Votée dans l’urgence à la fin de l’été, la réforme des plusvalues immobilières a, pour le moins, gâché le retour de vacances des propriétaires et modifié, pour un temps, la structure du marché immobilier. « À l’annonce de la réforme, il s’est passé l’inverse de ce que l’on aurait pu penser, indique Bernard Cadeau, président du réseau Orpi. Les propriétaires se sont affolés et, en une dizaine de jours, 5 000 mandats nous ont été retirés, les propriétaires craignant d’être soumis à la nouvelle taxation. Nous avons dû les rassurer, expliquer la réforme mais nous n’avons pas récupéré les 5 000 mandats perdus ». Passé ce moment d’affolement, « ceux qui voulaient vraiment céder leur bien rapidement ont préféré baisser leurs prix, poursuit Bernard Cadeau. Mais dans la mesure où la date d’application du nouveau code de calcul de taxation, fixée au 1er février 2012, se rapproche, on peut s’attendre à un nouveau mouvement de retrait de biens à vendre sur le marché ». Un sentiment que partagent beaucoup d’agents immobiliers. Mais, qu’en est-il réellement de cette réforme ? Quelles en sont les conséquences ? Explications.
La résidence principale reste épargnée
La réforme ne modifie pas le champ d’application des plus-values. Tout bien immobilier vendu à titre onéreux est soumis à la taxation dès lors qu’il dégage un gain. La résidence principale conserve toutefois son régime de faveur et demeure donc exonérée dès lors qu’elle est occupée comme telle au moment de la vente. Pour le fisc « sont considérés comme résidences principales, les immeubles ou parties d’immeubles constituant la résidence habituelle et effective du propriétaire. La résidence habituelle doit s’entendre du lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année ». Bref, la réforme des plus-values concerne les résidences secondaires, les biens locatifs, les terrains à bâtir.
La plus-value considérée est égale à la différence entre le prix d’achat et le prix de vente. Dans ce domaine, pas de changement non plus. Au prix d’achat, il y a lieu d’ajouter les frais d’acquisition (commission d’agence par exemple) si le propriétaire peut les justifi er ou, à défaut, majorer le prix d’achat de 7,5 % maximum. Même principe pour les travaux éventuellement réalisés : le propriétaire peut majorer le prix d’achat de 15 % ou des dépenses réelles s’il peut, là encore, produire les factures. Au prix de cession, le vendeur peut, à l’inverse, déduire les frais liés à la transaction. Quoi qu’il en soit, c’est toujours le notaire qui se charge de déclarer la plus-value et de prélever, pour l’administration fiscale, le montant éventuellement dû.
CAS PRATIQUE :
Armand a acquis sa résidence secondaire il y a sept ans pour un montant de 100 000 euros, frais compris. Il y a réalisé des travaux d’amélioration d’une valeur de 20 000 euros pour lesquels il dispose de toutes les factures.
Il souhaite aujourd’hui revendre son bien 195 000 euros.
Prix d’acquisition 100 000 € + 20 000 € = 120 000 €
Prix de vente 195 000 €
Montant de la plusvalue 195 000 € – 120 000 € = 75 000 €
Déductions 75 000 € – 1 000 € – (7 500 € X 2) = 59 000 €
Calcul de l’impôt 59 000 € x 31,3 % = 18 467 €
Exonération après 30 ans seulement
La plus value ne débouche pas forcément sur une taxation. Tout dépend en effet de la durée de détention. Jusqu’à maintenant, les plus values bénéficiaient d’un battement de 10 % par année après 5 ans de détention, ce qui débouchait sur une exonération totale après 15 ans. Avec la réforme, l’abattement devient progressif et ne permet d’atteindre l’exonération qu’après 30 ans de détention. Le taux de cet abattement s’établit désormais comme suit :
- – 2 % au-delà de 5 ans de détention,
- – 4 % au-delà de 17 ans,
- – 8 % au-delà de 24 ans.
Constat : le contribuable n’obtient que :
- – 20 % d’abattement au bout de 15 ans, contre 100 % dans l’ancien dispositif,
- – 36 % au bout de 20 ans,
- – 60 % au bout de 25 ans. Et ce n’est donc qu’au-delà de 30 ans que l’exonération totale intervient.
Ce nouveau régime d’abattement concernera tout acte authentique signé à compter du 1er févirer 2012. A noter : aussi que l’abattement fixe de 1 000 euros accordé à tout contribuable alourdit la fiscalité des plus-values. Jusqu’au 30 septembre, le taux d’imposition des plusvalues s’établissait à 31,3 % (19 % d’imposition sur le revenu et 12,3 % de prélèvements sociaux). Depuis le 1er octobre, le taux d’imposition est porté à 32,5 % en raison de la hausse du taux des prélèvements sociaux désormais fixé à 13,5 %.
30 ans Ce sera la durée de détention nécessaire pour être exonéré de la plus-value, à partir du 1er février 2012
Avant et après réforme, des conséquences lourdes
Les chiffres parlent d’eux mêmes pour démontrer les conséquences de la réforme. À titre d’exemple, pour un bien détenu depuis plus de 12 ans et dégageant une plus-value de 200 000 euros, une vente sous l’ancien régime conduit le propriétaire à débourser 19 500 euros. Mais à partir du 1er février prochain, ce même propriétaire devra payer la somme de 59 900 euros !
Si le bien est détenu depuis plus de 15 ans, dans le premier cas, il sera exonéré, dans le second cas, la taxation s’établira à 50 700 euros ! On peut comprendre que les propriétaires désireux de céder un bien aient préféré abaisser leur prix pour vendre à temps plutôt que de risquer la taxation.