La loi ALUR (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) a bouleversé le paysage des agents immobiliers et des administrateurs de biens. L’opinion doit avoir du mal à comprendre si ce texte de quelque deux cents articles, dont une grande partie concerne la vie quotidienne des Français pour le logement, est bon ou mauvais, et c’est fâcheux: la communauté professionnelle, par ses voix les plus titrées, a exprimé d’emblée les plus vives réserves. A tort ou à raison? Clairement, la résistance au changement a dicté l’essentiel des réactions, dans des professions dont le cadre était stabilisé depuis près de trente-cinq ans. Sans doute d’ailleurs la ministre alors en charge du logement, Cécile Duflot, a-t-elle trop donné le sentiment de vouloir redresser les torts plutôt que de faire évoluer des métiers majeurs pour les ménages… En clair, le marketing politique est largement en cause.
Un an et demi après la promulgation de la loi, il importe de regarder les nouvelles dispositions relatives à la transaction et à la gestion avec plus de sérénité et de mesurer ce qu’elles peuvent apporter dans la relation entre les consommateurs et les agences ou les cabinets. Au fond, l’intention du législateur était bien de réconcilier les professionnels et les ménages, par plus de sécurité, plus de transparence et plus de valeur ajoutée. Au rang des innovations de la loi du 24 mars 2014, le projet d’une Commission nationale de contrôle, constituée de magistrats de métier, de professionnels immobiliers n’étant plus en activité et de représentants des consommateurs.
On a beaucoup entendu parler de la création de l’autre instance, le Conseil national de la transaction et de la gestion, installé dès l’entrée en vigueur de l’ALUR. Le CNTGI était forcément prioritaire: il a la mission de formuler des avis sur toute règlementation future touchant à la vente, la location et l’administration de biens. En particulier, il a dû bâtir un code de déontologie, transmis il y a peu au gouvernement. Ce code sera dans les semaines qui viennent transformé en décret et s’ajoutera aux obligations légales existantes concernant agents immobiliers et gestionnaires.
Alors seulement, probablement avant la fin de l’année en cours, la Commission de contrôle verra le jour. Quel sera son rôle? Trancher les différends entre les particuliers et les professionnels, et utiliser pour cela un nuancier de sanctions inscrit dans la loi ALUR, du blâme à l’interdiction d’exercer. L’intérêt de cette justice d’exception est de permettre aux particuliers d’obtenir réparation de préjudices qu’ils estiment avoir subi de la part des professionnels à qui ils ont recouru.
Qu’attendre de cette Commission? Faut-il la craindre? Beaucoup redoutent qu’elle incline les clients au contentieux et qu’elle croule sous les dossiers. Pourquoi avoir cette vision sombre? L’essentiel des relations se passe sans nuage, pour la satisfaction des ménages vendeurs, acquéreurs, investisseurs, locataires et copropriétaires. En revanche, deux conséquences fortes sont à prévoir. D’abord, en contrepoint de la peur de contentieux nombreux et de sanctions, les professionnels doivent améliorer encore leurs pratiques. On ne peut nier qu’elles manquent de cohérence et que la valeur ajoutée soit très variable. Il est urgent que se crée de fait une sorte de standard de service. A cet égard, l’ALUR, par ses exigences, aura contribué à ce résultat, mais le progrès doit venir de la volonté collective du corps professionnel et non de la règlementation.
En somme, le nouvel outil disciplinaire doit surtout agir a priori, en inclinant les agents immobiliers et les administrateurs de biens à plus de vigilance et de rigueur, et non a posteriori, par la sanction. Si ce n’était pas le cas, l’image des professions en serait dégradée, alors que l’enjeu est inverse.
Enfin, l’instauration de cette Commission doit conduire à disposer de statistiques qualitatives et quantitatives de nature à dégager des jurisprudence et de permettre aux professionnels de rectifier ce qui doit l’être. Ces informations auront un autre impact: alors que certains au sein même de la profession tombent dans la facilité du manichéisme, portant notamment sur les nouveaux entrants et les enseignes les plus dynamiques -les réseaux de mandataires- un regard suspicieux, la preuve sera faite que les consommateurs ne rencontrent aucun problème avec ces acteurs professionnels.
On vérifiera en particulier que les professionnels qui se forment le plus ne génèrent pas de contentieux: avec près de 170 heures de formation par an, chaque conseiller de Capifrance maîtrise le savoir-faire nécessaire. Une photographie fiable de la sinistralité sera ainsi précieuse pour apaiser les relations internes à la profession et pour que tous, organisations syndicales, grandes enseignes, réseaux, tendent leurs efforts vers la satisfaction du public et la qualification des pratiques. A la clé, l’augmentation du taux de pénétration des professionnels est certaine. ©byBazikPress