Pour Michel Mouillart, Professeur d’Economie à l’Université de Paris Ouest, il n’y a pas lieu de redouter une remontée majeure des taux des crédits immobiliers suite à la crise grecque. Rencontre.
JDA : La crise grecque peut-elle déboucher sur une crise financière majeure à l’instar de celle des subprimes en 2008 ?
Michel Mouillart : Personne n’est capable de prévoir l’issue de la crise grecque. Mais pour le moment, beaucoup estiment que cette crise ne devrait pas déstructurer les marchés financiers et engendrer un désordre majeur. Le président de la BCE considère d’ailleurs que le système bancaire européen est solide. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que cette crise ajoute de l’instabilité à l’instabilité ambiante.
JDA : La hausse des taux de l’OAT 1O ans a pris de court les observateurs en avril dernier. Comment expliquer cela ?
M.M : La hausse des taux des obligations d’Etat intervenue fin avril s’inscrit dans un environnement propice à une plus grande volatilité des marchés : la fin des craintes d’une désinflation et le retour annoncé d’une inflation contenue, mais aussi l’instabilité née de la crise grecque ont nourri un climat anxiogène propice à cela. Début 2015, les économistes de banque tablaient sur une remontée des taux des obligations de 40 à 50 points de base au cours du premier trimestre. Puis courant mars, ils estimaient que les taux ne devraient pas bouger en 2015. Ce sont ces scenarios que la crise grecque est venue modifier.
JDA : Faut-il croire les prophètes qui annoncent que la remontée durable des taux de crédit immobilier suite à la hausse des OAT ?
M.M : Il n’y a aucune inquiétude majeure à avoir sur les taux de crédits immobiliers. Nous sommes dans une phase de perturbation des marchés obligataires qui ne devait durer que 4 à 5 mois comme cela fut le cas lors des deux dernières crises obligataires. Elle se propagera alors sur le marché des crédits immobiliers en provoquant une légère remontée des taux. La situation actuelle est comparable à la crise consécutive à la mise en œuvre de Bâle III entre avril et septembre 2013. A l’époque, les banques ont dû restructurer leurs actifs pour s’adapter aux règles prudentielles. Ayant moins de liquidités à placer, elles ont été moins demanderesses d’obligations d’Etat. Entre avril et septembre 2013, l’OAT est passé de 1,80 % à 2,49 %.
JDA : Cette remontée de l’OAT a t-elle entraîné une hausse équivalente des taux de crédits ?
M.M : Non. Les banques françaises ne se refinancent pas uniquement sur les marchés obligataires. Environ 60 % des crédits sont refinancés sur les ressources des dépôts à vue. Cela signifie que lorsque les taux de l’OAT augmentent, les taux de crédits immobiliers augmentent trois fois moins. Et le coût d’une modification des taux dans les réseaux est tel que les banques attendent 1 à 2 mois avant de répercuter une hausse des taux à la clientèle. Entre avril et octobre 2013, les taux des crédits sont passés de 2,90 % à 3,09 %. Le même scenario a été observé à l’automne 2012 lors de la crise des dettes souveraines.
JDA : Si la crise actuelle est comparable à des crises passées, quel peut-être son impact sur les taux des crédits immobiliers ?
M.M : Supposons un maintien des OAT autour de 1.2 % jusqu’en septembre. Les taux des crédits immobiliers à 2,01 % en mai selon l’observatoire CSA Credit-Logement pourraient monter à 2,26 % en août prochain. La crise grecque s’évaporant, les taux des OAT redescendraient vers 0,75 % en fin 2015, comme les économistes de banques l’escomptaient en début d’année. Et après un dos d’âne, les taux des crédits immobiliers retrouveraient leurs niveaux du mois de mars, entre 2,10 % et 2,15 %.
JDA : A l’arrivée, vous considérez cette crise comme une parenthèse ?
M.M : Sans doute. 2015 restera de toute façon une année exceptionnelle pour les taux de crédits immobiliers avec des taux de crédits à moyens à 2,15 % contre 2,75 % en 2014 ! La perturbation actuelle ne devrait pas affecter la dynamique des marchés immobiliers … sauf catastrophe à venir.
Propos recueillis par Ariane Artinian©byBazikPress