« Obligation d’accessibilité : qui doit payer? », Caroline Dubuis-Talayrach, juriste

L’accessibilité des établissements recevant du public est désormais la règle. Des millions d’établissements sont concernés dont les commerces, y compris les agences immobilières.

La mise aux normes des établissements accueillant du public se fait en deux temps : ceux qui ont déjà effectué les travaux de conformité devaient le déclarer auprès de la préfecture avant le 1er mars 2015. Quant aux autres, ils ont jusqu’au 27 septembre 2015 pour déposer une demande d’approbation d’agenda d’accessibilité programmé (Adap) afin d’obtenir un délai supplémentaire pour réaliser les travaux.

Passé ce délai, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville, a déclaré que ceux qui ne respecteront pas la réglementation « écoperont d’une sanction de 2 500 euros et retomberont sous le coup de la loi de 2005 qui prévoit des poursuites pénales et 45 000 euros d’amende ».

« Obligation de délivrance » du bailleur

Elargir la porte d’entrée, changer le système d’ouverture, installer des plans inclinés, améliorer l’éclairage, modifier la signalétique… tout ceci a un coût qui, sauf clause contraire expresse, incombe à votre bailleur. En effet, celui-ci a une obligation de délivrance[1], qui consiste à mettre à votre disposition un local conforme à sa destination contractuelle. En d’autres termes, si vous devez recevoir des clients, votre local doit le permettre, et ce dans les conditions légales.

 

La règle est simple : « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée »[2]. La jurisprudence applique rigoureusement ce principe[3] à toutes les mises en conformité : accessibilité, électricité, sécurité, règles sanitaires, etc.

 

Mise à la charge du locataire

 

Le propriétaire ne peut échapper à son obligation de prise en charge des travaux de conformité que si le bail met expressément lesdits travaux à la charge du locataire. Encore faut-il que la clause soit précise. A défaut, les tribunaux l’interprètent en faveur des locataires.

 

Ce qu’il faut retenir

Sauf clause spécifique, c’est le bailleur qui doit prendre en charges les coûts de mises aux normes.

Si une clause figure dans votre bail, consultez un avocat pour en connaître la porté

Si vous devez réaliser des travaux, contactez votre chambre de commerce et d’industrie pour savoir si vous bénéficiez d’une aide financière

Les dérogations ne sont pas de droit : il faut déposer un dossier précis et justifié pour les obtenir.

 

A titre d’exemples, les clauses ci-dessous n’ont pas permis de mettre à la charge du locataire les travaux de mise en conformité imposés par l’administration :

  • clause par laquelle le preneur prend les locaux dans leur état actuel[4] (elle ne vise pas expressément les travaux prescrits par l’autorité administrative);
  • clause qui met à la charge du locataire « toutes les réparations grosses ou menuesqui pourraient devenir nécessaires »[5] ;
  • clause mettant à la charge du locataire « lesréparations et remises en état autres que celles définies à l’article 606 du Code civil »[6] ;
  • clause stipulant que « tous les travaux de quelque nature qu’ils soient qui pourraient devenir par la suite nécessaires au bâtiment, clôtures, installations sanitaires, etc. seront à la charge exclusivement de la société .»[7]. Comme le relève la cour, la clause ne visait pas expressément les travaux de mise aux normes imposés par l’administration mais simplement les travaux nécessaires à l’entretien du bâtiment, des clôtures, des installations sanitaires.

Dérogations

Cependant, si la clause du bail est minutieusement rédigée et qu’elle prévoit expressément la prise en charge par le locataire des travaux de mise aux normes, ce dernier devra s’exécuter… à moins qu’il ne bénéficie des dispositions du nouveau décret d’application[8] de la loi Pinel[9].

En effet, ce décret prévoit, pour les contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014[10], que les dépenses de mise en conformité qui correspondent à d’importantes réparations ne peuvent plus être imputées au locataire. Cette disposition est d’ordre public, c’est-à-dire que toute clause contraire est réputée non écrite[11].

Exemple : Soit un bail commercial du 5 janvier 2006, qui stipule que tous les travaux de mises aux normes d’accessibilité handicapé, quelles que soient la nature des travaux et leur importance, sont à la charge du locataire.

Le bail sera renouvelé après le 5 novembre 2014. Le preneur n’aura pas à prendre en charge le coût des travaux d’accessibilité tels que définis par l’article 606 du Code civil.

Il est conseillé que le devis et la facture de travaux à réaliser soient précis quant au descriptif afin de justifier la répartition des coûts entre le preneur et le bailleur.

En outre, si vous devez réaliser des travaux d’accessibilité, sachez que certaines chambres de commerce et d’industrie allouent des aides pour leurs financements.

Enfin et pour conclure, il existe certaines dérogations (impossibilité technique, conservation du patrimoine, disproportion manifeste au regard de la viabilité économique et refus de l’assemblée de copropriétaire), qui sont, s’il y a lieu, délivrées après étude d’un dossier motivé et justifié.

[1] Article 1719 du Code civil.

[2] Cass. 3e civ., 27 mai 2003, n° 01-17-77.

[3] Cass. 3e civ., 10 mai 1989, n° 87-20-196 ; Cass. 3e civ., 17 avril 1996, n° 94-15906 ; Cass.3e civ., 7 janvier 1998, n° 95-21027 ; Cass. 3e civ., 10 mai 2003, n° 01-17-187 ; Cass. 3e civ., 15 juin 2010, n° 09-12.187.

[4] Cass. 3e civ., 27 mars 2002, n° 0022-561.

[5] Cass. 3e civ., 27 mai 2003, n° 01-17-779.

[6] Cass. 3e civ., 13 juillet 1994, n° 91-22-260.

[7] Cass. 3e civ., 9 décembre 2008, n° 07-19.838.

[8] Décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014.

[9] Loi du 18 Juin 2014 n° 2014-626.

[10]Le 5 novembre 2014 est la date de publication du décret visée à l’article 8 dudit décret.

[11] Article L145-15 du Code de commerce.

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Caroline Dubuis Talayrach: Caroline Dubuis Talayrach Après plus de 20 ans d’exercice en Cabinet d’Avocats Conseils et comme Directrice Juridique et Méthode d’une enseigne nationale de franchise en agences immobilières, Maître Caroline Dubuis-Talayrach a ouvert son propre cabinet de : - Mandataire en cessions d’agences immobilières, cabinets d’administration de biens et syndic - Droit des affaires : Conseil et rédaction des actes en création et transmission d’entreprises, droit des contrats, droit de l’agent commercial, droit des sociétés, droit de la franchise, baux commerciaux - Droit de l’agent immobilier : Conseil et rédaction des actes d’achat/vente de cabinets, formation professionnelle, exercice professionnel, honoraires, création de savoir-faire métiers Sa philosophie : Conseiller – Négocier– Former– Défendre Basé à Aix en Provence j'interviens sur toute la France. Tel : 06 16 72 18 90