Devenir propriétaire, un rêve coûteux
Que d’efforts pour devenir propriétaire ! Se raisonner, se dire longtemps que, vraiment, il faudrait songer à acheter un logement, pour se constituer un patrimoine et pour être maître chez soi. Passer à l’acte, la tête pleine de belles images, puis visiter tant de logements décevants ! Trouver enfin l’endroit habitable pour soi et voir l’avenir en rose. Puis, patatras, retomber sur terre devant son banquier et réaliser qu’il faudra se serrer la ceinture pendant des années. Ces coûts financiers s’assortissent de coûts psychologiques – discipline, fiabilité, régularité et prévoyance – auxquels s’ajoutent les investissements personnels qu’exigent l’entretien, l’aménagement, la décoration, etc. Le bonheur d’habiter en propriétaire est à ce prix.
L’épreuve de la réalité
L’évaluation immobilière c’est la mise à l’épreuve du rêve de devenir propriétaire. L’acheteur doit répondre intérieurement à la question : suis-je prêt à consentir durant de longues années les nombreux efforts qu’exige l’acquisition d’un logement ? Une réponse positive comporte, pour la majorité des gens, une mesure d’héroïsme. Une aventure privée commence qui, à chaque succès – la réduction progressive du nombre des remboursements, le moment où on dispose d’assez de liquidités pour agrandir ou pour aménager le logement à son goût, etc. –, confirme les qualités de l’habitant. L’aventure économique est aussi morale. Sa réussite devient, pour soi et aux yeux d’autrui, une sorte de richesse personnelle. Lorsqu’il met sa maison sur le marché, l’habitant endosse les habits du vendeur, mais ils ne lui vont pas vraiment. Car l’évaluation immobilière ne peut que le troubler. Élevée, elle le rend fier d’avoir si bien mené sa barque. Mais alors, quel mal à se séparer d’un tel bien ! Ou alors, quelle flambée de convoitise ! Vite, vendre, en vrai marchand, cet endroit qui était pourtant son monde à soi.
Quel juste prix ?
Décevante, elle provoque un sentiment d’injustice. Comment cette maison qui a exigé tant d’investissement peut-elle valoir aussi peu ? Alors qu’elle a tant de valeur pour soi ? Et qu’elle permet de bien vivre, comme on y a bien vécu soi-même ? Comment vendre la maison à un prix qui la rabaisse et rabaisse, du même coup, la vie qu’on y a menée ? La maison n’est pas un bien comme les autres. L’acheter et la vendre est affaire de coeur et d’argent, entre lesquels rien n’est jamais simple.