Selon l’article L.341-2. de la loi Macron, toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite. Le projet de loi prévoit ainsi la fin des clauses contractuelles de non concurrence et de non affiliation. Evidemment, les avis des franchiseurs divergent sur ce sujet.
Certains franchiseurs estiment que cet amendement remet en cause le fondement même de la franchise, d’autres, au contraire, que la libération de la concurrence entre les têtes de réseau va donner un nouveau souffle au commerce en réseau. Si la plupart aurait tendance à s’affirmer contre la Loi Macron, d’autres estiment que la France est en retard par rapport aux autres pays européens ou que la suppression des clauses de non concurrence et de non affiliation obligeraient les franchiseurs à être meilleurs. Découvrez le regard de six franchiseurs sur la question.
Thomas Dangin, master franchiseur associé de RE/MAX
« En regardant la relation franchiseur-franchisé avec du recul, il nous pourrait recevable et légitime que le franchisé puisse décider de son avenir à l’issue du contrat sans contrainte commerciale de type clause de non-concurrence. Cette nouvelle loi doit permettre de favoriser la capacité d’arbitrage du franchisé en faveur des réseaux les plus performants. Par ailleurs, le franchiseur a bien d’autres leviers pour démontrer son savoir-faire commercial afin de maintenir et renforcer son réseau. La marque, le concept de ventes, les méthodes commerciales sont autant d’atouts à faire valoir auprès des franchisés. La plupart des pays européens a déjà adopté une approche similaire. Nous voyons, dans l’éventuelle application de cette loi, une opportunité à renforcer la part de marché des professionnels des réseaux du secteur immobilier. »
Pour Julien Haussy Fondateur et dirigeant d’Espaces Atypiques
« Je suis évidemment contre la suppression de la clause de non concurrence à la fin du contrat de franchise, d’autant que celle-ci est seulement déjà limitée à un an. Interdire cette clause inciterait les franchisés à créer une activité concurrente dès la fin du contrat en utilisant les méthodes apprises auprès du franchiseur. De ce fait, le franchiseur devrait dépenser plus d’énergie à recruter de nouveaux franchisés pour remplacer les départs au lieu d’investir dans la formation, la communication et l’accompagnement des franchisés en bâtissant une relation de confiance sur la durée. Cela pourrait avoir pour conséquence indirecte de diminuer la valeur de l’agence franchisée lors de son éventuelle cession. Néanmoins, cette souplesse en fin de contrat pourrait avoir comme vertu d’attirer plus facilement de nouveaux franchisés. Pour Espaces Atypiques, étant positionnés sur une niche avec un fort niveau de notoriété et de la technicité, il serait compliqué pour un franchisé de créer une agence concurrente.
Le risque de sortie éventuelle des franchisés est décalé, car nous proposons un contrat de franchise long (9 ans). Mais en contrepartie, nous encourageons et nous acceptons des franchisés qui n’ont aucune expérience dans l’immobilier, ce qui nécessite une formation totale et un suivi particulièrement appuyé au démarrage. Concernant le non renouvellement par tacite reconduction, il n’aura pas d’impact pour notre réseau, car c’est ce que nous pratiquons déjà. Cela permet au franchisé d’amortir sa redevance initiale. Et au bout de 9 ans le contrat de franchise a évolué. Il est donc indispensable d’en signer un nouveau, mais sans appliquer un nouveau droit d’entrée. »
Pour Michel Dol, Directeur Général de Tryba
« La grosse différence entre une entreprise traditionnelle et une entreprise adhérente à un réseau de franchise, est que la relation du franchisé s’envisage forcément dans la durée. Chez Tryba, qui se développe en contrat de concessions, la majorité des candidats reçus aujourd’hui sont d’anciens salariés que la perte d’emploi pousse à se mettre à leur compte. Ils voient dans la franchise le moyen de minimiser les risques en choisissant un modèle qui a déjà fait ses preuves. Nous les formons à tous les métiers exercés dans une concession Tryba : la vente, la gestion, la pose, les métrages… Dévaloriser ce concept revient à supprimer l’intérêt de la franchise. Les négociations et les interrogations sur les conditions du partenariat se font avant la signature du contrat. Après, nous sommes dans une vraie relation gagnant-gagnant où nous faisons tout pour faire réussir notre client. Cela est en autre possible grâce à la clause de non concurrence qui protège la tête de réseau. Le projet de loi Macron ouvre la porte à ce que la tête de réseau forme des chefs d’entreprise qui un jour pourraient devenir les concurrents de l’enseigne. Cela décourage le transfert de savoir-faire et n’incite plus les candidats à rejoindre un réseau. »
Pour Alain Boccard, Directeur Marketing d’Axéo Services
« Depuis 2006, nous avons patiemment construit un savoir-faire unique qui est régulièrement enrichi par la tête de réseau, en s’appuyant sur toutes les bonnes pratiques innovantes mises en œuvre par l’ensemble des adhérents. Ce savoir-faire est plus que le socle de notre aventure commune : il en est le ciment. C’est un bien commun en constante évolution, fruit d’une confiance partagée et toujours renouvelée. Il est inacceptable que la valeur de ce bien commun puisse être galvaudée par une méconnaissance des intérêts d’un réseau de franchise et de l’ensemble de ses adhérents.
