JDA : Les professionnels de l’immobilier viennent de créer un portail grand public. Comment appréhendez-vous Bien’Ici ?
Roland Tripard : Nous exerçons ce métier depuis 23 ans, alors nous observons tout cela avec un certain recul. Des projets de portails immobiliers, y compris issus de la profession, nous en avons connu d’autres. Il y a quinze ans beaucoup de ceux qu’on retrouve derrière le projet Bien’Ici lançaient Home Village, et l’expérience n’a pas été vraiment concluante. Actuellement, il y a un emballement technologique, justifié d’ailleurs, qui fait qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’un projet de portail ne voie le jour. Tous n’ont certes pas la même ampleur, mais la réalité c’est que nous sommes sur un gros marché qui fait rêver beaucoup de monde.
JDA : Que pensez-vous du site Bien’Ici ?
Roland Tripard : Tout d’abord, par bien des aspects, il va dans le bon sens, celui des besoins du consommateur. Cela fait une vingtaine d’année que nous évangélisons auprès des professionnels de l’immobilier, pour qu’ils communiquent le maximum d’informations auprès de leurs clients. Les agents immobiliers sont très conservateurs, il nous a fallu du temps pour les convaincre de la nécessité de publier les photos, d’enrichir les descriptions de leurs produits, d’ajouter des informations sur les diagnostics ou sur les quartiers… Seuls les portails indépendants pouvaient faire ce travail, les professionnels n’étaient pas du tout tous prêts à l’époque. Ces derniers temps, nous avons beaucoup œuvré auprès des agents pour qu’ils publient les adresses des biens… Nous avons lancé la géolocalisation il y a quelques semaines seulement car nous attendions d’avoir un nombre suffisant d’annonces localisées (20% environ) pour proposer ce service qui facilite la recherche immobilière. Aujourd’hui, je suis heureux que les professionnels aient mieux compris les enjeux de notre métier… même si la communication de certains à l’occasion de ce lancement n’est pas avare de contre vérités, énoncées ici et là.
JDA : Vous parlez des attaques dont vous faites l’objet sur votre politique tarifaire ?
Roland Tripard : Quand je lis que nos tarifs mettent en péril la survie des agences immobilières, j’ai envie de réagir. Le prix de la diffusion sur SeLoger est de l’ordre de 5 et 10 € par annonce et par mois, sans limitation de contenu ou de photos. Rapporté au nombre de contacts générés, et à la visibilité offerte aux agences, ce prix nous semble juste. Diffuser cette même annonce dans un journal, ou obtenir autant de contacts qualifiés en investissant sur Google ou sur Facebook coûte d’ailleurs plus cher aux agences.
Il nous est également reproché de faire payer les data, or il n’en est rien. Nous recommandons en effet aux agences de publier les biens vendus pour éclairer au mieux les consommateurs. Mais ce service lancé en 2008 est gratuit et il permet même à l’agence d’obtenir des avantages tarifaires. Un projet immobilier, c’est très engageant au plan financier pour les consommateurs. Il faut réussir à générer de la confiance en publiant un maximum d’informations.
Quant à la comparaison entre les agents immobiliers et les hôteliers, elle est un peu rapide. Des sites comme Booking.com prennent une commission de l’ordre de 15%, prélevée sur le montant de la réservation faite auprès de l’hôtelier, ce qui n’est pas notre cas. Sur un montant moyen d’honoraires de plus de 8 000€ pour une vente immobilière, vous imaginez ce que ça voudrait dire !
Les vrais enjeux de ce lancement sont doute ailleurs, peut-être dans la volonté de développement des grands franchiseurs.
JDA : Est-ce normal de faire payer les agents pour la mise en ligne de LEURS annonces immobilières ?
Roland Tripard : Bien sûr. Ce que nous leur vendons, c’est une audience considérable et qualifiée. Ce qu’ils achètent, c’est une exposition à 25 millions de visiteurs par mois, 7,5 millions de visiteurs unique et 120 millions d’alertes. Nous sommes un média, ce que nos clients regardent, c’est le nombre de contacts générés par annonce. Au mois de septembre nous avons envoyé plus de 3 millions de contacts à nos annonceurs immobiliers. Et nous veillons à ce que cette efficacité soit toujours plus importante : +13% de contacts générés à fin octobre 2015 par rapport à l’année dernière.
Nous respectons les compétences de nos clients, nous n’aurions pas 25 000 agents qui travaillent avec nous, si le retour sur investissement n’était pas bon. Lorsqu’une entreprise fait de la publicité sur TF1, elle paye pour la mise à l’antenne d’un film qu’elle a elle-même financé, elle sait très bien que cela coute plus cher sur TF1 que sur D8 mais qu’elle aura plus de retombées… Propos recueillis par Ariane Artinian ©byBazikPress