Comment légitimer le recours à l’agent immobilier là où – reprise du marché ou non – la low-cost mania conduit nombre de particuliers à vouloir faire l’économie d’un intermédiaire ? « En améliorant le service pour valoriser le métier », répondent traditionnellement les représentants de la profession. « En mettant à disposition des professionnels un outil permettant de renforcer leur rôle de conseil en matière de prix, comme le stipule d’ailleurs la loi Hoguet », martèle Catherine Renner, directrice générale de Péricles.
Depuis trois ans ses équipes – ingénieurs, informaticiens, commerciaux – évangélisent sur les bienfaits de l’expertise auprès de leurs clients agents immobiliers. Dès 2008, la société de service informatique, dont les logiciels équipent une agence sur trois, lance une solution destinée aux professionnels embarquant les méthodes de l’expertise immobilière.
Son objectif ? Proposer une approche plus formelle de la valeur du bien aux propriétaires et aux acquéreurs. Adossé à une base de références mises à jour en temps réel par les utilisateurs de l’application (la base ONE, lire p. 14), l’outil permet de produire des évaluations pertinentes pour échanger sur la mécanique du prix avec le vendeur. « Un rapport est systématiquement édité et remis au vendeur pour s’inscrire dans une démarche résolument transparente », insiste Catherine Renner. Les résultats ne se font pas attendre.
L’expertise, nouveau cheval de bataille
Aujourd’hui, la profession ne jure plus que par les bienfaits de l’expertise. « Nous avons mis en place un parcours de professionnalisation à l’expertise immobilière », explique Edouard Dumortier, Directeur d’Avis. La formation qui peut durer jusqu’à 18 mois avec différents cycles (exercices, tutorat, soutenance…) débouche sur une certification d’expertise immobilière. Montée avec les Agefos, la formation est payante mais les démarches administratives sont prises en charge par le réseau. « Ce qui est sûr, c’est que les résultats sont là. Les mandats exclusifs sont beaucoup plus nombreux », se félicite le patron d’Avis Immobilier.
Nous voulons faire de chacune de nos agences la référence locale en matière d’expertise. C’est notre principal cheval de bataille. Edouard Dumortier, directeur d’Avis Immobilier
Outre ce fidèle de la première heure, tous les grands réseaux font aujourd’hui de l’évaluation immobilière leur nouveau cheval de bataille. «Seule une véritable évaluation permet de bien défendre le prix estimé par l’agent immobilier », affirme François Gagnon, PDG d’Era. Inscrit dans un processus de qualité avec sa dernière étude Ifop en janvier 2010 (98 % de clients vendeurs et acheteurs satisfaits des agences du réseau), Solvimo considère aussi l’expertise comme faisant également partie des stratégies mises en oeuvre pour 2011. « Nous avons lancé une campagne pour former nos agents à l’expertise, confirme Olivier Alonso, le PDG de Solvimo. Ceux qui suivent la formation obtiennent la qualité d’expert avec un numéro d’agrément. Nous avons déjà formé 15 agences et nous visons l’objectif de 50 en 2011. »
Notre objectif à terme ? Devenir l’unique groupe dont 100 % des membres seront à la fois agents et experts en Evaluation immobilière. Michel Choukroun, Président d’Arthurimmo.com
La licence de marque Arthurimmo.com (ex -Arthur L’Optimist) compte se différencier par son nouveau positionnement. Son objectif ? Qualifier les professionnels pour permettre à la clientèle d’accéder à des biens dont la valeur fera l’objet d’une expertise consultable en agence. La formation initiale durera 5 jours et aura lieu au siège du réseau. « Avec cette formation les agents seront en mesure, d’appuyer chacune de leurs évaluations immobilières par la production d’un rapport d’expertise de 20 à 25 pages. Chaque année, une formation continue de deux jours assurée par le réseau à l’ensemble de ses membres complétera la formation d’expert. Nos agences afficheront leur qualité d’expert en vitrine, explique Michel Choukroun, président d’Arthurimmo.com. Nous serons sans doute imités mais nous sommes sûrs d’être le seul réseau dont 100 % des membres seront experts en évaluation immobilière.»
Era France aussi s’investit, proposant une multi-expertise à l’aide d’outils qui offrent la possibilité à l’agent immobilier de bien défendre son prix. Même chose chez Century21 qui dispose d’une base de données permettant de fournir une analyse comparative de marché garantissant au vendeur de céder son bien au bon prix et à l’acquéreur de ne pas acheter un bien surcoté.
Le mandat exclusif, l’avenir de la profession ?