Pour Sébastien Masure, fondateur et dirigeant de Presse Taux
« La réussite dans la franchise se situe dans l’engagement à long terme pris entre le franchiseur et le franchisé. La durée du partenariat est l’un des socles de base lorsque l’on évoque la notion de commerce associé. Nous ne sommes pas dans une relation de client à fournisseur, mais bien de partenaire gagnant/gagnant dans la durée avec une réelle méthodologie apportée par le franchiseur au franchisé. Méthodologie qui doit être protégée. »
Pour Bruno Pain, fondateur et dirigeant de Carrément Fleurs
« La loi Macron et son amendement sont une chance pour la Franchise ! La clause de non concurrence était déjà extrêmement difficile à mettre en œuvre car elle ne devait pas avoir pour objet d’empêcher le franchisé d’avoir une activité commerciale. Elle restait surtout écrite pour faire peur ! Le fait pour un franchisé de pouvoir, sans risque juridique, continuer son activité commerciale, ne l’exonère pas de supprimer les éléments du concept et du savoir-faire. Il ne peut plus utiliser la marque, l’architecture commerciale, les outils de communication, les logiciels, la centrale d’achat ou de référencement, les recettes spécifiques… Bien entendu, il saura comment faire mais pour autant, il sera obligé de tout rebâtir. Peu importe qu’il y’ait ou non une clause de non concurrence, le contrat protègera encore contre les plagiats et les juges continueront de condamner les franchisés parasitaires.
La clause de non affiliation, quant à elle, et même si elle est limitée dans le temps, empêche le franchisé en fin de contrat de rejoindre un autre réseau. Un franchisé mécontent de son franchiseur ne peut pas, dans les faits, changer de réseau. Mais comment fait le franchisé Bricorama qui voudrait rejoindre Bricomarché car il estime que les conditions sont meilleures pour lui en fin de contrat et lui permettront d’être plus efficace sur son marché local? Je pourrais multiplier les exemples dans tous les domaines, la coiffure, la restauration, les agences immobilières, les fleuristes….Ancien franchisé, j’ai été des deux côtés de la barrière. Mais ma position tient davantage à une analyse stratégique et à une philosophie libérale. Ces clauses qui sont autant de barrières à la sortie ont pour conséquence de créer des situations de rente et empêchent l’émergence de nouveaux acteurs sur le marché. Cette loi aura pour conséquence d’apporter un peu plus de concurrence entre les franchiseurs et sanctionnera plus rapidement les mauvais qui donnent une mauvaise image de la franchise, et créent de l’insatisfaction dans leur réseau. Je connais l’argument des franchiseurs expliquant qu’ils ont investi dans leur réseau et qu’il est donc normal de le protéger. D’abord, cet investissement est partagé avec le franchisé. Ensuite, lorsque l’on choisit ce mode de développement, l’entreprise délègue la plus grande partie du risque financier au franchisé et de ce fait perd ainsi la propriété de sa clientèle et ne maîtrise plus l’emplacement. J’estime que cette loi, en ouvrant la concurrence entre les têtes de réseau va redonner du souffle à la franchise. Elle permettra aussi de réduire le nombre de mauvais franchiseurs. Je ne suis d’ailleurs pas certain que le nombre de 1700 réseaux soit un signe de bonne santé de la franchise. » ©LeFildeL’immo/BazikPress