparavant, cette mesure était limitée aux territoires ruraux. La communauté immobilière a fait un excellent accueil à cette décision de l’exécutif, que l’Assemblée nationale et le Sénat voteront sans nul doute. Son succès n’est pourtant pas acquis. Il passe par la capacité des acteurs professionnels, agents immobiliers et entreprises en bâtiment à réaliser pour les ménages l’ingénierie technique et financière nécessaire. Car la question de l’acquisition rénovation n’est pas si simple. La lecture de la communication du gouvernement ou des commentaires professionnels laisse accroire l’inverse, à tort.
Modifier la logique de recherche de mandats
De quoi s’agit-il ? D’inciter les primo-accédants à devenir propriétaires de biens qui exigent des travaux importants de réhabilitation et de leur offrir un financement public gratuit pour l’ensemble de l’opération. Les travaux doivent représenter 25 % du montant total. Pour le dire plus clairement, l’enveloppe constitue au moins le tiers du prix du logement lui-même… On voit bien quels appartements – en zone urbaine – ou quelles maisons – en périphérie ou en zone rurale – sont visés : des biens délaissés, non entretenus, qui ont fini par sortir du marché à force de ne plus présenter les prestations normales de confort, voire de décence.
Cette conception nouvelle du métier d’agent immobilier va rendre les professionnels aptes à capter une autre clientèle : l’investisseur dans l’ancien.
Les agents immobiliers n’ont d’ailleurs quasiment pas de ces biens dans leur portefeuille. Ils prennent en mandat des logements immédiatement habitables. L’approche à laquelle le PTZ dans l’ancien avec travaux les conduit ne leur est pas naturelle. Il va falloir qu’ils modifient leur logique de recherche des mandats. Il va falloir aussi qu’ils apprennent à estimer les travaux à engager pour restaurer un logement, au prix de partenariats avec des entreprises tous corps d’état.
Recourir au home staging pour séduire les acquéreurs
Au demeurant, cette conception nouvelle de leur métier va les rendre aptes à capter une autre clientèle, dont ils ne sont pas familiers, les investisseurs dans l’ancien : l’intérêt fiscal de ceux qui achètent un logement existant pour le louer est aussi qu’il faille y procéder à des travaux lourds pour générer un déficit foncier de nature à atténuer ou gommer l’imposition catégorielle tout en valorisant l’actif patrimonial. D’ailleurs, cette compétence à organiser une offre de logements à mettre aux normes du marché pourrait bien conduire à regarder d’un oeil plus attentif une technique pour l’instant encore peu répandue : le « home staging » virtuel. Car comment séduire des primo-accédants ou des investisseurs si on ne leur donne pas le moyen, par un logiciel d’anticipation et de simulation, d’imaginer qu’un bien dégradé peut se transmuter en logement attrayant ? Bref, il faut être apte à montrer le potentiel technique d’un logement delà de ce qu’il voit.
En clair, derrière la réforme du PTZ dans l’ancien, il y a une réforme de la profession d’agent immobilier elle-même, salutaire. Pas sûr que la communauté professionnelle, qui a applaudi à cette décision du gouvernement, l’ait réalisé…