Une fois leur position d’expert consolidée en matière de prix, les patrons de réseaux comptent bien monter au créneau pour décrocher plus de mandats exclusifs. « L’activité d’une agence repose sur trois critères, rappelle le consultant Gérard Bornot. Sa capacité à constituer un stock de biens vendables, à mettre en place une équipe de qualité et à être dirigée par un bon manager.» Et incontestablement, lorsque la qualité du service est au rendez-vous, les agences reprennent des parts de marché sur les particuliers. Idem lorsque les professionnels mutualisent leurs mandats. « On encourage toutes les agences à passer par l’Amepi. Le nouvel outil né de la fusion des FFIP et des SIA permet aux agences de mettre en commun leurs mandats exclusifs, indique le PDG d’Era François Gagnon. Mais on se trouve confronté à deux difficultés majeures : les querelles de clocher et le manque de formation des négociateurs qui ne possèdent pas les arguments pour prendre des mandats exclusifs.»
Aujourd’hui, l’agent immobilier ne peut plus travailler seul dans son coin. Jean-Louis Roy, Elyse Avenue
Pourtant, le mandat exclusif constitue un plus pour le service rendu à la clientèle. Chez Century 21, qui impulse une véritable dynamique du mandat exclusif, par exemple, les résultats sont probants : « 39 % de nos mandats sont exclusifs aujourd’hui alors qu’il y a un an nous n’étions qu’à 27 %, note Laurent Vimont. C’est un réel progrès pour le vendeur qui voit son bien proposé par plusieurs agences tout en ayant un seul interlocuteur ». Chez Elyse Avenue, un contrat Premier (un contrat exclusif, bien sûr !) a même été lancé, assorti d’un « satisfait ou remboursé. « L’agent immobilier ne peut plus travailler seul dans son coin. Il vaut mieux décrocher 50 % d’une commission que 100 % de rien », s’exclame Jean-Louis Roy, le patron d’Elyse Avenue.
La formation, un maître mot
Il faut dire que la période d’avant crise a vraiment été bénie pour les agents immobiliers qui n’avaient même plus d’effort à produire pour récupérer des mandats et vendre. Tout partait sans discussion à des prix parfois aberrants. La crise a cependant mis un coup d’arrêt à cette euphorie. « La période d’avant la crise a créé des dysfonctionnements, reconnaît François Gagnon. Les négociateurs avaient perdu l’habitude de démarcher les vendeurs, de proposer plusieurs biens aux acheteurs et ne faisaient plus le travail de terrain. » Le retour à la réalité a été brutal. Raison pour laquelle les réseaux proposent quasiment tous le renforcement de la formation des négociateurs.
Il est important d’être proche de nos clients avec des sites web bien sûr mais aussi des applications Iphone ou Android. Olivier Alonso, PDG de Solvimo Delphine Rouxel, directeur de Solvimo
Comme Era Immobilier avec son module « Top Gun ». Une formation pour l’heure dispensée, à titre expérimental, aux commerciaux des agences de Paris, Bordeaux et Aix- en-Provence, mais qui devrait se poursuivre. L’expérience a remporté un vif succès, réunissant une fois par semaine et durant deux mois 500 négociateurs. « Il s’agissait non seulement d’apporter une information, mais de créer de nouvelles habitudes », indique François Gagnon. Parallèlement, une formation à distance par vidéo a été mise en place qui permet aux agents du réseau de se former de manière souple, en semaine comme le week-end. Avantages ? Les déplacements pas toujours faciles à intégrer dans les emplois du temps sont ainsi évités, ce qui a pour mérite de soulager la trésorerie des agences. Tous les réseaux ont amplifié leur stratégie de formation. « Nous allons continuer de mettre en avant la formation avec de nouveaux modules, du coaching en agence, précise Bernard Cadeau, PDG d’Orpi, qui milite par ailleurs pour une formation « diplômante » qui relèverait le niveau et permettrait à l’agent immobilier d’être reconnu comme un professionnel de l’expertise locale.
Nous nous positionnons en architecte de solutions immobilières en permettant à nos clients de faire des économies sur un ensemble de prestations liées à l’achat. Laurent Vimont, PDG de Century 21
Même point de vue chez Century 21. « Nous militons pour un projet de loi imposant une formation initiale (3 à 6 mois) pour les collaborateurs, explique Laurent Vimont. Les coiffeurs ont l’obligation d’avoir un CAP professionnel, pourquoi pas les négociateurs ?» C’est un fait, vendeurs et acheteurs réclament de plus en plus de compétences de la part des agents immobilier. Et pas seulement au moment de l’intégration dans une équipe.
« La formation est nécessaire tout le temps, au moment du recrutement et tout au long de la carrière professionnelle, poursuit Bernard Cadeau. Nous proposons des modules pour agents débutants, expérimentés ou seniors .» Certes, ces formations nécessitent un effort d’investissement, mais au final l’agent immobilier est gagnant. À condition que la formation soit à la hauteur.
« Dans un souci d’efficacité et de qualité de notre formation, tous nos coachs accompagnent les négociateurs sur le terrain, car rien ne vaut la pratique », affirme Jean-Louis Roy, d’Elyse Avenue.
Toujours plus de services
Pour Imogroup, le vrai problème n’est pas d’avoir plus de vendeurs et d’acheteurs mais de rendre le service demandé. «Dans ce domaine nous disposons d’une marge de progression gigantesque », constate Serge Redon, qui veut redéployer les services fournis à ses adhérents en utilisant la logique du service « à la carte », moins coûteux pour l’agent immobilier.
Côté services justement, les réseaux affichent de nouvelles ambitions pour 2011. Tout d’abord, renforcer la visibilité des agences sur Internet et les rendre plus proches des clients. C’est par exemple le cas de Solvimo. « Nous livrons actuellement 22 sites Internet régionaux et 95 sites départementaux Nous sommes également sur Facebook », explique Olivier Alonso.
De son côté, Arthurimmo.com se crée une nouvelle identité axée sur le web. «Internet est devenu incontournable, 80 % des affaires émanent de cet outil et c’est pour nous un des moyens de reprendre des parts de marché sur celui des particuliers, à condition d’apporter aux internautes tout ce que la technologie moderne peut amener en terme de services et de qualité d’information », précise Michel Choukroun. Logique, les acquéreurs vont systématiquement sur Internet pour consulter les annonces. D’où la nécessité d’avoir une bonne visibilité. Certains réseaux tablent même sur l’iPhone, le mobile.
Nous allons redoubler d’efforts en terme de formation avec notamment de nouveaux modules coaching en agence. Bernard Cadeau, PDG d’Orpi
« Chez Era Immobilier France, nous avons créé une version mobile (BlackBerry) de notre site, plus facile à consulter d’un téléphone portable », note François Gagnon.
L’Internet mobile prend de plus en plus de place aussi chez Laforêt Immobilier. « Notre nouvelle application disponible gratuitement sut I-Tunes est accessible par les trente millions d’utilisateurs de l’I-Phone succeptibles de rechercher un bien à vendre ou à louer à tout moment», précise Elix Rizkallah, président de Laforêt Immobilier.
Bref, même si ce type de services peut paraître un gadget, il ne faut pas le négliger. Il constitue, en effet, un service parmi d’autres et facilite la communication et la réactivité. « Et c’est là que se fera la différence par rapport au marché des particuliers, explique Gérard Bornot. Dans les enquêtes de satisfaction régulièrement réalisées, les vendeurs se plaignent de ne pas être suivis, les acquéreurs d’être mal traités ». Autrement dit, le service laisse à désirer et, de fait, la commission d’agence est considérée comme inutile ou trop chère. Comme l’a constaté le réseau Era, en France, la commission de l’agent immobilier tourne en moyenne autour de 7 % alors qu’elle est de l’ordre de 2 % dans les autres pays européens. Des tarifs jugés prohibitifs, d’autant que les agences low-cost et certains réseaux sans agences physiques prolifèrent, confortant les clients dans leur perception d’une commission elevée gagnée sans mérite. Résultat, « les commissions sont tirées vers le bas et certains agents sont prêts à les brader, alors que le vrai problème est de travailler la qualité, le suivi », analyse Gérard Bornot.
Magasins et partenariats
Pour les réseaux, il est grand temps de modifier cette perception. Chez Avis, un nouveau concept est d’ailleurs en train de naître. « Nos agences deviennent des magasins immobiliers où les acquéreurs et les vendeurs peuvent trouver une plateforme dédiée tant à l’immobilier neuf qu’à l’immobilier ancien ou à l’investissement locatif et à la défiscalisation, indique Edouard Dumortier. Nous voulons être une référence en matière de transactions ».
L’accompagnement du client est également au coeur de la stratégie de Century 21. « Cent quarante de nos enseignes proposent aux acquéreurs un chéquier dont la valeur peut atteindre 6 000 euros, un dispositif que nous avons mis en place avec des partenaires comme Kiloutou, Darty, Orange… Au total 47 partenaires qui permettent aux acquéreur, vendeurs ou locataires de réaliser des économies sur un certain nombre de prestations liées à l’achat (déménagement, décoration…), indique Laurent Vimont. Nous voulons nous positionner en architecte de solutions immobilières ».
Les agents immobiliers ont bien compris qu’ils devaient apporter un service de qualité pour justifier leurs honoraires. Et l’année 2011 verra peut-être apparaître une nouvelle race d’agents immobiliers… ès prix.